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La saisie d’une quarantaine de primates remet à jour le trafic illicite en RD Congo

Un mangabey noir (Lophocebus aterrimus)

Parmi les animaux saisis au Togo figurait le mangabey noir (Lophocebus aterrimus). Image de Nathan Rupert via Flickr (CC BY-NC-ND 2.0).

  • En RDC, le Togo a rapatrié en décembre dernier près de 40 primates saisis sur son territoire.
  • Les animaux capturés en RDC partaient à destination de la Thaïlande, sans les documents complets pour toutes les espèces.
  • Près de 30 animaux n’avaient pas été déclarés au départ en RDC et ne figuraient pas sur les documents officiels.
  • Seulement 24 singes du lot ont survécu : ils sont pris en charge par une organisation basée à Lubumbashi.

LUBUMBASHI, République démocratique du Congo — Le 2 décembre, les autorités togolaises ont saisi 38 primates à l’aéroport, envoyés de Kinshasa vers la Thaïlande, incluant au moins deux espèces classées comme vulnérables par l’UICN. Parmi ces animaux, 30 n’avaient pas été déclarés au départ en République démocratique du Congo (RDC).

Le 7 décembre, le Togo a rapatrié les 38 primates, initialement au zoo de Kinshasa, selon un communiqué de l’Institut Congolais pour la Conservation de la Nature (ICCN) du 19 décembre 2023. Parmi les 38 primates, 14 sont morts à Kinshasa avant le transfert des 24 singes restants vers le refuge JACK (Jeunes animaux en captivité au Katanga) à Lubumbashi le 29 décembre.

« Les animaux qui ont survécu nous ont été confiés dans le but de les réhabiliter pour qu’un jour ils puissent regagner leurs lieux naturels. Puisque nous sommes partenaire de l’ICCN », explique Franck Chantereau, directeur de l’association JACK. Il confie à Mongabay que la mortalité élevée est due aux mauvaises conditions de transport par les trafiquants.

L’interception des singes illustre le déficit de contrôle aux frontières congolaises. La cargaison qui s’est retrouvée en transit au Togo était destinée à la Thaïlande, partie de l’aéroport de Ndjili à Kinshasa. Parmi les animaux saisis au Togo, figuraient les lesula (Cercopithecus lomamiensis), une espèce de guenon qui n’a été identifiée et formellement décrite dans les forêts de la province de Lomami qu’en 2012, et le mangabey noir (Lophocebus aterrimus). Ces deux espèces sont classées comme vulnérables par l’UICN.

Inscrits à l’Annexe II de la CITES, ils peuvent être exportés de la RDC avec un permis ; mais Chantereau assure à Mongabay que les trafiquants n’ont pas eu les permis nécessaires pour cette expédition. « Quand les animaux sont arrivés au Togo, les autorités togolaises, avec l’aide des associations de lutte contre la fraude faunique, se sont aperçues que les animaux qui étaient dans les boîtes ne correspondaient ni au nombre ni aux espèces permis d’exportation CITES de la RDC. Donc, elles ont procédé à la confiscation des animaux. »

Les principales destinations sont la Thaïlande, Dubaï et la Chine, où des riches s’offrent des primates comme animaux de compagnie ou des jouets, explique Franck Chantereau. La technique consiste à inscrire sur les documents dûment signés par les services habilités (CITES et ICCN notamment) des espèces non protégées et donc autorisées à la vente. Cela sert à déjouer la vigilance des contrôleurs.

Un lesula (Cercopithecus lomamiensis)
Un lesula (Cercopithecus lomamiensis), classée vulnérable par l’UICN. Image de Terese Hart via Flickr (CC BY-NC-SA 2.0).
Parmi les animaux saisis au Togo, figuraient les lesula (Cercopithecus lomamiensis) et le mangabey noir (Lophocebus aterrimus).
Parmi les animaux saisis au Togo, figuraient le mangabey noir (Lophocebus aterrimus) et le lesula (Cercopithecus lomamiensis). Image de Jack Eagle.

Des espèces protégées sous les espèces qui peuvent être commercialisées

D’après Adams Cassinga, coordonnateur national de l’association Conserv Congo et activiste de la faune et de la flore en RDC, les fraudeurs utilisent souvent une fausse documentation pour assurer le trafic des espèces protégées.

« Auparavant, c’était de grands singes, les gorilles, les bonobos qui étaient vendus. Quand les trafiquants se sont rendus compte qu’ils étaient connus, les trafiquants ont commencé à mettre les singes à longues queues dans les cages pour détourner l’attention de gros singes qu’ils trafiquent. Ce jeu a été aussi compris, et ils ont encore changé de technique : ils falsifient les documents qui vont être présentés aux contrôles », explique Adams Cassinga.

Le nom du trafiquant n’est pas toujours donné, mais Cassinga assure à Mongabay qu’il est bien connu des organisations de protection et même des autorités, et qu’il était dans le viseur. Cassinga déplore cependant que rien d’officiel n’ait été fait jusqu’ici. « La personne a juste été entendue. »

Le 16 août 2023, le Département d’État des États-Unis d’Amérique a interdit de séjour sur son territoire trois fonctionnaires congolais « pour des faits de corruption importants ». Il les accuse de trafic des chimpanzés, de gorilles, d’okapis et d’autres espèces. Une autre source, qui a demandé l’anonymat, estime que les fraudeurs bénéficieraient de la complicité au sein de l’administration chargée de la conservation et de la CITES RDC.

Les sollicitations de réaction par Mongabay n’ont pas abouti auprès de la direction de l’ICCN.

Pour Franck Chantereau, il importe aujourd’hui de renforcer la surveillance, et cela implique le renforcement et la formation des contrôleurs aux frontières et des rangers. Il note cependant que l’ICCN n’a pas suffisamment de rangers alors que d’autres sont régulièrement tués en voulant protéger les parcs nationaux.

« Comment voulez-vous qu’ils reconnaissent les espèces, s’il s’agit des policiers formés pour protéger les personnes et leurs biens ? », interroge-t-il.

 

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Correction : Le 4 janvier, cet article a été mis à jour pour corriger l’orthographe du nom d’Adams Cassinga.

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