Nouvelles de l'environnement

La mort de poissons près d’une mine de Rio Tinto à Madagascar a fait ressurgir les doléances de la population

  • En mars 2022, à la suite du rejet d’eaux usées provenant de la mine de la société QMM appartenant au groupe Rio Tinto, des milliers de poissons ont été retrouvés morts dans des lacs voisins de la mine se trouvant au sud-est de Madagascar, provoquant des manifestations et une enquête de l’État.
  • Des organisations de la société civile disent que les effluents de la mine se retrouvent dans les plans d’eau voisins avec une régularité alarmante, mettant en danger la santé des populations et les privant de leurs moyens de subsistance, et que la société minière ne fait pas grand-chose pour améliorer la vie des Malgaches les plus touchés par ses activités.
  • La société dit qu’elle n’est pas responsable de la mort des poissons et qu’elle fournit de l’eau et de l’aide pour améliorer les relations avec les populations locales.
  • « S’ils veulent entretenir de bonnes relations, la première chose à faire est de ne pas déverser d’eaux usées non traitées dans l’eau potable des villageois », a dit Tahiry Ratsiambahotra, un activiste malgache à Mongabay.

LAC AMBAVARANO, Madagascar — Le 5 mars 2022, après des jours d’inondations provoquées par un cyclone, des responsables de la mine de la société QMM appartenant au groupe Rio Tinto à Madagascar ont envoyé une demande urgente à l’organisme de régulation de l’eau du pays. Ils voulaient rejeter 1 million de mètres cubes d’eaux usées dans la rivière de Mandromondromotra qui coule sur le nord-est du périmètre de la mine.

Quelques jours plus tard, le fils aîné de Simon Razanandriana, Derrick, est rentré à la maison avec des nouvelles inquiétantes : des milliers de poissons morts flottaient sur le lac Ambavarano, dans lequel la famille pêche depuis des générations.

Simon Razanandriana
« Personne ne peut nous aider. Même le gouvernement travaille avec QMM a dit Simon Razanandriana. Photo prise par Malavika Vyawahare/Mongabay.

La Mandromondromotra se jette dans le lac Ambavarano, qui est l’un des lacs du système estuarien situé entre la mine et l’océan Indien. Le hameau de pêcheurs de Manaka, ou Emanaka, où vit la famille Razanandriana se trouve sur les berges sableuses qui séparent les lacs de la mer. En naviguant dans leurs pirogues sur les eaux tranquilles du lac, les pêcheurs peuvent parfois entendre le vrombissement de la machinerie lourde de la mine par-dessus le bruit de l’océan.

Des organisations de la société civile disent que les effluents de la mine se retrouvent dans les plans d’eau voisins avec une régularité alarmante, mettant en danger la santé des populations et les privant de leurs moyens de subsistance, et que la société minière ne fait pas grand-chose pour améliorer la vie des Malgaches les plus touchés par ses activités. Ils disent que le danger que représente la mine grandit, car les changements climatiques apportent de plus en plus de tempêtes destructrices sur les côtes de Madagascar.

Un lac qui rejette des poissons morts

The city of Fort Dauphin.
La ville de Fort Dauphin. Photo prise par Malavika Vyawahare/Mongabay.

Accrochée aux contreforts des montagnes de l’Anosy, la ville portuaire de Fort Dauphin a toujours attiré les étrangers : les Français, qui ont ensuite colonisé Madagascar, y ont établi leur première implantation. Les touristes sont attirés par son littoral pittoresque, embelli par des lacs côtiers.

Les trois lacs interconnectés les plus importants, Ambavarano, Besaroy et Lanirano, fournissent de l’eau et des poissons à la région de Fort Dauphin, notamment à la ville principale qui se trouve à 10 kilomètres au sud du site minier de QMM à Mandena. Les villages de pêcheurs sont à une heure à pied du bord de la ville par un chemin côtier en direction de la mine.

La nouvelle de la mort des poissons s’est répandue rapidement, et de nombreux pêcheurs ont établi un lien entre l’eau sale qu’ils avaient vue entrer dans le lac en provenance de la mine voisine et le sort des poissons. Ce n’était pas la première fois. Plusieurs habitants ont raconté à Mongabay qu’en décembre 2018, après des pluies torrentielles, de l’eau souillée provenant de la mine s’était écoulée dans les lacs. Les eaux des lacs avaient alors aussi rejeté des poissons morts.

A fisher on one of the waterways connecting Lake Besaroy with Lake Ambavarano. Image by Malavika Vyawahare/Mongabay.
Un pêcheur pagayant dans une pirogue. Photo prise par Malavika Vyawahare/Mongabay.

Rio Tinto n’a pas répondu aux questions de Mongabay pour cet article. Toutefois, dans des documents de la société vus par Mongabay, la société minière a signalé quatre « incidents » de ce type, y compris le dernier en 2022.

Derrick, 14 ans, qui était sorti pour pêcher ce matin de mars a été effrayé par cette vision et n’a pas touché aux poissons. Mais, d’autres en ont rapporté chez eux ou emmené aux marchés à Fort Dauphin. Des experts mandatés par le gouvernement sont venus, ils ont pris des photos, prélevé des échantillons d’eau et ramassé les carcasses pour une enquête. Le gouverneur de la région d’Anosy, sous la juridiction duquel se trouve Fort Dauphin, a dit aux communautés de ne pas manger ni vendre les poissons.

Le gouverneur a également annoncé une interdiction de la pêche en attendant les résultats de l’enquête. Alors que les semaines se sont transformées en mois, l’absence d’informations a donné lieu à des éditoriaux incrédules sur des « suicides de poissons » et des rumeurs d’un empoisonnement intentionnel. Et pendant ce temps, le mécontentement concernant l’interdiction de la pêche a grandi.

An excerpt from the complaint filed by fishers with photos of dead fish after 2018 incident.
Un extrait de la plainte déposée par des pêcheurs avec des photos de poissons morts après l’incident en 2018.

En l’espace d’une année, des membres de la population ont bloqué la mine au moins deux fois, pas seulement des pêcheurs, mais aussi d’autres résidents qui nourrissent un sentiment d’injustice de longue date à l’encontre de la mine, que ce soit en raison de litiges fonciers ou d’accusation de ruine environnementale et d’aspirations d’amélioration contrariées.

L’interdiction de la pêche a frappé des revenus de misère et aggravé le manque de nourriture. Le gouvernement a levé l’interdiction trois mois plus tard. Mais, même aujourd’hui, les communautés de pêcheurs n’ont reçu aucune réponse claire de l’État ou de la mine sur ce qui a provoqué la mort des poissons et sur la propreté de leur eau.

L’écoulement de l’eau

A map from Rio Tinto showing the location of the March 5 incident and the location of the release of 1 million cubic meters of mine wastewater.
Une carte fournie Rio Tinto montrant l’emplacement de l’incident du 5 mars et l’emplacement du rejet de 1 million de mètres cubes d’eaux usées de la mine. Image fournie par Rio Tinto.

Entre janvier et mars 2022, cinq cyclones se sont abattus sur Madagascar. Deux d’entre eux ont frappé suffisamment près de Fort Dauphin pour enrayer les opérations minières de QMM. À la fin de février, l’eau avait atteint un niveau dangereux dans le bassin d’extraction, ce qui a incité l’exploitant à détourner le trop-plein vers des bassins de stockage. Mais les pluies ne se sont pas arrêtées, et cette solution d’urgence n’a pas tenu. Le matin du 5 mars, l’eau a commencé à déborder dans le lac voisin de Besaroy.

Malgré des incidents répétés de rejets non programmés d’eaux de la mine dans les zones humides avoisinantes, la société déclare que ces déversements n’ont pas eu d’impact sur l’environnement.

« QMM reconnaît qu’il y avait des poissons morts dans l’eau. Toutefois, l’analyse d’échantillons d’eau et les évaluations réalisées par l’organisme de réglementation n’ont montré … aucun lien entre les activités de la mine et les observations de poissons morts », déclarait un communiqué de presse de la société envoyé à Mongabay. Pour faire bonne mesure, elle a chargé une société de conseil sud-africaine, le Water Research Group (WRG), d’enquêter sur le sujet. Les résultats définitifs de WRG sont toujours attendus.

Rio Tinto détient 80 % de QMM, qui est immatriculée aux Bermudes, alors que les 20 % restants appartiennent au gouvernement malgache. QMM a réservé trois zones dans la région d’Anosy pour ses activités Mandena, Sainte-Luce et Petriky. La société a commencé l’extraction au site de Mandena en 2009, et ce site est toujours en activité.

À cet endroit, elle extrait de l’ilménite à partir de sables riches en minéraux. Le dioxyde de titane présent dans l’ilménite permet d’obtenir un pigment ultra-blanc utilisé dans toutes sortes de produits allant des peintures aux cosmétiques, et il est même utilisé dans le dentifrice. L’ilménite extraite est expédiée depuis le port de Fort Dauphin pour être traitée dans l’usine de Rio Tinto au Québec (Canada).

La multinationale qui a des sièges au Royaume-Uni et en Australie est une des sociétés minières les plus riches du monde. En 2021, Rio Tinto a déclaré un chiffre d’affaires dépassant les 60 milliards de dollars. Cette même année, le PIB de Madagascar s’élevait à moins de 15 milliards de dollars.

C’est une relation inégale, mais c’est aussi une relation que le gouvernement malgache semble peu disposé à mettre en péril. QMM est un acteur majeur dans le paysage économique du pays. La mine est l’un des plus gros investissements étrangers dans le pays.

Malgré sa richesse, Rio Tinto, la société mère de QMM semble avoir des difficultés à gérer ses eaux usées. Au lieu de suivre les meilleures pratiques, la société est presque toujours en train de rattraper son retard, selon les activistes qui ont suivi les activités de la mine depuis ses débuts.

Le complexe de la mine se trouve emmêlé dans un réseau de lacs et de rivières. La mine puise de l’eau pour ses activités dans les zones humides avoisinantes et, jusqu’à récemment, y rejetait régulièrement des effluents.

QMM extrait de l’ilménite en draguant des sables riches en minéraux à l’aide d’une plateforme qui flotte sur un bassin d’extraction artificiel. Le sable dragué est mélangé à de l’eau, et la boue est canalisée à travers une série de séparateurs en spirale afin d’isoler les minerais lourds comme l’ilménite des minerais plus légers comme le quartz et la silice. Une extraction supplémentaire de l’ilménite est réalisée par séparation magnétique et électrostatique.

Mais le fait d’enlever certains minerais change la concentration d’autres composés dans les sables résiduels et dans l’eau utilisée dans le processus. La société stocke les sables rejetés sur place. Elle dirige l’eau de traitement vers des enclos et des bassins de décantation. À partir de là, l’eau est canalisée vers les zones humides au sein de la concession, qui se déversent dans la rivière de Mandromondromotra.

Dans les rapports de la société, QMM décrit sa méthode de traitement de l’eau comme naturelle. « La gestion de l’eau est basée sur des processus exempts de produits chimiques, la sédimentation naturelle dans un système d’enclos et une filtration naturelle à travers des marais », a déclaré la société dans un rapport de 2021.

« Ils appellent ça un traitement naturel. Il n’y a pas de traitement », a dit Tahiry Ratsiambahotra, un activiste malgache aujourd’hui basé en France qui est impliqué dans la défense des intérêts des populations face aux activités de QMM depuis plus de 20 ans, à Mongabay. « Ce n’est pas naturel. C’est juste un moyen d’économiser de l’argent. »

Fin 2021, face à des plaintes persistantes, QMM a arrêté le rejet régulier de l’eau de traitement dans les zones humides. Elle n’a par contre pas renforcé sa préparation à des événements comme les cyclones, qui se produisent chaque année dans cette région et devraient frapper de plus en plus brutalement dans les années à venir.

Madagascar, en particulier les zones comme le site de la mine qui se trouvent sur la face des montagnes Anosy faisant face à la mer, peut subir des épisodes soudains de pluie violente pendant la saison des pluies, qui dure de novembre à avril. En mars de cette année, l’un des cyclones ayant duré le plus longtemps jamais enregistrés a frappé la nation insulaire. Fort Dauphin est particulièrement vulnérable aux pluies torrentielles et aux crues-éclair comme celle qui sont survenues fin février 2022 à la suite du cyclone Emnati qui a provoqué le rejet d’eau de la mine.

« Je suis convaincu que le rejet d’eau de la mine est la cause de la mortalité des poissons », a dit Stella Swanson, une consultante en environnement chargée par le Andrew Lees Trust (ALT UK), un organisme à but non lucratif basé au Royaume-Uni d’examiner la mortalité massive de poissons. « La combinaison d’une eau acide et d’une teneur élevée en aluminium de l’eau provenant du site de QMM est le lien le plus probable entre les rejets d’eau et les poissons morts observés après ces rejets », a expliqué Swanson dans son mémo.

Swanson a déclaré que les zones humides peuvent être d’excellents systèmes de traitement naturel, mais elles ne sont pas suffisantes, et de nombreuses mines canadiennes installent des mesures de protection et des traitements supplémentaires pour empêcher les déversements soudains d’eau contaminée.

Les pêcheurs affirment que la contamination se produit non seulement à cause de l’excès d’eau qui est déversé à dessein dans les voies d’eau à partir de points de rejets désignés, mais aussi d’eau provenant d’un débordement des bassins de décantation et du bassin d’extraction artificiel lui-même. Pour empêcher ces débordements, la société a construit une risberme, ou une berge surélevée, de 30 mètres de large et 4 mètres de haut entre sa concession minière et les zones humides à l’extérieur. Malgré cela, des documents de la société montrent que de tels débordements se sont produits en février et en mars 2022.

Rio Tinto a par le passé reconnu que son projet est mal conçu. « Après un certain temps, le système de traitement de l’eau actuel n’a pas fonctionné comme prévu », déclare le rapport de 2021.

La société a documenté des problèmes avec un excès d’aluminium et de cadmium et l’acidité de l’eau traitée. Swanson a décrit l’eau se trouvant dans les bassins de décantation de QMM comme étant « comme du vinaigre » sur la base des propres données de QMM.

Selon ALT UK, les concentrations en plomb et en uranium des plans d’eau recevant des rejets de la mine dépassent également les valeurs limites d’exposition sans danger. Près de 15 000 personnes dépendent de ces rivières et de ces lacs pour leur eau potable. Pendant des années, l’ONG a réclamé que QMM fournisse de l’eau potable à ces communautés.

En 2022, le géant minier a annoncé qu’il développerait une « solution pour l’eau à long terme » d’ici à 2024, c’est-à-dire 16 ans après le début de ses activités à Mandena et huit ans avant la fermeture prévue du site.

Vivre avec une mine

Inside the QMM mine site in Mandena.
À l’intérieur du site de QMM de Mandena. Photo prise par Malavika Vyawahare/Mongabay.

Un fonctionnaire de l’Office national pour l’Environnement (ONE), l’organisme de réglementation en charge de l’environnement à Madagascar, qui a demandé l’anonymat, car il/elle n’était pas autorisé(e) à parler aux médias, a dit à Mongabay que l’Autorité nationale de l’eau et de l’assainissement (ANDEA) avait commis une erreur en autorisant QMM à rejeter des eaux usées dans la rivière en mars 2022.

L’enquête commanditée par le gouvernement a trouvé que les concentrations en aluminium au niveau des points de rejet étaient plus élevées que les limites autorisées, selon le fonctionnaire de l’ONE. Mais, les résultats n’ont pas été officiellement publiés, car les autorités pensent que les communautés protesteraient, quels que soient les résultats, selon le fonctionnaire. « Elles [les populations] n’ont pas confiance dans les agences gouvernementales », a dit le fonctionnaire. « Les communautés pensent que les pouvoirs publics sont tous corrompus et travaillent avec QMM au détriment des communautés. »

Razanandriana, le pêcheur de Manaka, et Ratsiambahotra, l’activiste, partagent une profonde méfiance envers la mine, les agences de réglementation et l’État malgache. « Personne ne peut nous aider. Même le gouvernement travaille avec QMM », a dit Razanandriana.

 

The sandy embankment separating wetlands from QMM’s mine site.
La digue de sable séparant les zones humides du site de la mine de QMM. Photo prise par Malavika Vyawahare/Mongabay.

L’ONE et l’ANDEA ont tous deux reçu des financements de QMM pour exercer leurs fonctions de réglementation conformément au code minier du pays. La société ne contribue pas seulement aux caisses du gouvernement d’État par l’intermédiaire d’impôts et de redevances, mais également aux caisses du gouvernement local, par des impôts.

Des activistes et des observateurs disent que la colère liée aux poissons morts est un symptôme de doléances plus profondes qui remontent régulièrement à la surface au site de la mine. La société fait face à une opposition depuis qu’elle a commencé à travailler dans la région. Trois groupes sont les plus touchés par la mine : les propriétaires terriens qui affirment que QMM a pris leurs terres sans consultation ni compensation, les communautés qui dépendaient des forêts défrichées par la mine pour vivre et les pêcheurs. En mai 2022, après des mois de manifestations de membres des trois groupes, la situation a atteint un point critique lorsque des villageois ont bloqué la route principale vers la mine, ce qui a provoqué l’arrêt des activités pendant cinq jours. L’armée est venue pour disperser les manifestants, et un petit groupe de ministres s’est rendu sur les lieux pour négocier un compromis entre la société et les membres des communautés qui manifestaient.

Children sitting by a water channel connecting Lake Besaroy to Lake Lanirano. Image by Malavika Vyawahare/Mongabay.
Des enfants assis à côté d’un canal connectant le lac Besaroy et le lac Lanirano. Photo prise par Malavika Vyawahare/Mongabay.

Dans le cadre du compromis conclu en mai, QMM a accepté de mettre en place un processus de règlement des plaintes. Près de 8 800 villageois ont enregistré des plaintes auprès de commissions mises en place en vertu de l’accord. Les pêcheurs qui ont déposé environ 30 % de ces plaintes ont souligné le préjudice subi à cause de l’interdiction de la pêche et également les pertes accumulées au cours des années écoulées depuis le début des opérations de la mine. Ils ont décrit une diminution des prises et la disparition d’espèces aquatiques en raison de la détérioration de la qualité de l’eau et de la construction d’une digue en dehors de la concession minière.

QMM a construit cette digue au bord du lac Ambavarano pour empêcher l’intrusion d’eau salée et transformer le lac et les autres lacs du système estuarien en plans d’eau douce pour que l’eau soit compatible avec la machinerie de la mine. Une étude réalisée par une équipe qui comprenait des chercheurs de QMM avant que le barrage ne soit construit indiquait que le nombre d’espèces aquatiques, estimé à 50, pourrait être divisé par deux par la construction.

A view of the embankment constructed by QMM to prevent seawater from entering the lake system. Image by Malavika Vyawahare/Mongabay.
Une vue de la digue construite par QMM pour empêcher l’eau de mer de pénétrer dans le système de lacs. Photo prise par Malavika Vyawahare/Mongabay.

Malgré l’accord du mois de mai, les hostilités ont repris en décembre 2022, et ont entraîné un autre blocage de la route d’accès à la mine. Les manifestants étaient mécontents du processus de règlement des plaintes, de la manière dont les bénéficiaires étaient décidés et du calcul des compensations. Un nouvel accord a été signé en décembre, et le processus de règlement des plaintes s’est achevé en mars de cette année, mais les observateurs ne sont pas convaincus que les problèmes de Rio Tinto à Fort Dauphin soient arrivés à leur fin.

« QMM n’a pas le soutien du public pour réaliser ce projet », a dit Ratsiambahotra. « Ce projet a été imposé par le gouvernement d’Antananarivo [la capitale de Madagascar]. C’est pour ça que tout le monde ne l’accepte pas. C’est pour ça que les villageois manifestent à chaque fois. »

Les poissons morts n’ont fait que dégrader davantage les relations avec la société. QMM a commencé à fournir de l’eau potable à certaines communautés vivant à côté des lacs immédiatement après que la mort des poissons ait été révélée. La société a également distribué des vivres pendant la fermeture de la pêche. L’aide alimentaire a cessé, mais les cuves d’eau potable continuent d’arriver dans les villages en bateau à moteur en provenance de Fort Dauphin.

Un enfant remplissant un bidon à partir d’une citerne d’eau potable fournie par QMM sur les rives du lac Ambavarano. Photo prise par Malavika Vyawahare/Mongabay.

QMM est en train d’installer une station d’épuration sur les rives du lac Ambavarano, celle-ci fournira de l’eau du lac nettoyé aux populations.

« S’ils veulent entretenir de bonnes relations, la première chose à faire est de ne pas déverser d’eaux usées non traitées dans l’eau potable des villageois », a dit Ratsiambahotra.

QMM a déclaré que la société fournissait de l’eau et de l’aide pour améliorer les relations avec les populations.

Vola Yolande, la mère de Razanandriana, a dit à Mongabay que pendant que les villageois attendent la station d’épuration, les bidons d’eau n’étaient pas suffisants pour répondre à leurs besoins. Ils utilisaient l’eau du lac pour toutes leurs activités quotidiennes et ils continuent de s’en servir. Les femmes en particulier passent beaucoup de temps au bord du lac à laver des vêtements et de la vaisselle. « L’eau est sale et sent mauvais », a dit Yolande. « Même avec du savon, on ne peut pas se nettoyer. »

Razanandriana a dit qu’il s’inquiète de la santé de ces cinq enfants, mais qu’il est impossible de partir. Les hameaux se trouvent en dehors de la concession minière, ils ne faisaient donc pas partie d’un programme de réinstallation. « C’est notre terre ancestrale ; si nous partons, où irons-nous ? », a-t-il demandé.

Yolande a expliqué que les enfants du village tombent souvent malades, y compris ses petits-enfants qui se plaignent de douleurs à l’estomac. L’hôpital le plus proche se trouve à Fort Dauphin, alors, lorsque les jeunes enfants tombent malades, les plus vieux les portent sur leurs dos jusqu’à la ville. Pour les personnes âgées et les personnes gravement malades, la seule solution est un trajet en pirogue, qui peut être dangereux si le voyage doit être fait de nuit.

Vola Yolande, Simon Razanandriana's mother.
Vola Yolande, la mère de Simon Razanandriana. Photo prise par Malavika Vyawahare/Mongabay.

Après la mort des poissons, la puanteur est restée sur les hameaux pendant des jours. La question à laquelle les villageois étaient confrontés était : que faire de cette récolte indésirable ? Les villageois ne voulaient pas que leurs enfants qui passent la majeure partie de leur journée au bord du lac, mangent accidentellement du poisson et tombent malades. Razanandriana a expliqué qu’ils ont décidé d’enterrer les poissons morts à bonne distance, sur la rive opposée du lac, « sur la rive de QMM ».

Mais, à la question de savoir quoi faire à propos de l’eau sur les rives de leurs villages, il n’avait pas de réponse. « Nous savons que l’eau n’est pas propre. Elle est sale en profondeur », a dit Razanandriana. « Que pouvons-nous faire ? Nous ne voyons pas de solution. »

 
Image de bannière : Des poissons morts sur les rives du lac Ambavarano. Les villageois affirment qu’ils sont morts à la suite du déversement d’eaux usées par QMM dans le plan d’eau. Image fournie par Publish What You Pay Madagascar/Malina.

 
Article original: https://news.mongabay.com/2023/05/fish-deaths-near-rio-tinto-mine-in-madagascar-dredge-up-community-grievances/

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