Nouvelles de l'environnement

Une organisation de défense des forêts réitère son accusation selon laquelle les systèmes de vérification des crédits carbone sont faussés

  • Une évaluation menée par Rainforest Foundation UK exprime de nouvelles inquiétudes sur la validité des programmes de compensation carbone.
  • La fondation affirme que tous les principaux programmes de vérification des crédits carbone ont permis à des millions de crédits d’entrer sur le marché volontaire du carbone, ce qui ne correspond pas à une baisse réelle des émissions de gaz à effet de serre.
  • RFUK demande que l'accent soit mis sur des mesures telles que des taxes carbone mondiales et l'allègement de la dette des pays pauvres, qui, selon elle, permettraient de s'attaquer aux causes profondes des émissions.
  • Verra et plusieurs responsables de projets REDD+ ont déclaré à Mongabay que l'analyse de RFUK était idéologiquement biaisée, insistant sur le fait que si la vérification des crédits n'est pas parfaite, elle produit des résultats authentiques et positifs.

Il y a six mois, des journalistes du Guardian, de Die ZEIT et de SourceMaterial ont publié des données montrant que jusqu’à 90 % des crédits carbone délivrés par Verra, la plus grande agence de certification au monde, n’ont aucune valeur. Rainforest Foundation UK affirme aujourd’hui que trois autres programmes de vérification (le Fonds de partenariat pour le carbone forestier de la Banque mondiale, le système de résultats REDD+ de la CCNUCC, ainsi que le programme de vérification plus récent ART) peuvent donner une fausse image de l’impact réel des compensations de carbone.

L’organisation britannique affirme que des bases de référence manipulées et des failles structurelles dans la validation et la vérification des projets ont entraîné la mise sur le marché volontaire du carbone de millions de crédits qui ne correspondent pas à des réductions réelles des émissions de gaz à effet de serre.

« Tous les systèmes peuvent, dans une certaine mesure, être “manipulés” pour générer des crédits non significatifs, aggravant ainsi le changement climatique, et ne fournissent pas le flux régulier de financement nécessaire à la protection des forêts, en particulier ceux qui s’appuient sur les marchés volontaires du carbone », a déclaré Joe Eisen, président de RFUK, à Mongabay.

Le rapport prend en exemple le Gabon. Ce pays d’Afrique centrale a émis 90,6 millions de crédits basés sur les résultats REDD+, vérifiés par le programme REDD+ de la CCNUCC l’an dernier.

Selon le RFUK, les experts techniques de la CCNUCC ont constaté des « anomalies méthodologiques » dans les valeurs de référence utilisées par le gouvernement gabonais pour calculer « l’augmentation de l’élimination du carbone » résultant des politiques de réduction de l’exploitation forestière et de déforestation, mais ces anomalies n’ont pas empêché la validation des crédits.

« Tous [les systèmes de vérification], dans une plus ou moins large mesure, permettent ou s’appuient activement sur l’inflation ou l’ajustement artificiel des niveaux de référence afin de simuler ou d’amplifier les réductions d’émissions annoncées », peut-on lire dans le rapport.

REDD+ signifie réduction des émissions dues à la déforestation et à la dégradation des forêts, le “+” représentant les activités liées à la conservation, à la gestion durable des forêts et à l’augmentation des stocks de carbone forestier. Les crédits carbone générés par les projets REDD+ représentent une grande partie des crédits disponibles sur le marché volontaire du carbone, où ils peuvent être échangés et utilisés par les entreprises et les particuliers pour compenser leur empreinte carbone.

Simon Counsell, ancien directeur de RFUK et expert en conservation, en droits de l’homme et solutions basées sur la nature, a dirigé une équipe qui a évalué les quatre programmes de vérification des crédits carbone en fonction de 13 critères élaborés par son équipe, notamment les exigences en matière d’additionnalité (la question cruciale de déterminer ce qu’un projet ajoute aux efforts déjà déployés pour réduire les émissions de gaz à effet de serre) et les mécanismes visant à garantir qu’un projet REDD a des effets positifs pour les peuples autochtones et les communautés locales, ainsi que sur l’environnement.

L’équipe a également évalué les dispositions de chaque programme visant à garantir que la déforestation et le stockage de carbone réalisés par un projet sont permanents et durables sur le long terme, après avoir été vérifiés.

88 % de la superficie du Gabon sont couverts de forêts tropicales pluviales et le pays affiche un taux moyen de déforestation de moins de 0,1 %, ce qui en fait un pays à couverture forestière élevée et faibles niveaux de déforestation (HFLD : high-forest, low-deforestation). Crédit photo jbdodane via Flickr (CC BY-NC 2.0).

Critique injuste ?

Jo Anderson, cofondateur de CarbonTanzania, une entreprise sociale qui a mis en œuvre trois projets de compensation en Afrique de l’Est, dont deux sont certifiés dans le cadre du programme Verra, a déclaré que les conclusions du nouveau rapport étaient motivées par des considérations idéologiques et simplifiées à l’extrême. Se référant à une récente déclaration des communautés autochtones en faveur des programmes REDD+, il a affirmé qu’il est prouvé que la finance climatique peut donner des résultats mesurables.

« Nous nous efforçons tous d’utiliser des modèles et des processus de surveillance qui permettent d’améliorer continuellement la précision de nos estimations en matière de réduction des émissions », a-t-il déclaré.

« Aujourd’hui, le système n’est pas parfait, mais il s’améliore », a écrit Ana Haurie, PDG de l’entreprise carbone Respira International, dans un courriel adressé à Mongabay. « Dans une crise qui exige une réponse urgente, le marché volontaire du carbone (MVC) est l’un des meilleurs outils disponibles à l’heure actuelle pour protéger et restaurer la technologie naturelle de capture du carbone dans le monde, à savoir les forêts. »

Mongabay a également contacté les quatre organismes de certification et a reçu des réponses de Verra et d’ART (Architecture for REDD+ Transactions).

Dans une réponse envoyée par courriel, un porte-parole du secrétariat de l’ART a exprimé son désaccord avec les critiques les plus récentes. Ils ont défendu leur norme TREES comme étant alignée sur l’Accord de Paris sur le changement climatique et, plus généralement, sur les mécanismes fondés sur le marché, qui sont essentiels pour lever les fonds nécessaires pour réduire la déforestation. « La position [du RFUK] contre les approches basées sur le marché et en faveur d’approches non basées sur le marché ne tient pas compte de la nécessité d’une action rapide sur les deux fronts. Il n’est pas possible d’atteindre les objectifs de l’Accord de Paris sur le climat sans mettre fin à la déforestation au cours de la prochaine décennie, et les mécanismes de marché sont essentiels pour soutenir ce résultat », a écrit le secrétariat.

« Nous savons que le système n’est pas parfait, » a écrit Anne Thiel, porte-parole de Verra, dans un courriel. « Le REDD est basé sur un scénario contrefactuel ; il s’agit d’une approche qui cherche à empêcher que quelque chose ne se produise. Le calcul des réductions d’émissions résultant de ce travail est inévitablement moins clair que dans d’autres cas. »

Verra a récemment annoncé la mise à jour de leur méthodologie REDD. L’organisme affirme que les nouvelles règles qui entreront en vigueur d’ici 2025 auront une approche différente de l’établissement des niveaux de référence. L’organisation à but non lucratif a engagé la société de conseil Aster Global Environmental Solutions, basée aux États-Unis, pour contrôler ses nouvelles règles en matière de compensation. Cependant, Aster a été associée à des cas de gonflement des réductions d’émissions au Zimbabwe et à l’approbation d’un projet au Kenya en dépit des préoccupations des populations locales.

« Nous devrons voir si cette mesure apporte les changements fondamentaux qui sont nécessaires ou s’il s’agit simplement d’un rafistolage supplémentaire sur un système défectueux », a déclaré Joe Eisen.

Il a suggéré qu’il était temps d’évaluer la viabilité d’alternatives non marchandes, telles que l’allègement de la dette des pays pauvres et des taxes mondiales sur l’extraction des combustibles fossiles, qui permettraient de s’attaquer aux causes sous-jacentes du changement climatique tout en travaillant avec les peuples indigènes pour protéger les forêts.

 
Cet article a été modifié le 31 juillet pour inclure le commentaire de ART.

Immage de bannière : Evans, garde forestier du projet REDD+ Wildlife Works du corridor de Kasigau, au Kenya. Photo Geoff Livingstone via Flickr (CC BY-NC-SA 2.0).

 
Article original: https://news.mongabay.com/2023/07/forest-campaign-group-renews-charge-that-carbon-credit-verification-schemes-are-flawed/

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