- Les populations du Gabon et du Kenya s’organisent pour protéger les forêts contre le déboisement.
- De nouveaux efforts de restauration de la forêt par un groupe local dans l’est du Cameroun.
- Les revenus de l’exploitation des champignons pourraient permettre de protéger les forêts de Tanzanie.
Ebieng-Edzua : zéro exploitation de bois d’œuvre dans la forêt communautaire depuis 10 ans
La communauté des villages Ebieng-Edzua, détentrice de la première forêt communautaire au Gabon a opté pour zéro coupe de bois d’œuvre dans sa forêt. Ceci pour une meilleure préservation de son patrimoine forestier, contrairement à toutes les autres communautés. Elle a choisi de valoriser les produits forestiers non ligneux (PFNL), les plantes médicinales et la gestion durable de la chasse. Cette vision du développement durable est un exemple soutenu par les autorités.
Située au nord-est du Gabon, dans la province de l’Ogooué-Ivindo, la communauté rurale des villages Ebieng-Edzua est officiellement propriétaire et gestionnaire d’une portion de forêt de 1 256 hectares depuis le 29 octobre 2013. C’est la toute première forêt communautaire attribuée à une communauté au Gabon.
Cette communauté a pris la décision de tourner le dos à l’exploitation du bois après avoir fait plusieurs constats. « Tout d’abord, l’exploitation forestière non seulement saccage les forêts et détruit les sites sacrés, mais elle démobilise également la ressource animale, détruit le sous bois et entraîne des conflits d’intérêt entre les membres de la communauté. Nous avons donc décidé de ne pas suivre cette voie », nous a confié le leader de la communauté Eli Nlo Hubert. La commune s’est imposée un plan de gestion unique dans le pays.
Ainsi, depuis 10 ans, elle a développé un réel savoir-faire dans la valorisation des Produits Forestiers Non Ligneux (PFNL). On y produit un miel de forêt de qualité, on récolte l’Odika (chocolat indigène), des fruits sauvages, on plante et on vend l’Iboga (herbe médicinale) et on y pratique l’agroforesterie.
Par contre, dans plusieurs autres villages propriétaires de forêts communautaires, la coupe du bois d’œuvre est l’unique source de revenu économique pour les communautés. En plus de perturber l’écosystème des forêts exploitées, les communautés font face à de nombreux conflits avec la faune locale à la suite de l’ouverture de routes forestières qui facilitent l’arrivée des éléphants près des maisons et dans les plantations. Dans plusieurs cas également, l’essentiel des revenus de la vente du bois, passe dans les charges liées à l’exploitation.
La restauration forestière est en cours dans l’est du Cameroun
YOKADOUMA, Cameroun – Une municipalité fait planter des moabis et des sapellis sur 32 hectares de forêt dégradée dans l’est du Cameroun. Le projet de reforestation de la municipalité de Yokadouma fait partie du projet soutenu par le WWF pour restaurer des sections de cette forêt communale qui a été sévèrement dégradée par l’exploitation forestière.
« Chaque année, la municipalité de Yokadouma et ses partenaires abattent 1 000 hectares de forêt communale et les efforts de restauration sont restés limités », affirme Alphonse Ngniado Wouala, coordinateur forêt et climat pour le WWF au Cameroun.
La forêt de Yokadouma et celle voisine de Ngoyla couvrent un total de 109 256 hectares. Elles ont été choisies pour un projet pilote visant à améliorer la gestion forestière dans cette portion du paysage Trinational Dja-Odzala-Minkébé. TRIDOM, ainsi nommé pour les trois grandes zones protégées qu’il contient, couvre 178 000 kilomètres carrés de forêts qui s’étendent à travers les frontières du Cameroun, du Gabon et de la République du Congo.
Alphonse Ngniado Wouala a déclaré à Mongabay que le WWF a initié une collaboration de trois ans avec la municipalité de Yokadouma en 2021. La municipalité a planté 1 000 arbres pour suivre leur plan de gestion, principalement des espèces comme le moabi (Baillonella toxisperma) et le sapelli (Entandrophragma cylindricum), tous deux appréciés pour leur bois. Le moabi est également apprécié par les populations locales pour ses fruits et sa valeur médicinale. Le sapelli fournit un habitat pour une chenille comestible (Imbrasia oyemensis) très prisée dans les régions où l’espèce se développe.
Le WWF a évalué les zones de la forêt qui avaient été déboisées et s’est réuni avec les membres de la municipalité pour expliquer les principes de l’exploitation forestière durable et de la régénération. Ils ont également créé une pépinière pour cultiver les plants en vue du reboisement ainsi que des arbres fruitiers que les habitants veulent planter sur leurs exploitations. Après six mois, les membres de la municipalité ont commencé à replanter dans les zones déboisées de la forêt, revenant ensuite remplacer les jeunes plants qui dépérissaient.
Simeon Ngonono, le responsable du reboisement de la municipalité de Yokadouma a déclaré que la commune avait déjà participé à des efforts de reboisement deux fois au cours des dix dernières années mais qu’une gestion médiocre de la forêt avait entravé les progrès. Il pense que la durabilité de ce nouvel effort de reboisement sera un défi difficile à relever. « Cette municipalité est une structure gouvernée par la politique, et la gestion est totalement dépendante de celui qui l’emporte », explique-t-il à Mongabay. « Si c’est un individu qui ne reconnaît pas la valeur de la gestion forestière, il se préoccupera seulement de collecter les revenus de la forêt. »
Simeon Ngonono explique également que beaucoup de gens à Yokadouma pensent que la forêt va se régénérer toute seule et qu’il est peu probable qu’ils continuent à replanter des arbres et à respecter les programmes de gestion établis une fois que le soutien du WWF s’arrêtera.
Les revenus des champignons protègent les forêts de Tanzanie
KILOMBERO, Tanzanie : des agriculteurs vivant près de la réserve naturelle forestière de Kilombero, dans la région de Morogoro à l’est de la Tanzanie, cultivent des champignons pour augmenter leurs revenus et protéger les forêts. Les champignons ont déjà un marché avec des acheteurs dans la capitale, Dar es Salaam, à 192 kilomètres de là.
Les chercheurs de l’Université agricole de Sokoine en Tanzanie affirment que de nombreux habitants abattent illégalement des arbres dans la réserve pour vendre du bois et du charbon. Valerian Silayo, professeur en agroforesterie et agroalimentaire à Sokoine explique que le projet de culture de champignons qu’il gère peut remplacer les revenus de l’abattage illégal. « Quand les fermiers cultivent les champignons, ils gagnent un revenu supplémentaire et réduisent leur dépendance vis-à-vis des ressources forestières », affirme-t-il.
Silayo et ses confrères soutiennent un groupe de 150 cultivateurs de champignons à Kilombero en les formant sur la culture et le traitement des champignons et en les aidant à accéder à la capitale pour développer leurs opérations. La demande en pleurotes, à la fois pour l’export et pour les restaurants locaux, est en augmentation régulière en Tanzanie, générant ainsi un nouveau marché lucratif pour les agriculteurs. Les nouveaux producteurs de champignons de Kilombero peuvent produire leur récolte tout au long de l’année. Un kilo de champignons peut rapporter environ 7 000 shillings tanzanien (soit environ 3 $) à Dar es Salaam, explique Silayo.
Il déclare à Mongabay que les fermiers se familiarisent lentement avec les techniques nécessaires au maintien de bonnes conditions de culture et à un meilleur rendement en quantité et en qualité des champignons. Cependant, ajoute-t-il, les fermiers manquent encore d’infrastructures vitales. « Les champignons sont rapidement périssables et nécessitent des conditions de stockage spécifiques pour garder leur fraîcheur et prolonger leur durée de conservation, mais de nombreux exploitants manquent d’installations de stockage adaptées, ce qui entraîne des pertes. »
Les Anciens prennent la tête de la défense des forêts sacrées du Kenya
Les Anciens de la communauté Mijikenda de Dakatcha, sur le littoral du Kenya, prennent la défense des forêts sacrées. La forêt de Dakatcha est le site de l’un de dix anciens villages fortifiés aussi nommés kayas. Bien que les kayas aient tous été abandonnés dans les années 1940, les forêts environnantes sont protégées par les populations comme d’importants sites culturels. Mais ces dernières années, des entrepreneurs locaux et d’autres venus d’ailleurs ont jeté leur dévolu sur ces forêts adultes pour leur bois d’œuvre, le bois combustible et le charbon.
Les forêts des kayas couvrent plus de 2 000 kilomètres carrés le long de la côte kényane. Elles servent d’habitat à 13 espèces menacées d’oiseaux et de mammifères, dont certaines sont endémiques. La forêt de Dakatcha est la forêt de miombo la plus au nord de l’Afrique, un site de reproduction pour le tisserin Kilifi (ou tisserin de Clarke) et pour une dizaine d’autres espèces d’oiseaux et de mammifères menacées.
Les Anciens de Dakatcha affirment que les cinq forêts de kaya de la région doivent être protégées car elles sont source de pluie, de beau temps et de bénédictions pour les populations. Patrick Changawa est un Ancien et président du groupe de conservation local qui travaille avec Nature Kenya. « Nous devons trouver une solution pour protéger cette forêt avant de la perdre. Perdre cette forêt signifierait la perte de notre culture qui a été préservée ici pendant de nombreuses années, » a-t-il déclaré à Mongabay.
Les Anciens traditionnels de la communauté ont récemment établi des groupes locaux de conservation pour chacune des cinq forêts de kaya. Ces groupes expliquent les principes de la sauvegarde des forêts aux populations locales et les encouragent à mettre un frein à la déforestation. Les groupes ont également introduit des projets pour des moyens de subsistance alternatifs, notamment avec l’apiculture et de nouvelles techniques agricoles pour améliorer les revenus.
« Faisant partie de la communauté et en tant qu’Anciens, nous faisons ce que nous pouvons pour sauver cet écosystème menacé, à travers le reboisement, en éduquant les habitants sur l’importance de la forêt et comment nous pouvons en tirer avantage, » explique Patrick Changawa.
Benjamin Evine Binet, Kizito Makoye, Leocadia Bongben, et Shadrack Omuka ont contribué à ce bulletin.