Nouvelles de l'environnement

Élément d’Afrique : le pétrole offshore menace les pêcheries, les mines d’or détruisent les maisons et les forêts

  • La mine de Mensin Gold menace la santé et les foyers de villageois ghanéens.
  • Des pêcheurs craignent les effets de l’exploration pétrolière et gazière dans des eaux partagées entre le Cameroun et la Guinée équatoriale.
  • Des mineurs illégaux ouvrent effrontément le feu sur les forces de police dans une réserve forestière du Ghana.
  • Élément d’Afrique est le bulletin bihebdomadaire de Mongabay qui rassemble de courts articles sur le secteur des matières premières en Afrique.

Une mine d’or menace la santé et les foyers de villageois ghanéens

BIBIANI, Ghana — Les résidents de Bibiani, dans la région Nord Ouest du Ghana, exigent de la compagnie minière opérant dans leur district qu’elle les reloge dans des zones plus sûres. Les débris de roche projetés par les explosions de Mensin Gold arrivent jusque dans le cœur de la Vieille Ville de Bibiani et dans les quartiers zongos, endommageant les bâtiments et causant une grave pollution sonore et atmosphérique.

Les habitants affirment que beaucoup d’adultes et d’enfants de Bibiani souffrent de maladies respiratoires qui, selon les médecins, sont le résultat d’une exposition prolongée à la pollution atmosphérique de la zone depuis que Mensin Gold a débuté ses opérations en 2021.

Sur cette même période, des fissures sont apparues sur les murs des maisons de ces deux quartiers, qui se trouvent dangereusement proches de la concession minière. Si aucun bâtiment n’a pour l’instant été détruit, les dégâts sont si importants l’assemblée municipale en a déclaré plusieurs comme « dangereux » et a prévu leur démolition.

« Nous sommes tous malades à cause de la pollution. Chaque fois que les jeunes ont essayé d’engager le dialogue avec les autorités de Mensin Gold sur le relogement, les militaires qui assurent la sécurité de l’entreprise nous ont attaqués, ce qui a fait des victimes », a déclaré à Mongabay Kwabena Desin, habitant de Bibiani et mineur d’or artisanal.

« Notre petite exploitation ne faisait pas de dégâts. Nous avons mené nos activités minières en toute tranquillité jusqu’à l’arrivée de cette entreprise. »

Mill at the Bibiani Gold Mine. Image courtesy Asante Gold (Fair Use.)
Mensin Gold, une filiale du géant minier AshantiGold, a reçu une concession à Bibiani en 2021. Avant cela, de nombreux jeunes hommes de la région opéraient des puits artisanaux. Selon eux, la société a saisi les fosses d’extraction dans lesquelles ils travaillaient et l’armée leur interdit désormais l’accès aux sites.

Daniel Kaakyire Addae, qui siège à l’assemblée de la Vieille Ville de Bibiani, a déclaré que les membres de la communauté ont manifesté et se sont rendus à plusieurs reprises à l’assemblée municipale de Bibiani-Anhwiaso-Bekwai et aux bureaux de Mensin Gold pour exiger d’être relogés à une distance sûre de la mine, mais qu’il n’y a pas eu de réponse jusqu’à présent. Au contraire, selon lui, les membres de la communauté ont été harcelés par les soldats qui patrouillent dans les limites de la concession.

Selon John Koah, qui dirige l’assemblée municipale, les négociations ont progressé et les ménages concernés seront bientôt relogés. « Le gouvernement est responsable du relogement et le ministre de la Région veille actuellement à ce qu’il ait lieu rapidement. »

Toutefois, la construction de logements neufs sur le nouveau site, Asikyire Nkwanta, n’a toujours pas débuté, car les propriétaires demandent compensation pour l’usage de leurs terres

A man in a dark shirt standing in the prow of a canoe looking out of the frame at the camera, past an oarsman in a yellow shirt and red cap facing away from us, poling a dugout in brown coastal waters near Manoka, Cameroon. Image courtesy Valentin Mahop.
Des pêcheurs près de Manoka, au Cameroun, craignent que de nouvelles explorations pétrolières dans les eaux côtières ne nuisent à leurs moyens de subsistance. Image de Christophe Nyemeck Beat.

Des pêcheurs craignent les effets de l’exploration pétrolière et gazière au large des côtes du Cameroun et de la Guinée équatoriale

YOYO, Cameroun — En mars 2023, le Cameroun et la Guinée équatoriale signaient un accord pour l’exploitation des champs transfrontaliers au large des côtes des voisins d’Afrique centrale. Cet accord permettra d’accélérer le développement des blocs pétroliers à Yôyô et Yolanda qui appartient à la société Chevron.

Valentin Mahop, président d’une association de pêcheurs et de transporteurs maritimes de Manoka, un village côtier du sud-ouest du Cameroun, non loin de l’importante ville portuaire de Douala, s’inquiète de l’impact environnemental et social de la prospection pétrolière dans la région.

Les eaux de Yôyô sont riches en espèces végétales, notamment de mangrove ainsi qu’en faune marine comme des lamantins (Trichechus senegalensis) ; les tortues vertes (Chelonia mydas) et les écrevisses (Nematopalaemon hastatus). Ce littoral, situé à 20 km au sud de la côte de Manoka, assure la subsistance de quelque 10 000 personnes et fournit de la nourriture à un grand nombre d’autres.

« Cette exploitation est nocive pourà la faune et à la flore sous-marines, d’autant plus que la pollution acoustique des bateaux qui mouillent au niveau de la boue de base est un exemple de pollution », a déclaré Mahop à Mongabay, faisant référence aux perturbations causées par l’exploration et l’exploitation des blocs pétroliers dans le bassin de Douala, où se trouvent Yôyô et Yolanda. « Tout ceci entraîne la baisse de la production de la pêche artisanale, ces dernières années. Cette exploitation mettra un terme à cette activité tout simplement. »

Yôyô est également le nom de la réserve forestière qui s’étend à l’intérieur des terres depuis la côte, et qui fait partie du parc national de Douala-Édéa.

L’environnementaliste Béat Marcel, ancien président national de l’organisation à but non lucratif Plateforme des zones humides due Cameroun, estime que la société civile est opposée à l’expansion de la production pétrolière dans ces eaux. « Je pense que pour mieux se préparer pour annuler ce projet, il serait important de consulter le plan de gestion [de la réserve] pour localiser l’emplacement exact des champs gaziers et pétroliers, pour déterminer des impacts potentiels de ces exploitations de gaz et de pétrole. »

A yellow excavator dwarfing several men perched on higher ground, mechanical scoop poised above mining pit filled with dirty brown water in Ghana. Image by Danyo Gilbert.
Les mineurs illégaux de la région Ashanti, au Ghana, sont devenus de plus en plus audacieux. Dans au moins une réserve forestière, ils ont repoussé une force d’intervention conjointe de l’armée et de la police qui avait été envoyée pour les chasser. Image de Danyo Gilbert (domaine public).

Une unité opérationnelle ghanéenne échoue à stopper l’exploitation minière illégale dans une réserve forestière

RÉSERVE FORESTIÈRE D’APAMPRAMA, Ghana — Des mineurs illégaux dans la région Ashanti, au centre du Ghana, continuent d’abattre des arbres, de creuser des puits et de polluer les rivières dans la réserve forestière d’Apamprama. Et cela en dépit d’une opération conjointe des forces de police de l’armée lancée en avril 2021 pour protéger les réserves forestières de l’exploitation minière illégale.

Dans son rapport State of the Nation’s Forests, publié le 2 mai, John Allotey, directeur général de la Commission des forêts du pays, écrit que les mineurs illégaux sont désormais armés de fusils d’assaut sophistiqués, entre autres armes, et disposent d’une puissance de feu surpassant celle des forces de l’ordre.

Alors que les mineurs illégaux abandonnent généralement les sites miniers avant les visites des autorités, reprenant leurs activités après le départ de la police, à Apamprama, les membres de l’opération Halt II se heurtent à la résistance des gardes armés des mineurs, qui se livrent parfois à des échanges de tirs avec la force opérationnelle.

Erastus Asare Donkor, un journaliste d’investigation de la station de radio de Kumasi Luv FM qui suit l’exploitation minière illégale depuis plusieurs années, a déclaré à Mongabay que l’activité illégale se poursuit à Apamprama. Il affirme avoir compté plus de 500 mineurs illégaux travaillant dans la forêt lors d’une récente visite de la zone.

Il soutient également que les gardes de la Commission des forêts s’opposent aux efforts des autorités pour faire respecter la loi dans la réserve.

« Le mardi 6 juin 2023, j’ai été témoin d’un incident au cours duquel plus de 80 membres de la force opérationnelle Halt II ont été envoyés dans la réserve forestière d’Apamprama et se sont heurtés à une forte résistance, non pas de la part des mineurs illégaux, mais de la part des gardes forestiers qui voulaient les attaquer pour avoir brûlé les excavateurs qui détruisaient la forêt », raconte-t-il à Mongabay.

Donkor estime que le président du Ghana devrait mettre les responsables de district, les directeurs de l’Agence de protection de l’environnement et de la Commission des minéraux, ainsi que l’armée et la police, devant leurs responsabilités quant à la destruction continue des réserves forestières.

Awudu Salami, Christophe Nyemeck Beat et Mabel Annang Adorkor ont contribué à la rédaction de ce bulletin.


Image de bannière : Canoës à Manoka, Cameroun. Image de Christophe Nyemeck Beat.

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