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Les bonobos de RDC en danger d’extinction font face à une nouvelle menace : le paludisme

  • Les grands singes tels que les gorilles et les chimpanzés sont, au même titre que les humains, susceptibles de contracter le paludisme. En revanche, les études concernant les effets du parasite sur les bonobos sont rares.
  • Une récente étude a analysé les déjections de bonobos à travers l’aire de répartition de l’espèce. Les résultats ont révélé qu’une population en particulier montrait des signes d’infection au paludisme ainsi qu’une variation génétique apte à les protéger contre toute forme grave de la maladie.
  • Cette variation génétique était plus rare dans d’autres populations, suggérant que les autres groupes de bonobos pourraient se trouver en danger si les changements climatiques venaient à amener les moustiques, qui transmettent le paludisme, dans leur habitat.

Les gorilles et les chimpanzés, au même titre que les humains, peuvent souffrir du paludisme. La recherche concernant les bonobos, qui sont nos plus proches cousins, sont toutefois plus rares. Désormais, une nouvelle étude suggère que les bonobos peuvent également contracter la maladie, qui pourrait alors menacer la survie de certaines des populations sauvages de l’espèce.

Un groupe de chercheurs international a collecté des déjections de bonobos (Pan paniscus) en République démocratique du Congo (RDC), seul pays où l’on trouve ces singes. Les échantillons ont ensuite été stockés au laboratoire de la virologue Beatrice Hanh à l’université de Pennsylvanie.

Pour dix des sites inclus dans l’étude, un seul échantillon fécal sur plus de 1 400 analysés s’est révélé positif pour le parasite responsable du paludisme. De chaque côté de la rivière Lomami, l’un des principaux affluents du fleuve Congo qui coule parallèlement à celui-ci dans le centre de la RDC, se trouve une population de bonobos qui s’est démarquée. En effet, environ 38 % des individus présentaient des traces de parasites responsables du paludisme dans leurs déjections.

Les chercheurs n’ont pas pu déterminer immédiatement l’impact de la maladie sur les bonobos de la rivière Lomami, appelés « population TL2 » par les chercheurs, les symptômes tels que la léthargie ou la réduction de la capacité de reproduction étant difficiles à détecter sur le terrain. Le paludisme a toutefois touché cette population par le passé : les individus présentaient des variantes d’un gène immunitaire susceptibles de les protéger contre les formes graves de paludisme.

« Il a dû y avoir une raison pour que ces allèles régissant l’immunité soient favorisés par le processus de sélection naturelle », affirme Emily Wroblewski, professeure adjointe d’anthropologie biologique à l’université Washington de Saint-Louis et autrice principale de l’étude documentant ces résultats.

« Ce n’est pas une preuve irréfutable [que le paludisme nuit aux bonobos], mais c’est une preuve qui va dans ce sens », ajoute-t-elle.

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Une nouvelle étude suggère que les bonobos peuvent également contracter le paludisme. La maladie pourrait alors menacer la survie de certaines des populations sauvages de l’espèce. Image de Sean M. Lee.

Dr Wroblewski et ses collègues affirment que le mécanisme de protection contre les formes graves de paludisme chez les bonobos TL2 est similaire à certaines des variantes humaines. Des molécules spécialisées présentent dans le foie amènent des fragments de protéines libérés durant la digestion à la surface des cellules. Elles vont ensuite les « montrer » aux cellules du système immunitaire, qui déclencheront une réponse immunitaire si le fragment est reconnu comme appartenant à un parasite responsable du paludisme. Ainsi, l’anomalie est éliminée avant que le parasite ne puisse pénétrer la circulation sanguine.

« Nous pensons, sans en être certains, qu’elles sont capables de mieux alerter le système immunitaire en cas d’infection des cellules, et ce plus rapidement », explique Dr Wroblewski.

Les populations de bonobos situées plus à l’ouest de la population TL2 possédaient la même variante génétique, mais dans une bien moindre mesure. Cela pourrait les rendre vulnérables à des infections paludéennes plus graves, telles que celles qui endommagent le cerveau et les organes vitaux.

Les changements climatiques augmentent la probabilité que de telles infections se produisent. En effet, l’évolution des conditions météorologiques facilite la propagation des moustiques porteurs du paludisme vers des populations qui n’ont pas été confrontées à l’agent pathogène depuis longtemps.

Auquel cas, Dr Wroblewski et ses collègues affirment que les individus de ces populations qui possèdent la variante du gène immunitaire, même à faible fréquence, auraient un avantage reproductif.

« On peut espérer qu’avec le temps, cela offrira une certaine protection à ces populations, mais nous ne pouvons pas en être sûrs », a-t-elle déclaré. « Ces grands singes sont déjà en danger d’extinction et les maladies sont une menace grave et constante pour leur survie, ainsi qu’une importante source de préoccupation. »

Il n’existe actuellement aucun chiffre fiable sur le nombre total de bonobos. L’UICN, l’autorité mondiale de conservation de la faune, suggère toutefois que la chasse et la perte d’habitat pourraient avoir fait chuter leur nombre à 15 000 individus. L’impact du paludisme sur les singes n’est pas tout à fait clair. Chez l’humain, 247 millions d’infections ont été enregistrées en 2021, faisant 619 000 victimes selon l’OMS.

Martin Surbeck, professeur agrégé de biologie de l’évolution humaine à l’université de Harvard, qui n’a pas participé à l’étude sur le paludisme, a déclaré que d’autres maladies constituent également une menace pour les bonobos, notamment les maladies respiratoires transmises par l’humain.

« Ce que cette [dernière étude] montre, c’est que la santé des communautés humaines locales et leurs agents pathogènes devraient également faire l’objet de recherches, afin d’aboutir à une approche “une seule santé” », a-t-il déclaré, en référence au concept qui reconnaît l’interconnexion entre les êtres humains, les animaux et leur environnement.

« Il me semble que ces résultats indiquent également qu’il faudrait prendre des mesures de conservation plus concrètes, qui protègent à la fois la santé humaine et animale. »

 

Image de bannière : La République démocratique du Congo est le seul pays où l’on trouve des bonobos (Pan paniscus). Image de Hans Hillewaert depuis Wikimedia Commons (CC BY-SA 4.0).

Référence :

Wroblewski, E. E., Guethlein, L. A., Anderson, A. G. , Liu, W., Li, Y., Heisel, S. E., … Parham, P. (2023). Malaria-driven adaptation of MHC class I in wild bonobo populations. Nature Communications, 14(1). doi:10.1038/s41467-023-36623-9

 
Article original: https://news.mongabay.com/2023/03/drcs-endangered-bonobos-face-another-threat-to-their-survival-malaria/

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