Nouvelles de l'environnement

Élément d’Afrique : Un producteur de platine « tyrannique » et un accord pétrolier secret

  • Les autorités sud-africaines ont annoncé l’extension de la date limite des discussions sur l’octroi d’indemnisations relatives à l’ouverture d’une mine de platine, après le faux bond d’une société minière à une réunion de médiation – société minière qui, d’après les communautés concernées, serait « dirigée par des tyrans ».
  • Également en Afrique du Sud, une communauté qui a, depuis peu, réussi à récupérer les terres qu’elle avait été forcée d’abandonner durant l’apartheid se trouve aujourd’hui confrontée à un nouveau risque d’expulsion pour faire place à une centrale à charbon et à une aciérie.
  • En République démocratique du Congo (RDC), des ONG soutiennent que l’accord secret prévoyant d’attribuer 2 des 30 blocs pétroliers à une société sans expérience dans le secteur est un motif suffisant pour suspendre les appels d’offres en cours.
  • Élément d’Afrique est le bulletin bimensuel de Mongabay qui rassemble de courts articles sur les droits territoriaux des peuples et les industries extractives en Afrique.

Une communauté sud-africaine s’oppose à un producteur de platine « tyrannique »

GA-NGWEPE, Afrique du Sud – Le gouvernement sud-africain a donné jusqu’au 1er mars à un producteur de platine pour discuter de l’indemnisation des communautés pour les dommages susceptibles de survenir sur les terres qu’il prévoit d’exploiter près de la réserve de biosphère de Vhembe.

Waterberg JV Resources (Pty.) Ltd, détenue majoritairement par la société Platinum Group Minerals, basée à Vancouver, a fait faux bond à la réunion de médiation du 15 février, organisée par le ministère des Ressources minières et de l’Énergie, qui visait à régler les différends concernant l’ouverture d’une mine de platine dans la province du Limpopo, dans le nord du pays.

Quelque 500 membres des communautés de Ga-Ngwepe, de Lewaneng et de Kgatlu avaient exprimé leur inquiétude et déclaré qu’ils craignaient que la mine n’épuise les ressources en eau déjà rares dans la région et que les opérations de dynamitage n’endommagent leurs habitations.

En octobre 2022, le gouvernement avait rejeté leur appel et attribué une licence d’exploitation à Waterberg. Le ministre des Mines avait conclu que les résidents n’avaient pas su justifier leur droit à la terre – terre qui se trouve dans une zone tampon de la réserve de biosphère de Vhembe. Frank Hallam, président et directeur général de Platinum Group Minerals, avait alors annoncé un programme de préconstruction de 21 millions de dollars pour faire avancer le projet Waterberg. Les membres des communautés locales avaient immédiatement formulé une objection en vertu de la législation minière sud-africaine qui prévoit de geler l’ensemble des activités jusqu’à la tenue d’une réunion de médiation organisée par le gouvernement entre la société minière et la communauté. Aubrey Langa, membre du réseau sud-africain Mining and Environmental Justice Community Network of South Africa (MEJCON-SA) visant à promouvoir et à défendre les droits environnementaux et humains des communautés touchées directement et indirectement par les activités minières, a indiqué que l’entreprise avait ignoré cette objection et abattu la clôture d’une exploitation agricole en novembre 2022 pour installer ses équipements miniers sur les terres des agriculteurs et des éleveurs locaux. Pour rappel, l’entreprise avait déjà été condamnée dans le passé pour des activités menées sans licence d’utilisation de l’eau.

Headwoman Manoko Ngoepe addresses residents.
Sur les terres de sa communauté et sous l’arbre sacré marula, la cheffe du village Manoko Ngoepe s’adresse aux résidents qui seront touchés par l’ouverture de la mine. Novembre 2022. Image de Mamidi Ngoepe pour Mongabay.

Seja Matlakala, un représentant du gouvernement, a indiqué dans un email envoyé à Waterberg (et dans lequel Mongabay était en copie) : « Pourriez-vous svp arrêter tout cela et essayer de comprendre que la communauté n’a rien contre la société minière, mais qu’elle veut juste être consultée avant que cette dernière n’entre sur ses terrains agricoles, car il s’agit là d’un domaine délicat touchant ses moyens de subsistance ? ».

Toutefois, Mamidi Ngoepe, dirigeant de l’une des communautés, a fait savoir que sa communauté était catégoriquement opposée à l’ouverture de la mine dans son ensemble, et a accusé les propriétaires de cette dernière d’avoir enfreint la loi en boycottant la réunion de médiation. « Cette entreprise est dirigée par des tyrans. Ils ne sont même pas venus à la réunion. Ils ont indiqué qu’ils n’étaient redevables d’aucune réponse et qu’ils n’avaient rien à discuter », a-t-il déclaré à Mongabay lors d’un entretien téléphonique.

« Mais on pense qu’un jour ou l’autre on arrivera à gagner la bataille. On va continuer à se battre, même si le comportement de la société minière décourage les gens sur le terrain. »

Ni Seja Matlakala ni Mlibo Mgudlwa de Waterberg n’ont souhaité répondre aux questions de Mongabay.

La réserve de biosphère Vhembe s’étend sur 460 000 hectares de forêt, de prairie et de savane et inclut une partie du parc national Kruger, la forêt sacrée de Thathe Vondo et la région de l’ancien royaume de Mapungubwe, un site inscrit au patrimoine mondial de l’UNESCO.

La réserve abrite des centaines d’espèces différentes d’insectes, de reptiles, d’oiseaux et de mammifères. Vhembe et ses zones tampons sont aussi le foyer de plus de 1,5 million de personnes qui sont, pour beaucoup, des agriculteurs comme ceux qui s’opposent à l’ouverture de la mine de platine.


Une communauté sud-africaine menacée d’expulsion par la construction d’une centrale à charbon et d’une aciérie

MULAMBWANE, Afrique du Sud – Plus de 1 000 résidents de la communauté de Mulambwane, située dans la province du Limpopo au nord du pays, risquent l’expulsion pour laisser place à la Zone économique spéciale de Musina-Makhado. Le gouvernement provincial prévoit de construire un site industriel regroupant une usine de lavage de charbon, une aciérie et une centrale à charbon de 1 320 mégawatts sur les 3 500 hectares (8 650 acres) que la communauté d’agriculteurs et d’éleveurs a récupérés pas plus tard qu’en 2008. Pour permettre la bonne exécution du projet, baobabs et mopanes, arbres précieux à l’environnement, seront défrichés et les ressources hydriques de cette région semi-aride seront mises en péril.

Le gouvernement provincial soutient que le projet créera des emplois et dynamisera le développement des villes voisines de Messina (ou Musina) et Makhado.

Certains membres de la communauté de Mulambwane ont fait savoir qu’ils s’opposaient au projet. « Je ne quitterai pas cet endroit même si le gouvernement doit m’arrêter. C’est ici que j’ai grandi », a confié Wilson Sithagathaga, 86 ans, à Mongabay.

En 1946, Wilson Sithagathaga et le reste de la communauté avaient été expulsés de force de Mulambwane par le gouvernement d’apartheid, pour faire place aux exploitations agricoles et aux élevages détenus par les blancs. Après une lutte acharnée pour récupérer leurs terres, ils les ont réintégrées en 2008, et ils affirment aujourd’hui qu’ils n’ont pas été suffisamment consultés pour subir un second déplacement.

Le projet a également été critiqué pour son impact environnemental comprenant la destruction des baobabs, des mopanes et autres arbres précieux ainsi que la pollution de l’air et le stress hydrique.

« Les rapports présentés lors des réunions de participation du public n’exposaient aucun élément de preuve indiquant comment les autorités allaient gérer la sécurité de l’approvisionnement en eau, la pollution, le changement climatique et autres questions connexes », a souligné David Tshidzumba, un militant écologiste qui a assisté aux consultations publiques relatives aux zones économiques spéciales en tant que membre de la campagne Save Our Limpopo Valley Environment (SOLVE), organisation qui lutte pour la conservation de la région de Vhembe.

86-year-old Wilson Sithagathaga in front of his house.
« Je ne quitterai pas cet endroit même si le gouvernement doit m’arrêter. C’est ici que j’ai grandi », a confié Wilson Sithagathaga, 86 ans, à Mongabay. Image de Bernard Chiguvare.

Les membres de la communauté de Mulambwane ont indiqué à Mongabay qu’ils avaient été exclus des importantes réunions de consultation traitant des impacts environnementaux et sociaux, car très peu d’entre eux comprenaient l’anglais, langue utilisée lors des réunions et dans les documents techniques. Ils n’ont pas non plus de moyens de transport à leur disposition pour se rendre aux réunions organisées dans les villes voisines de Louis Trichardt et Messina, ou dans la capitale provinciale Polokwane.

« Nous avons pourtant le droit à un domicile fixe », a souligné Wilson Sithagathaga. « Nous ne pouvons pas risquer de perdre ces terres une deuxième fois après avoir été expulsés de force dans les années 1940. Ce sont nos terres. C’est ici que sont enterrés nos aïeux. Nos enfants et petits-enfants ont besoin de savoir qui nous sommes. »


Shell au centre d’une nouvelle marée noire au Nigéria

EBUBU, Nigéria – les résidents de la communauté nigériane qui a récemment été indemnisée après 30 ans de bataille judiciaire à la suite de la pollution causée par le géant pétrolier Shell ont fait état d’une nouvelle marée noire.

Les résidents et les militants locaux ont indiqué que du pétrole brut s’était échappé le 10 février d’un pipeline à Ebubu, en pays Ogoni ; mais l’étendue des dégâts reste floue.

Dans un communiqué, Shell a confirmé qu’un incident s’était produit. « Nous travaillons en bonne et due forme avec des organismes de réglementation sectorielle afin de contenir le déversement de manière sûre en attendant les conclusions de l’équipe d’enquête dirigée par le gouvernement sur la cause et l’impact de cette fuite. »

Dans un entretien téléphonique accordé à Mongabay, Idris Musa, directeur général de l’Agence nationale de détection et de réponse aux déversements de pétrole (National Oil Spill Detection and Response Agency, NOSDRA), a affirmé que le déversement avait été contenu et que l’enquête avait déjà été menée. Il a rejeté la faute sur des « gangs criminels » et a indiqué que « seuls quatre barils » de pétrole s’étaient répandus dans l’environnement. « C’est un nouveau pipeline, alors les malfrats sont venus et ils l’ont vandalisé », a-t-il indiqué.

Mongabay n’a pas pu vérifier les informations de façon indépendante, mais Alex Akori, porte-parole de l’éminent Mouvement pour la survie du peuple ogoni (MOSOP), a récemment critiqué NOSDRA pour avoir omis de divulguer la cause et l’étendue du déversement.

Un pêcheur retient sa maigre prise près du village de Goi en pays d’Ogoni. Des fuites à répétition en provenance d’un pipeline de Shell ont sévèrement pollué les eaux sur des kilomètres autour du village. Image de Milieudefensie via Flickr (CC BY-NC-SA 2.0).

« Ce qui est important en ce moment, c’est de coopérer avec les autorités compétentes pour arrêter la pollution et assurer le retour à la normale, alors nous demandons aux communautés touchées de soutenir les énormes efforts déployés par toutes les parties impliquées dans le contrôle et l’atténuation des déversements », a déclaré Alex Akori dans Sweet Crude Reports, un bulletin d’information de l’industrie pétrolière publié le 14 février 2023.

Obtenir une opération de nettoyage de la part des entreprises pétrolières ou les faire payer pour les délits écologiques au Nigéria peut être complexe, et les demandes d’indemnisation peuvent prendre des années. Pendant la guerre civile de 1967-1970, Ebubu et sa communauté voisine Ejama ont été ravagées par une importante marée noire. Incapables d’obtenir une indemnisation via les procédures administratives habituelles, elles ont intenté une action en justice en 1991. Shell a rejeté la responsabilité du déversement sur des tierces parties et lancé une série d’appels, avant que la Cour suprême nigériane ne rende finalement son verdict en août 2021, obligeant le géant pétrolier à verser 111 millions de dollars aux communautés.


Un accord secret sur l’attribution des blocs pétroliers en RDC inquiète les ONG environnementales

Un appel d’offres sur les gisements de pétrole et de gaz en RDC ferait l’objet d’un déficit de transparence, selon des ONG nationales et internationales. Elles accusent le 2 février le ministre des Hydrocarbures Didier Budimbu d’être impliqué dans un « deal » qui éveille des soupçons de favoritisme.

Dans un communiqué du 2 février les ONG, dont Innovation for the Development and Protection of the Environment, Mouvement des jeunes pour la protection de l’environnement, et Greenpeace, indiquent que Budimbu a signé en 2021, à Paris, un accord qui prévoit l’attribution de deux blocs pétroliers congolais à un magnat nigérian des jeux sportifs, Chukwuma Ayodeji Ojuroye. Un appel d’offres restreint devait ainsi être lancé en vue de favoriser la société Clayhall Group, qui appartient à Ojuroye qui, à son tour, devrait préfinancer les études géologiques par un cabinet d’ingénierie américain, GeoSigmoid.

Si la loi autorise les appels d’offres pétroliers restreints, la condition en est la nature « spécialisée » des services requis. Or, il se trouve que l’entreprise des paris en ligne du magnat nigérian n’a pas de spécialisation dans le domaine pétrolier, estiment les ONG.

« Cet arrangement secret réduit à néant la campagne de communication globale que mène M. Budimbu visant à promouvoir la transparence de l’appel d’offres hautement contesté », indique le communiqué.

Les ONG ont appelé les autorités congolaises à suspendre l’appel en cours pour 30 blocs pétroliers, lancé en mai et juillet 2022. Elles demandent aussi une enquête et exigent du ministre des Hydrocarbures de publier l’accord secret.

Vue aérienne d’un village du lac Paku dans la tourbière de la Cuvette centrale congolaise près de Mbandaka. L’un des blocs pétroliers secrètement promis au magnat nigérian des paris sportifs se situe au beau milieu de la Cuvette centrale. Image © Daniel Beltrá / Greenpeace.

Pour Omer Kabasele, le président du Groupe de Travail Climat REDD Rénové (GTCRR), une plateforme qui réunit la société civile environnementale qui a signé le communiqué, l’urgence, c’est de publier l’accord afin qu’il soit connu de la population.

Les gisements de pétrole et de gaz naturel peuvent être exploités, selon lui, mais dans le respect strict des mesures de protection de l’environnement, des droits des populations riveraines ainsi que de la biodiversité. « Parce que nous ne pouvons pas lutter contre le changement climatique à côté d’une communauté pauvre », a-t-il déclaré à Mongabay.

 
Image de bannière : Des membres de la communauté Mulambwane sous un baobab. Image de Bernard Chiguvare.

Bernard Chiguvare, Ini Ekott, Didier Makal et Anna Majavu ont contribué à la rédaction de ce bulletin.

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