Nouvelles de l'environnement

Forêts et finances : Un procès, une interdiction des importations et une restauration des forêts zambiennes

  • Le gouvernement ghanéen poursuivi en justice : des militants tentent de faire obstacle à l’exploitation de la bauxite dans la forêt d’Atewa, haut lieu de biodiversité.
  • Des spécialistes de la conservation aident une forêt zambienne à s’auto-régénérer.
  • Développement rapide de la certification forestière dans le bassin du Congo.

Le gouvernement ghanéen poursuivi en justice : des militants tentent de faire obstacle à l’exploitation de la bauxite dans la forêt d’Atewa, haut lieu de biodiversité

Vingt ONG et individus ont engagé une action en justice pour empêcher le gouvernement ghanéen d’extraire la bauxite de la réserve forestière d’Atewa, haut lieu de biodiversité – également source d’approvisionnement en eau pour cinq millions de personnes. « C’est malheureux de devoir se battre contre son propre gouvernement pour protéger l’environnement », ont-ils indiqué dans un communiqué de presse.

La forêt d’Atewa, située à 95 km (29 miles) au nord-est d’Accra, la capitale ghanéenne, s’étend sur 725 kilomètres carrés (km2), ou 280 miles carrés, à travers une région montagneuse. Près de 50 000 personnes vivent dans les communautés autour de la réserve. Elles y cultivent du cacao et des plantes vivrières et s’y approvisionnent en escargots, en miel, en fruits sauvages et en viande de brousse.

Daryl Bosu, directeur national adjoint de A Rocha Ghana, une ONG assurant le rôle de chef de file dans la protection de la forêt d’Atewa, a déclaré que lui-même et d’autres militants opposés à l’exploitation minière d’Atewa, reconnaissaient l’opportunité que pourraient représenter les importants gisements de bauxite présents dans la forêt et les rivières d’Atewa. Mais ils estiment que ces bénéfices restaient bien maigres comparativement aux ressources d’eau potable pour la capitale Accra, aux moyens de subsistance des communautés vivant à proximité de la réserve, et à la riche biodiversité de la forêt. L’écosystème forestier d’Atewa abrite plus de 650 espèces de plantes, 17 espèces de papillons rares, dont l’Antimachus aussi surnommé le « grand rouge » (Papilio antimachus), et l’une des dernières populations de grenouille glissante du Togo (Conraua derooi), en danger critique d’extinction.

« Sécuriser la forêt pour exploiter ses ressources naturelles non extractives présente [plus] de bénéfices à long terme pour le peuple ghanéen que de la convertir en une exploitation minière », a indiqué Daryl Bosu à Mongabay dans un courriel.

Il a précisé que A Rocha, EcoCare Ghana, the Ghana Youth Environmental Movement et autres plaignants s’étaient tournés vers les tribunaux, car les organismes de réglementation responsables de la conservation d’Atewa et d’autres zones écologiquement sensibles avaient échoué à assurer leur mission de protection.

A graceful chameleon (Chamaeleo gracilis).
Un caméléon gracieux (Chamaeleo gracilis) dans la forêt d’Atewa. La forêt des hautes terres abrite des centaines d’espèces de flore et de faune, dont beaucoup ne se trouvent nulle part ailleurs au Ghana. Image de Nik Borrow via Flickr (CC BY-NC 2.0).

Des spécialistes de la conservation aident une forêt zambienne à s’auto-régénérer

Des spécialistes de la conservation aident une réserve forestière dégradée de Zambie à se régénérer naturellement et à accroître les moyens de subsistance de milliers d’habitants. Sybryn Maes, une chercheuse belge qui travaille en collaboration avec WeForest, l’ONG derrière le travail de restauration, a déclaré que 5 600 hectares (13 800 acres) de la réserve forestière de Katanino avaient souffert de décennies d’abattage de bois illégal en raison de sa proximité des routes menant aux villes voisines de Ndola et à la capitale Lusaka, située à 258 km (160 miles) au sud.

La réserve forestière a perdu plus de 58 % de sa couverture forestière depuis 2001, selon les chiffres publiés par WeForest, qui œuvre dans la réserve depuis 2019. Katanino est située dans la province zambienne de Copperbelt, où la forêt de miombo a subi des dégradations massives. Miombo est un terme swahili utilisé pour décrire les forêts d’arbres à feuilles caduques qui couvrent la majeure partie de la région et 70 % des forêts zambiennes.

Une caractéristique fondamentale des forêts de miombo est leur capacité à se régénérer naturellement ou à produire de nouvelles pousses à partir de souches d’arbres ou de branches jonchant le sol. Sybryn Maes appelle cela la « capacité de multiplication végétative ».

C’est cette superpuissance botanique que les spécialistes de la conservation exploitent actuellement à Katanino.

« Prenons un exemple, vous voyez des jeunes plants d’arbres et vous décidez de leur donner un coup de pouce en enlevant les espèces herbacées qui viennent puiser dans les ressources naturelles essentielles à la pousse de ces jeunes plants. Vous les désherbez donc pour augmenter les chances de survie des jeunes plants ou vous décidez d’installer des clôtures [autour de certaines zones] pour empêcher les animaux de venir paître à cet endroit et de tuer les jeunes plants », a expliqué la chercheuse.

Selon elle, la régénération naturelle assistée (RNA) est un système de restauration de l’écosystème forestier encore sous-évalué. « Quand on s’adresse au grand public, pour éveiller l’intérêt des gens, c’est beaucoup plus simple de leur parler de planter des arbres pour aider à la restauration des forêts. »

Dans les zones de réserve tant dégradées par la production du charbon de bois et l’agriculture que la RNA n’est pas envisageable, Sybryn Maes et ses collègues travaillent maintenant sur certaines parcelles forestières et surveillent leur développement en vue d’étudier les taux de survie des plants d’arbres indigènes plantés manuellement. Ils ont découvert que certains plants que l’on pensait morts à cause de la sécheresse, avaient produit de fraîches pousses un an après. C’est une autre preuve de la capacité des forêts de miombo à se régénérer naturellement.

L’adhésion de la communauté est la clé du succès du programme dans son ensemble. Les membres de la communauté participent à la cogestion de la forêt en collaboration avec WeForest et le département des Forêts par l’intermédiaire de l’Équipe d’évaluation de la gestion participative des ressources forestières.

Ils patrouillent également dans la forêt pour la protéger contre l’abattage de bois illicite. Leurs efforts sont soutenus par des sources de revenus de produits non issus du bois, allant du miel aux champignons sauvages.


Développement rapide de la certification forestière dans le bassin du Congo

La commission Certification de l’ATIBT (l’Association technique internationale des bois tropicaux) a déclaré que d’ici à 2025, 10 millions d’hectares (24,7 millions d’acres) de concessions forestières du bassin du Congo devraient obtenir une certification de gestion durable. L’ATIBT, une association professionnelle qui promeut la sylviculture durable avec une attention toute particulière sur le continent africain, prévoit que 4,2 millions d’hectares (10,4 millions d’acres) supplémentaires en Afrique centrale viendront étoffer la liste des concessions certifiées à ce jour.

Un document datant de février 2022 indiquait que près de 6 millions d’hectares de forêts d’Afrique centrale étaient déjà certifiées par le Forest Stewardship Council (FSC), label qui garantit que le produit provient d’une gestion forestière durable, ou par le système panafricain de certification forestière (PAFC) développé dans la région : 2 989 168 hectares (environ 7,4 millions d’acres) au Congo, 2 535 880 hectares (6,3 millions d’acres) au Gabon, et 341 708 hectares (844 000 acres) au Cameroun.

En 2018, le Gabon s’est engagé à exiger la certification FSC de tous les opérateurs de la filière bois du pays d’ici à 2022. En 2020, le Code forestier de la République démocratique du Congo (RDC) a rendu la certification des concessions forestières obligatoire.

George Akwah Neba, coordinateur FSC pour le bassin du Congo, a déclaré que la certification renforçait la gouvernance, encourageait une gestion saine des forêts et contribuait à lutter contre le changement climatique et la protection de la biodiversité.

« Si les gouvernements continuent d’opter pour la certification des forêts », a-t-il indiqué à Mongabay dans un courriel, « c’est parce que les études démontrent que les forêts gérées conformément aux principes de certification FSC offrent une meilleure protection environnementale et réduisent la déforestation tout en fournissant des biens et des services produits de manière durable aux populations et à l’économie. »

Coupe d’un sapelli (Entandrophragma cylindricum) près de Lieki, en RDC. Image de Axel Fassio/CIFOR via Flickr (CC BY-NC-ND 2.0).

Il a cité une étude de 2019 menée par l’Agence française de développement dans le bassin du Congo qui a découvert qu’entre 2000 et 2010 la déforestation dans les concessions dotées de plans de gestion forestière et certifiées FSC était 74 % moins importante que dans les concessions non certifiées FSC. George Akwah Neba a également rapporté qu’une recherche menée par le Centre pour la recherche forestière internationale (CIFOR) avait montré que les conditions de travail et de rémunération étaient meilleures dans les forêts certifiées FSC de la région.

Mais le projet du CIFOR, surveillant les impacts sociaux de la certification FSC en Afrique centrale, a également soulevé des questions sur la protection des droits d’usage coutumiers. Si les pratiques agricoles, la chasse et la cueillette de produits non issus du bois par la population locale étaient globalement similaires dans les concessions certifiées et non certifiées évaluées par le CIFOR, le Centre de recherche a découvert que les communautés vivant à proximité ou à l’intérieur des concessions certifiées FSC se plaignaient d’un accès restreint aux forêts.

Une évaluation menée par le WWF, le Fonds mondial pour la nature, sur la qualité des normes de gestion des forêts au Gabon a indiqué que si le PAFC, développé spécifiquement pour le bassin du Congo, présentait des normes élevées en matière de protection de la biodiversité, de respect des droits du travail et de propriété et une chaîne de contrôle rigoureuse, ces normes étaient insuffisantes concernant les processus de certification et d’accréditation, et complètement inexistantes dans le domaine de la lutte contre la pollution, de la réduction des émissions de gaz à effet de serre et de la gestion des déchets. Au Gabon toujours, le WWF a également révélé des normes de qualité élevées en gestion forestière et environnementale, mais de sérieuses lacunes en matière de réduction de la pollution et des émissions.

Harvested cocoa in Cameroon.
Cabosses de cacao au Cameroun : le cacao est l’un des nombreux produits de base liés aux forêts dont les producteurs africains devront désormais prouver qu’ils n’entraînent pas de déforestation avant de pouvoir être exportés vers l’UE. Image de Bill Zimmerman via Flickr (CC BY-NC-SA 2.0).

L’UE interdit les importations de produits liés à la déforestation

L’Union européenne — avec 5% de la population mondiale et responsable d’environ 16 % de la déforestation mondiale par ses importations (principalement de soja et d’huile de palme) derrière la Chine selon le WWF — interdira à partir de 2023 l’importation de produits contribuant à la déforestation dans le monde.

« Nous savons que l’UE est un gros importateur de bois et de produits agricoles. Une législation qui implique de mettre fin à l’importation de produits à risque de déforestation ne peut qu’être bénéfique pour la protection de nos forêts et des communautés qui en dépendent », a déclaré Ranece Jovial Ndjeudja, responsable de la campagne pour les forêts du bassin du Congo de Greenpeace Afrique.

La nouvelle législation, adoptée en décembre, vise à interdire aux entreprises de vendre du café, du soja, du bœuf ou d’autres produits liés à la déforestation mondiale sur le marché européen. Il imposera des amendes pouvant atteindre 4 % du chiffre d’affaires des entreprises qui enfreignent l’interdiction.

Pour les pays africains, qui exportent d’importantes quantités d’huile de palme, de cacao et de caoutchouc vers l’UE, l’interdiction pourrait représenter une menace pour les revenus et les revenus des personnes employées dans la production de ces produits liés à la forêt. Ndjeudja a déclaré que les dirigeants des gouvernements africains doivent impliquer un large éventail d’acteurs, y compris les communautés de base qui peuvent assurer un suivi continu sur le terrain et fournir les informations nécessaires pour répondre aux nouvelles exigences du marché de l’UE.

« L’utilisation de la technologie pour retracer l’origine des produits sera essentielle pour assurer des contrôles efficaces. Des mécanismes de surveillance devront être développés et mis en œuvre pour chaque produit afin de s’assurer que les produits à transformer ne sont pas issus de la déforestation », a-t-il déclaré à Mongabay par téléphone.

Image de bannière : Image de Sybryn Maes.

Leocadia Bongben, Lekan Olalékan et Ryan Truscott ont contribué à la rédaction de ce bulletin.

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