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RDC : inquiétudes après assassinats de trois rangers en trois mois

Les victimes des attaques dans le Virunga

Les victimes des attaques dans le Virunga

  • Le parc national des Virunga, vieux d’une nonantaine d’années et situé dans le Nord-Kivu en République Démocratique du Congo (RDC), est le théâtre de plusieurs attaques armées ces dernières années. Chaque année, ce parc enregistre d’énormes pertes dans le rang de sa masse laborieuse caractérisée par des jeunes.
  • Classé patrimoine universel de l’Unesco, entre la période de 2020 à 2022 seulement, ce site naturel a perdu au moins 28 de ces membres écogardes et le bilan s’est alourdi avec les attaques du 6 février dernier qui ont coûté la vie aux deux autres écogardes.
  • Entre peur pour l’avenir de l’un des plus vieux parcs d’Afrique, le risque d’abdication par les jeunes qui y assurent la conservation et le découragement de ceux qui aspirent au métier, les activistes de la biodiversité se prononcent.
  • Ces attaques qu’on lie à la présence de plusieurs groupes armés qui sévissent dans la région de l’Est de la RDC nous poussent à poser des vraies questions : Qui tuent dans les Virunga ? Quelles sont leurs motivation et cible ? Et comment assurer la conservation de la biodiversité dans un contexte marqué par des conflits armés ? Les activistes répondent aux questions de Mongabay.

Joseph Tsongo est un activiste de la biodiversité basé à Goma et ce dernier défend la sécurité des parcs et celle des écogardes qui y sont attachés.

Il regrette des massacres « contre des citoyens aux services de l’humanité ».  Au micro de Mongabay, il a énuméré, selon ses investigations, ce qui justifie ces massacres à répétition dirigés contre les gardes-nature dans cette aire protégée.

« Il est difficile d’identifier qui tue précisément, mais l’on sait que si les écogardes meurent dans les Virunga, c’est parce qu’il y a l’activisme accru des groupes armés, notamment les mouvements Mai-Mai, Nyatura, Fdlr etc. Ces derniers bénéficient de la bénédiction de la population riveraine qui entoure le parc des Virunga. On suppose que ce sont eux qui tuent dans les Virunga… », a-t-il expliqué.

A part des groupes, il y a aussi reprise des hostilités par le groupe armé dit M23. Ce dernier est aussi pointé du doigt par les activistes de semer un chaos sans nom qui favorise l’attaque contre les rangers.

L’exploitation du pétrole dans les Virunga

La région Nord-Est de la République Démocratique du Congo est généralement réputée riche en sous-sol, et le parc national des Virunga n’est pas en reste. Ce dernier possède d’énormes gisements de pétrole en son sein comme certains autres parcs par ailleurs.

« Toute personne qui essaie de s’ériger en obstacle contre le projet d’exploitation du pétrole dans les Virunga ou encore l’abattage des bois est considéré comme une menace par ces assaillants qui sont soutenus par certaines entreprises » étrangères, estime l’activiste John Katikomu sans dire les noms.

Pourtant, selon des informations récemment collectées par l’activiste et son réseau, « il est prouvé que si l’on exploite du pétrole dans le parc des Virunga, ce dernier perdra 60% de sa faune et 60% de sa flore ». C’est ainsi que, selon lui, cela sous-entend que le parc des Virunga n’existera presque pas après le lancement des projets extractifs bien qu’ils soient soutenus par le Gouvernement.

Il suggère qu’il « Il faudra pour ce faire amener les jeunes gens des communautés locales à comprendre ce danger qui les guettent », ajoutant que le parc des Virunga doit nécessairement être protégé.

Dans le but de protéger le parc et faire barrage contre le projet extractif du pétrole dans le parc, la campagne ‘’FreeFossilVirunga’’, initiée par AfrikaVuka, a vu le jour.

C’est une dynamique des organisations de la société civile africaine qui fédèrent leurs efforts pour contrer l’expansion des énergies fossiles ou des projets pétroliers en Afrique en général et en particulier dans les écosystèmes sensibles.

Selon Bonaventure Bondo du Mouvement des Jeunes pour la Protection de l’Environnement, « aucune décision officielle de la part du Gouvernement congolais n’est jamais intervenue pour exécuter le retrait desdits permis, malgré la renonciation de ces sociétés frappées par la pression de la société civile environnementale.   Ces permis encore en vigueur constituent une menace pour les Virunga ».

Raison pour laquelle cette plateforme a relancé cette campagne en 2022 pour rappeler au Gouvernement congolais la nécessité de protéger les parcs de cette zone du bassin du Congo.

Assurer difficilement la conservation de la biodiversité dans un contexte de conflits armés

Le parc national des Virunga est un écosystème au carrefour des conflits armés ; pour cette raison, y assurer la conservation de la biodiversité n’est pas chose aisée du tout, selon Eddy Samson Kimoni, cadre de l’ICCN en RDC.

Au-delà des projets d’exploitation minière qui l’accablent, ses écogardes sont souvent confondus à des hommes en uniforme dans les affrontements qui opposent les forces loyalistes congolaises aux différents groupes armés qui sévissent dans les hauteurs des Virunga.

Eddy Samson Kimoni travaille à l’ICCN.  Il est chef de service conservateur chargé de l’information, éducation environnementale et communication, IEC en sigle.

Ce dernier reconnaît que « c’est difficile d’assurer la conservation de la biodiversité dans un contexte de conflits armés. Nous ne savons pas surveiller la biodiversité à cause de ces conflits ».

Ensuite M. Kimoni ajoute qu’ « Il est difficile de convaincre les groupes armés que nous ne sommes pas des militaires mais plutôt des conversationnistes et notre rôle dans le maintien de la biodiversité en tant que scientifiques et paramilitaires est difficilement compris auprès des rebelles du moment où nous sommes porteurs d’armes à feu ».

« Pour eux, poursuit-il, les écogardes se rangent derrière l’armée régulière pour les combattre. Nous sommes vus comme leurs ennemis au même titre que les militaires ».

Cependant, renchérit M. Kimoni, malgré ce lien avec l’armée « qui nous fragilise, nous ne cessons pas de faire les patrouilles anti-braconnage et le suivi écologique de quelques espèces biologiques endémiques et des cibles de conservation ».

Ce suivi est fait là où la menace est minime. Cette méthode reste traumatisante car on ne sait pas prédire exactement ce qui pourrait arriver puisque ne disposant pas très souvent de toutes les informations possibles sur ces groupes armés d’une part. Notre statut nous interdit parfois de nous mêler de certaines situations à caractère politique d’autre part, poursuit-il.

Ces scientifiques et paramilitaires sont confrontés à diverses défis

Bref, nous sommes confrontés à deux types de menaces à savoir : le manque d’informations sur chaque groupe armé ainsi que l’utilisation des équipements rudimentaires face à ces dangereux rebelles qui blessent nos collègues écogardes au mépris de notre statut qui nous limite dans de tels affrontements, explique Eddy Samson Kimoni.

Conserver la biodiversité dans ce contexte est très dangereux compte tenu de l’ignorance des lois par les groupes armés, ajoute-t-il avant d’annoncer que même des mines sont souvent posées dans les parcs par des groupes armés.

« Il y a certaines autres parties du parc qui sont minées par des bombes et parfois les écogardes succombent aux pièges interpersonnels installés par les rebelles ».

Pour assurer la conservation de la biodiversité de ce patrimoine mondial dans ce contexte, Joseph Tsongo insiste sur la compréhension du concept « patrimoine mondial » et son appropriation par les communautés locales.

Gage d’une coopération réussie

« Déjà, les gens ne comprennent pas ce que c’est « patrimoine mondial » encore moins la conservation. Il faudra tout d’abord démystifier la chose. A un moment, on a l’impression que la conservation de la nature est une émanation de seuls scientifiques, européens etc. », raconte M. Tsongo qui regrette la non-implication des jeunes dans la protection du parc des Virunga.

Selon lui, on devrait montrer que la conservation est une histoire locale. Il faut faire comprendre aux riverains que ce sont eux les premiers bénéficiaires et acteurs de la conservation.

Pour ce natif de Goma en RDC, la coopération avec les populations locales garantirait un minimum de réussite.

La peur des activistes

Les affrontements récurrents entre militaires et rebelles réduisent en néant les efforts de conservation et contribuent aux activités de braconnage à grande échelle dans ce site.

« Notre grande peur c’est quand nous imaginons comment cette situation crée un climat favorable pour les braconniers qui, eux aussi, recourent de temps à temps à la violence et saccagent tout ce qu’ils trouvent sur leur passage », regrette M. Bondo, un activiste congolais.

Tout ce qui se passe dans les alentours de cette zone ne garantit pas la conservation de la biodiversité de ce parc des Virunga, décrie M. Bondo ci-haut cité. Et il pense que l’arrêt de l’activisme des groupes armés impactera positivement la conservation de la biodiversité sur le long terme dans cet écosystème.

 

 

 

 

 

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