Nouvelles de l'environnement

Une entreprise d’exportation de coraux se convertit dans leur conservation à Madagascar

Des plongeurs de Koraï se préparent à installer une structure abritant des jeunes coraux durs dans les eaux protégées de l’île d’Antsoha, au nord-ouest de Madagascar.

Des plongeurs de Koraï se préparent à installer une structure abritant des jeunes coraux durs dans les eaux protégées de l’île d’Antsoha, au nord-ouest de Madagascar. Image courtoisie de Koraï.

  • Suite au décès de son père, Jeimila Donty a repris l’entreprise familiale d’exportation de coraux à Madagascar et l’a convertie dans la conservation en créant Koraï.
  • Donty fait partie d’une jeune génération « proclimatique » qui veut intégrer la nature à son « business model ».
  • Koraï propose de planter des coraux dans les eaux malgaches au nom d’autres entreprises dans le cadre de leur responsabilité sociétale et environnementale (RSE).
  • L’approche est ambitieuse mais se heurte à des défis comme le recrutement de jeunes Malgaches et le manque de soutien politique.

ANTANANARIVO, Madagascar — Face à la perte de couverture corallienne à Madagascar, Koraï, une jeune start-up franco-malgache, s’est convertie dans la restauration de coraux après avoir initialement œuvré dans leur exportation. Jeimila Donty, la fondatrice et dirigeante, fait partie d’une jeune génération « proclimatique » qui veut développer leurs entreprises et gagner leurs vies tout en œuvrant pour la protection de l’environnement.

Suite au décès de son père en 2020, Donty a décidé deux ans plus tard de reprendre l’entreprise familiale, Marine Aquaculture, et de la convertir dans la restauration corallienne. L’entreprise paternelle consistait en une ferme d’élevage de coraux destinés à l’exportation pour les aquariophiles. Elle a appelé sa nouvelle entreprise Koraï, basée à Paris où elle habite. La ferme et les autres opérations sont effectuées à Nosy be, la petite île aux plages paradisiaques au nord-ouest de Madagascar, où elle a grandi. Son initiative est à la fois née de son histoire familiale et de son amour pour Nosy be.

Alors que ses études de commerce ne semblaient pas au départ la destiner à cette activité, Donty dit qu’elle s’est vite rendu compte que l’entrepreneuriat et la conservation environnementale n’étaient pas incompatibles. Même si son parcours académique aurait pu lui permettre d’intégrer de grandes entreprises et de gagner des revenus confortables, cela ne correspondait pas à sa vocation de protéger l’environnement.

« Je fais partie d’une génération différente de celles précédentes, je veux utiliser mes connaissances pour intégrer la nature à mon business model », dit-elle à Mongabay.

Jeimila Donty, la fondatrice et dirigeante de Koraï. Image courtoisie de Jeimila Donty.

En effet, elle s’allie aux vœux de son défunt père de gérer son entreprise de manière plus vertueuse, en vue de la crise environnementale actuelle. En 2019, le père projetait de se lancer dans la sensibilisation à la protection des coraux ; la fille a décidé plus tard d’aller plus loin dans cette direction et de complètement arrêter l’exportation.

Entouré d’environ 2 400 kilomètres carrés (927 miles carrés) de récifs abritant 380 espèces de coraux, Madagascar possède une biodiversité marine exceptionnelle comparable à celle du Triangle de corail. L’île a noté une « dégradation globale des récifs coralliens » dès les années 1980s, selon une étude de 2022, due notamment aux événements de blanchissement, la surpêche et la sédimentation. Ce dernier est le résultat de la déforestation des mangroves côtières et des arbres dans l’intérieur de l’île, censés retenir le sol dans les bassins versants.

Koraï a conservé les nurseries de Marine Aquaculture pour les coraux afin de les réintroduire dans leur milieu naturel, au nom d’autres entreprises. Les boutures cultivées proviennent notamment de souches prélevées initialement dans la mer, puis elles sont multipliées en nurserie et réintroduites autour de l’île protégée d’Antsoha.

Koraï propose cette restauration de coraux en tant que service pour les enseignes voulant s’engager à l’international, dans le cadre de leur responsabilité sociétale et environnementale (RSE). Les rapports d’impacts annuels fournis par Koraï pourront être utilisés dans leurs rapports de durabilité selon la Corporate Sustainability Reporting Directive, établit en 2022 par la Commission européenne, qui oblige certaines entreprises à publier des informations sur leurs impacts sociaux et environnementaux et de gouvernance. La start up ambitionne d’établir plus tard un système de compensation carbone bleu et d’étendre les activités de restauration vers l’Afrique continentale.

L’année dernière, l’entreprise a replanté 1500 boutures de coraux durs au large de l’île d’Antsoha à 28 km (17 miles) de Nosy be, selon Donty. Le taux de mortalité est actuellement inférieur à 5 %. Koraï effectue également des activités de sensibilisation auprès du personnel de ses entreprises clientes, des communautés et opérateurs touristiques locaux et des touristes de passage à Nosy be, par le biais d’un aquarium ludo-éducatif.

Un plongeur de Koraï avec une structure de culture des coraux.
Un plongeur de Koraï avec une structure de culture des coraux. Image courtoisie de Koraï.

 « Je veux bousculer le capitalisme actuel »

Donty dit vouloir appliquer un système entrepreneurial à la conservation de la nature, pour ses multiples avantages. En effet, les actions de restauration de coraux existent depuis plusieurs années à Madagascar, mais étaient jusqu’ici uniquement effectuées par des associations environnementales ou des ONG. Koraï semble être la première entreprise à se lancer dans cette activité sur l’île, selon Gildas Georges Boleslas Todinanahary, maître de conférences et chef du département de formation à l’Institut Halieutique et des Sciences Marines de l’Université de Toliara.

En tant qu’organisation à but non lucratif, une association ou une ONG dépend de systèmes de subventions qui peuvent comporter des limites, sans compter que l’aide obtenue se base souvent sur le bénévolat. En revanche, le modèle d’une entreprise vise à effectuer suffisamment de bénéfices pour le déploiement optimal de ses activités et s’appuyer sur des salariés payés pour ce même objectif.

De plus, les impacts des entreprises ont plus de chances d’être garantis par rapport aux ONG car « le principal avantage d’une entreprise est que les indicateurs sont directement basés sur les résultats sur le terrain et non uniquement sur les activités », dit Todinanahary. « Les efforts de restauration active sont fortement appréciés plutôt que ceux uniquement basés sur la gestion », ajoute-t-il.

« Je ne souhaite pas faire de bénévolat, je veux intégrer la nature à mon business model et bousculer le capitalisme actuel », dit Donty. Le modèle de Korai est inspiré de celui de grandes enseignes telles qu’EcoTree et Ecocean (basés en France) et Coral Vita (aux Bahamas), qui, selon elle, valorisaient déjà la nature par le biais de l’entrepreneuriat il y a près de 15 ans, même sans le système de taxation carbone.

Récif corallien naturel dans les eaux de Madagascar.
Récif corallien naturel dans les eaux de Madagascar. Image de Frontierofficial via Flickr (CC BY 2.0).
Visiteurs à l’aquarium ludo-éducatif de Koraï à Nosy Be, Madagascar.
Visiteurs à l’aquarium ludo-éducatif de Koraï à Nosy Be, Madagascar. Image courtoisie de Koraï.

« L’entrepreneuriat vert n’est pas facile »

Le modèle de Koraï est ambitieux mais doit faire face à de nombreux défis.

« L’entrepreneuriat vert n’est pas facile même si c’est à la mode », dit Donty. Selon elle, même si ses clients sont pour l’instant exclusivement européens, il arrive souvent que les volets RSE ne soient pas bien structurés et certains n’ont parfois même pas de budget dédié.

D’un autre côté, la présence à Madagascar se heurte également à des difficultés, notamment pour le recrutement des employés, dit-elle. Les jeunes préfèrent davantage se consacrer aux études dans les domaines touristique et administratif plutôt que technique, surtout à Nosy be qui est un hot spot du tourisme. De plus, le niveau de performance scolaire des jeunes malgaches est faible, selon un rapport du gouvernement. Le manque d’infrastructures constitue aussi une difficulté supplémentaire. Selon Donty, certaines aires marines protégées à Nosy be ne possèdent même pas de bouées de balisage pour marquer les limites et empêcher les pêcheurs d’y pénétrer.

Todinanahary déplore par ailleurs un manque de volonté politique en faveur de la conservation marine. Selon lui, il n’existe pas encore de textes de lois dédiés aux écosystèmes marins et le Ministère de l’environnement et du développement durable commence tout juste à étudier le terrain.

Il y aussi un manque de stratégies appuyant les communautés locales vulnérables, qui n’ont de choix que de pêcher au niveau des récifs, ce qui contribue à les dégrader. Néanmoins, il y a de l’espoir, selon l’expert, car ces communautés commencent aujourd’hui à mesurer l’importance de la conservation des coraux.

Image de banniere : Des plongeurs de Koraï se préparent à installer une structure abritant des jeunes coraux durs dans les eaux protégées de l’île d’Antsoha, au nord-ouest de Madagascar. Image courtoisie de Koraï.

Correction 1/25/24: Une version antérieure de cet article a fait des erreurs dans l’orthographe des noms de trois entreprises : Ecotree devrait être EcoTree, Ecoocean devrait être Ecocean et Coralvita devrait être Coral Vita. Nous les avons corrigés et regrettons les erreurs.

Citations :

Randrianarivo, M., Guilhaumon, F., Tsilavonarivo, J., Razakandrainy, A., Philippe, J., Botosoamananto, R. L., … Adjeroud, M. (2022). A contemporary baseline of Madagascar’s coral assemblages: Reefs with high coral diversity, abundance, and function associated with marine protected areas. PLOS ONE, 17(10), e0275017. doi:10.1371/journal.pone.0275017

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