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Un premier pas vers un fonds direct pour les peuples autochtones en RD Congo

Un pêcheur local guide son bateau dans les eaux du Lac Tumba.

Un pêcheur local guide son bateau dans les eaux du Lac Tumba. Image © Greenpeace / Philip Reynaers.

  • L'IFF est un fonds de $5 millions destiné aux peuples autochtones et aux communautés locales (IP&LC) dans deux provinces de la République Démocratique du Congo (RDC) en réduisant les intermédiaires.
  • Dans la forêt équatoriale, il existe très peu d’infrastructures bancaires. Certaines communautés ne peuvent donc pas recevoir les fonds de l'IIFF par paiement bancaire ou mobile. Les organisations qui ont créé ce fonds espèrent créer un mécanisme de financement pour qu’elles puissent recevoir des fonds.
  • Lors de la COP26, 1,7 milliards de dollars sur 4 ans ont été accordés aux défenseurs de la biodiversité toujours en faveur de la protection des forêts par les peuples autochtones et les communautés locales du monde. Un an après cette promesse, les peuples autochtones n’avaient reçu que 1,3% de cet argent.

À la fin de la Semaine du climat à New York en septembre, l’ONG Wildlife Conservation Society (WCS) a présenté un tout nouveau fonds destiné aux peuples autochtones et aux communautés locales (IPLC) protégeant les forêts en République Démocratique du Congo (RDC), le Indigenous Peoples and Local Communities Forest Facility (IIFF).

La RDC détient environ les deux tiers des forêts du bassin du Congo, qui est la deuxième plus grande région de forêt tropicale au monde après l’Amazonie. Ces forêts sont menacées par l’exploitation de bois, la production de charbon de bois, l’agriculture mais aussi par l’exploitation minière.

Les peuples autochtones et les communautés locales qui y résident n’ont qu’un titre coutumier sur les terres sur lesquelles ils vivent et dont ils dépendent depuis fort longtemps. Mais en RDC, il est inscrit dans la Constitution que la terre appartient à l’État et le gouvernement ne reconnaît pas le droit des populations de donner leur consentement pour des projets qui pourraient impacter leurs territoires. Les populations autochtones et locales sont souvent expulsées de leurs terres sans recours ou compensations équitables.

« Il y a une loi en 2022 qui a donné plus de droits aux peuples autochtones mais elle est très peu appliquée. Il faut qu’on fasse de la sensibilisation pour que cela change et on espère qu’une partie de ce fonds sera utilisé pour faire appliquer la loi, » dit Keddy Bosulu Mola, coordinateur national du Réseau des populations autochtones et locales pour la gestion durable des écosystèmes forestiers (REPALEF), organisation qui a aussi pris part à la mise en place de ce nouveau fonds.

Cette nouvelle loi interdit à l’État et aux industriels de commencer des projets susceptibles d’impacter une zone habitée par des IPLC sans obtenir au préalable leur consentement libre et informé. Mais les ONG de défense des droits de l’Homme continuent de référencer des abus. Avec l’argent du fonds, Bosulu Mola espère informer la population de l’existence de la loi et permettre aux peuples autochtones de pouvoir se défendre en cas d’accaparement de leurs terres.

Route à Nyalugano, dans le Sud-Kivu. C'est dans cette province entre autres que les populations locales et peuples autochtones pourront bénéficier du fonds Facility
Route à Nyalugano, dans le Sud-Kivu. C’est dans cette province entre autres que les populations locales et peuples autochtones pourront bénéficier du fonds IIFF. Image de Jhumra Smith/USAID via Flickr (CC BY-NC 2.0).

Les peuples autochtones, qui vivent depuis des siècles en équilibre durable avec ces forêts, dont le rôle dans la protection de la biodiversité est de plus en plus reconnu, ne reçoivent qu’une infime partie des fonds destinés à la protection du climat et de la biodiversité.

Patrick Saïdi, coordinateur national des peuples autochtones au sein de la Dynamique des groupes des peuples autochtones (DGPA), estime : « En général, ce type de fonds transite à travers les grandes institutions internationales comme la Banque mondiale et là le budget est affecté aux frais de fonctionnement de l’institution, à la logistique. »…. »

Pour le nouveau Indigenous Peoples and Local Communities Forest Facility, des réseaux IPLC ont collaboré avec l’ONG internationale Wildlife Conservation Society (WCS) et la Rainforest Foundation Norvège (RFN) pour créer un fonds avec moins d’intermédiaires.

« L’idée derrière ce financement, c’est que les communautés et les peuples autochtones puissent avoir accès directement aux fonds, sans que l’argent ne soit dilapidé par des intermédiaires, » explique Saïdi.

« C’est un projet élaboré de manière participative avec les communautés », précise Bosulu Mola et d’ajouter :

« Nous avons pris l’engagement d’agir en consortium. On aura un conseil d’administration à Kinshasa composé d’un représentant de la société civile et de leaders autochtones. Après on aura des petits conseils d’administration au niveau des provinces qui vont décider ce qui peut être fait, à qui ça peut être alloué. C’est notre façon de garantir la transparence mais aussi l’accès direct au fonds. »

Pour le moment seuls $5 millions, don du Bezos Earth Fund et de l’Initiative internationale norvégienne pour le climat et les forêts, seront disponibles dans 2 régions de la RDC. « On commence par l’Équateur et le Sud-Kivu parce que ce sont deux provinces qui possèdent une partie de la forêt congolaise avec beaucoup de populations autochtones qui en prennent soin sans forcément avoir accès à des financements. On commence petit mais on espère que ce fonds serve de mécanisme pour recevoir plus de financements, notamment ceux promis lors de la COP26 à Glasgow et là on pourra s’élargir sur tout le territoire congolais, » explique Saïdi.

Vue aérienne du village du Lac Paku dans la forêt humide et tourbeuse près de Mbandaka, République démocratique du Congo.
Vue aérienne du village du Lac Paku dans la forêt humide et tourbeuse près de Mbandaka, République démocratique du Congo. Image © Daniel Beltrá / Greenpeace

Les populations autochtones prennent soin de la forêt en utilisant des techniques ancestrales qui leur permettent d’exploiter la forêt en harmonie avec la biodiversité. Par leur connaissance du milieu, leur connaissance des plantes, leurs caractéristiques et leurs cycles de reproductions, ils ont pu exploiter la forêt sans la dégrader. Au Sud-Kivu, Josué Aruna, directeur exécutif du groupement d’ONG Congo Basin Conservation Society (CBCS), a collaboré avec certains d’entre eux, notamment les autochtones Batwa de Kasindi.

« Les peuples autochtones considèrent la forêt comme leur maison, leur église traditionnelle ; du coup, ils n’acceptent pas que les personnes extérieures puissent déboiser, faire des feux de brousse, détourner les sources d’eau…À Kasindi, personne ne peut se mettre à cultiver et déboiser sans leur autorisation. En plus, ils connaissent parfaitement leur territoire. Ils savent ce qu’ils peuvent récolter et quand. Quoi couper et ne pas couper pour que la forêt se régénère et ça contribue beaucoup à la sauvegarde des forêts, » explique Josué Aruna.

Mais cette protection fonctionne uniquement si ces peuples restent maîtres de leurs territoires. Dans ce sens, Josué Aruna précise : « Ce financement va aider les communautés à garantir leurs droits à la terre car une grande partie de ce fonds sera affecté à la foresterie communautaire qui est actuellement l’unique mécanisme susceptible de permettre aux communautés de sécuriser durablement leurs terroirs ancestraux et d’une manière globale. »

Durant la COP26, un groupe de donneurs internationaux dont le Bezos Earth Fund s’était engagé à donner 1,5 milliard de dollars sur 4 ans pour soutenir la protection et la gestion durable des forêts du bassin du Congo à travers des mécanismes financiers comme l’Initiative pour la forêt d’Afrique centrale (CAFI).

De son côté, Josué Aruna n’est pas complètement optimiste : « Toutefois maintenant j’attends de voir la réalisation. En RDC, il y a beaucoup d’annonces mais beaucoup moins de résultats sur le terrain. »

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Image de bannière: Un pêcheur local guide son bateau dans les eaux du Lac Tumba, dans la province de l’Equateur. Image © Greenpeace / Philip Reynaers.

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