Nouvelles de l'environnement

Des questions toujours sans réponse après l’assassinat de 9 ressortissants chinois sur une exploitation d’or de la République centrafricaine

Carte de la RCA

Carte de la RCA

  • La journée du lundi 20 mars 2023 a été éprouvante pour les familles et les proches des neufs ressortissants chinois tués vers 5h du matin, selon des sources locales.
  • Neuf tués et deux blessés graves, qui ont été évacués vers Bangui, la capitale économique et politique de la République centrafricaine où un conflit armé dure depuis plusieurs années.
  • Selon les premières indications, ces personnes travaillant sur un site d’exploitation d’or, auraient été exécutées par balles dans la tête et leurs corps étaient dans un étang de sang à l’arrivée des habitants.
  • La République centrafricaine est l’un des pays dont les sous-sols regorgent de minerais, dont l’or et le diamant. Le drame s’est déroulé dans une région située à plus de 400 km au nord-est de Bangui.

« C’était une scène macabre », racontent les témoins. Très tôt le matin du 20 mars, un site minier de la société chinoise Gold Coast Group, situé à plus de 25 km au nord de Bambari dans la localité de Chimbolo, a été attaqué.

Ce site appartient aux ressortissants chinois qui venaient à peine d’avoir la licence pour exploiter de l’or dans cette localité de Bambari. Cette zone est située à plus de 400km au nord-est de Bangui, la capitale de la République centrafricaine. Cette attaque a fait 9 morts. Toutes ces victimes étaient originaires de Chine.

« Ils ont été exécutés d’une balle dans la tête », raconte un témoin sous couvert d’anonymat d’une voix qui traduit la peur.

« Quand les autorités se sont rendues sur le terrain, elles se sont retrouvées face à une scène surréaliste », explique Jean Mahop Nyingo, activiste de la société civile.

« Les corps étaient criblés de balles. On leur a aussi tiré dans la tête. À la manière dont les corps étaient alignés on peut croire que les victimes ont été exécutées par des hommes armés», raconte l’activiste.

Depuis un certain temps, des sociétés chinoises s’installent dans les mines centrafricaines, gabonaises et congolaises. Selon Jean Mahop Nyingo, Gold Coast Group n’est pas l’unique société en quête d’or en République centrafricaine. Il y a des milliers de sociétés étrangères et des coopératives locales qui sont impliquées.

Souvent, raconte-t-il, les exploitants le font d’une façon incontrôlée.

« En tant que membres de la société civile, nous nous sommes demandés comment protéger ces sites ? Ils sont nombreux et nécessitent des milliers de soldats ou policiers pour assurer la sécurité. »

La course vers l’or en République centrafricaine

Une étude  menée par J.D. DeWitt, P.G. Chirico et S.E. Bergstresser  et qui a pour titre : The Central African Republic Diamond Database – A Geodatabase of Archival Diamond Occurrences and Areas of Recent Artisanal and Small-Scale Diamond Mining, U.S. Geological Survey Open-File Report 2018, éclaire. Les données qui y figurent ont été reprises dans le groupe de recherche belge IPIS, et montrent qu’il y a une grande course vers l’or en République centrafricaine depuis le début des hostilités principalement.

Cette étude est appuyée par une autre de S. Pennes et son équipe publiée en octobre 2018 dénomée : « Diagnostic de l’exploitation minière et perspectives de développement socio-économique en RCA à la lumière de
la vision du régime minier en Afrique ».

Selon ces deux rapports, « Le nombre de sites en RCA est de 2 560.
73 % sont des sites de diamants (soit 1 868 sites), 16 % de sites d’or (soit 410 sites) et 12% sont des productions mixtes d’or et de
diamant (soit 307 sites). »

Ces deux études se penchent sur les causes de cette récente course vers l’or en République centrafricaine.

La course vers l’or en République centrafricaine et la crise politico sécuritaire

Dans le temps, « l’exploitation aurifère était considérée comme une activité marginale comparée aux diamants. De nombreux « chercheurs d’or » étant des femmes ou des enfants agissant en marge des sites d’exploitation de diamant ».

Par ailleurs, les deux études datant respectivement de 2018 et 2019, disent que « la moitié des creuseurs travaillant dans l’or aujourd’hui aurait démarré cette activité après 2014.».

Des crises répétées ont été la cause de l’effondrement de l’industrie du diamant en République Centrafrique. Ce qui a permis aux exploitants de se tourner vers l’or, selon les deux études.

Actuellement, l’industrie du diamant doit se plier aux exigences du processus de Kimberley sur le diamant centrafricain et mondiale. Ce qui fait fuir les exploitants vers l’industrie de l’or. Le processus de Kimberley a été mis en place en 2003 par des États, des professionnels du diamant et des organisations de la société civile, pour mettre un terme au commerce international des « diamants du sang ». Il vise à garantir au consommateur que les diamants qu’il achète ne sont pas des diamants bruts utilisés par les mouvements rebelles, ou leurs alliés, pour financer des conflits visant à déstabiliser des gouvernements légitimes.

L’attaque contre cette mine en République centrafricaine intervient au moment où l’or devient une monnaie d’échange dans pas mal de transactions dans ce pays en crise.

Par ailleurs, de nombreuses personnes déplacées suite aux conflits armés ont trouvé refuge dans des sites miniers pour y trouver de l’argent afin de survivre,  surtout que les aides ne parviennent pas à tout le monde.

Ainsi, l’or, en République Centrafricaine, est devenu comme une monnaie surtout parce qu’il est facile à transporter et à dissimuler.

La Chine en larme

La mort de neuf ressortissants chinois a suscité de vives réactions au sein de la République centrafricaine aussi bien que du côté de la Chine.

Dès l’annonce de l’attaque, les officiels du gouvernement centrafricain ont condamné le grave incident qui a aussi fait 2 blessés graves. Ces derniers ont été évacués d’urgence vers Bangui.

Le Maire de Bambari a raconté que les victimes ont été retrouvées alignées sur deux lignes. « Les corps sans vie jonchaient le sol dans un étang de sang », a déclaré Abel Matchipata, Maire de Bambari, qui a assisté au ramassage des corps, aux médias locaux  et étrangers.

Le Premier ministre, le Maire de Bambari ont accusé les rebelles de la Coalition des Patriotes pour le Changement (CPC) d’être derrière cette attaque et ces derniers ont  accusé des officiels du gouvernement centrafricain et les paramilitaires russes de Wagner.

 

À Bangui, l’ambassadeur de la Chine a visité la morgue de l’hôpital qui a reçu les corps. Pékin a réagi en appelant la République de Centrafrique à faire des investigations rapidement et à traduire les accusés en justice. Selon un communiqué repris par Le Temps, la Chine a demandé aux autorités locales, à travers le porte-parole de son ministère des Affaires étrangères, « à gérer les conséquences de ce drame, à punir les meurtriers et surtout à assurer la sécurité des citoyens chinois présents en République Centrafricaine. »

En même temps, Pékin a ordonné aux Chinois vivant ou travaillant dans des coins reculés d’évacuer immédiatement ces lieux pour leur sécurité, selon les médias locaux.

Un conflit qui date de longtemps

Depuis 2018, des journalistes d’investigation en République centrafricaine, cités par le magazine de la Défense Africaine ADF, évoquent la « colère » des résidents notamment dans la partie nord-ouest de Bangui suivant l’attribution des contrats d’exploitation des mines d’or aux étrangers, surtout les Chinois.

Selon les recherches d’IPIS, en République centrafricaine, il y a des conflits liés « à l’arrivée d’une société minière semi-artisanale  ou après le rachat des droits aux chefs de chantiers. » Ce qui s’ajoute à la destruction de l’environnement et à l’usage du mercure, pourtant interdit.

En août 2022, des résidents en colère avaient attaqué la résidence des sociétés chinoises et avaient emporté leurs coffres, dans un village minier de Gaga, situé au nord-ouest de la préfecture Ombella-Mpoko, selon le magazine ADF

Cette attaque avait fait suite à la mort d’un citoyen tué par balle tirée par un agent de sécurité de la société de la place occupée par des Chinois. Sous l’effet de la colère, des habitants avaient saccagé la mine, déshabillé le personnel chinois et étaient partis avec leurs biens.

La crise qui a paralysé la République centrafricaine avait aussi des liens avec le commerce du diamant. Cependant, avec le processus de Kimberley, les groupes armés ont perdu le contrôle des sites de diamant comme le processus voulait bannir du marché international tout diamant lié au sang et aux  conflits armés.

Certaines des localités, dont Bambari, avaient été abandonnées par les rebelles qui ont perdu aussi le contrôle des mines et des terrains. Se basant sur cette absence des mines, les rebelles disent que l’attaque du site a été préparée par les officiels du gouvernement.

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