- En plus des lois destinées à protéger les animaux en RDC qui existent depuis 1937, le pays a ratifié la CITES en décembre 1994. Plus tard, une autre loi a été instaurée en 2018, face à la résurgence de la fièvre hémorragique à virus Ebola.
- Au nombre de raisons qui justifient l’existence de la chasse des animaux sauvages protégés aux fins de la consommation ou encore commerciale à ce jour en RDC, les contraintes économiques, traditionnelles, démographiques, ou encore l’absence des services publics compétents ont été évoquées.
- En République Démocratique du Congo, les provinces du Kongo Central, du Grand Bandundu ainsi que du Grand Equateur constituent de grandes sources d’approvisionnement en viande de brousse pour la ville de Kinshasa. Des primates, antilopes, tortues ou encore des pangolins y sont amenés presque toutes les semaines.
- Au moins 6 millions de tonnes de viandes sont consommés annuellement dans la région des grands lacs, inclus la RDC, mais les chiffres ne semblent pas convaincre les activistes qui trouvent que la consommations e viande de brousse seraient plus important que ces chiffres donnés.
La consommation de la viande de gibier, résultant des périodes de chasse est bien réelle à Kinshasa et Brazzaville, deux capitales séparées par le fleuve Congo dans le bassin du Congo.
Libongo est situé sur la rive du fleuve Congo. Il est avant tout la grande porte d’entrée de la viande de brousse à Kinshasa et tout autre produit local et naturel provenant de l’intérieur du pays notamment la viande des animaux fumée.
Joseph, un jeune homme de 16 ans ne fréquente plus l’école. Pour lui, la vie est possible avec le commerce de la viande des animaux tués dans des immenses forets en RDC. Il refuse de dire son nom de famille pour ne pas se faire remarquer. Ici on identifie les gens souvent par les noms de familles qui sont souvent rattachés aux origines claniques.
D’un air rassurant et joyeux, le jeune d’une taille élancée, nous guide dans un marché de Ngwaka. Là, la vente de la viande est interdite comme d’ailleurs en toute la RDC, mais se vend toujours.
Nous constatons ici des rayons et tables de fortunes de viande boucanée et des poissons fumés, vendus par les commerçants.
« C’est la viande des animaux » nous lance-t-il sans indiscrétion.
Joseph maitrise la géographie du marché. Ici c’est aussi son business de guider les gens vers ses différents coins pour se procurer notamment en viandes de gibier.
Les Ngwaka ou Ngbaka et la haine contre les medias
Ngwaka ou Ngbaka est le nom d’une tribu dont la présence est remarquable près des rayons contenant des morceaux de viandes d’animaux et est la référence de la viande de brousse et de poissons fumés. Joseph, le guide du marché nous prend vers une personne. Elle est de la tribu Ngwaka.
Parmi les Ngwaka présets, une femme âgée d’au moins 50 ans surnommée Maman Mado, accepte d’être interviewée discrètement. Elle a peur d’admettre qu’elle est commerçante des animaux et de leurs viandes.
Des épaves de crocodile, porc-épic, singe, de l’huile et graisse de piton et d’autres qu’elle a su bien nous présenter s’empilent sur le sol….
« La présence des journalistes porte malheur. Nous ne supportons pas leur présence, moins encore des touristes… Ils iront raconter n’importe quoi à la télé et après leur passage c’est la catastrophe. J’ai vécu cela il y a quelques années » se rappelle maman Mado.
Maman Mado révèle : « je n’ignore pas l’interdiction de la vente de brousse, je suis une fille du chasseur, depuis mon enfance c’est la viande de brousse qui m’a bercée, avec mes années d’expériences dans le métier, je suis pessimiste des théories avancées ».
« On dit que la viande de brousse donne des maladies. Mais depuis quand ? » s’interroge-t-elle d’un air sérieux.
« Je suis fille d’un chasseur, je mange et vend la viande de brousse depuis toute jeune. Je n’ai jamais été signalée d’une seule maladie due à la consommation de cette dernière. S’il existait des maladies issues de la viande de brousse, je les aurais prises. J’en ai consommé autant et je ne crois pas trop aux théories du genre qu’il y a des maladies dans la viande (…) » ajoute-elle en riant.
Et la loi alors…
La loi congolaise interdit la chasse et la commercialisation des animaux ou de la viande de ces derniers quel que soit la forme.
Willy Kuta est activiste indépendant impliqué dans la conservation de la nature, dans notre entretien, il évoque le décret royal du 1937 remplacée par une autre de 1982 « caractérisée par les restrictions visant la chasse coutumière ».
L’un des principes édictés dans cette loi de 1982 est libellé comme suit : « les animaux à chasser sont classés en animaux protégés, partiellement protégés et non protégés. Quant aux animaux protégés et partiellement protégés, il s’agit de ceux qui sont sur les listes de la CITES. Il est interdit d’abattre, de capturer, de vendre ou d’exporter ces animaux », raconte l’activiste citant la loi de 1982, ajoutant une loi de 2018 instaurée dans le contexte de la propagation de l’Ebola.
Par ailleurs, Willy Kuta confirme : « le suivi de telles mesures est difficile dans notre pays à cause de l’absence des services publics compétents, ou mieux, les moyens nécessaires dans les zones où ces mesures sont prises pour contrôler leur mise en œuvre ».
La démographie et la pauvreté, source de maux
La démographie galopante dans les milieux urbains à travers l’exode rural fait appel à de nombreux maux, notamment économiques, la pauvreté…
Selon l’activiste Willy Kuta : « La pauvreté est un frein pour la conservation de la nature. Dans une contrée où la population est pauvre, il y aura une forte pression sur les ressources naturelles ».
Il conclut : « la démographie galopante dans une région donnée est (aussi, Ndlr) l’une des raisons de plus pour qu’une pression soit exercée sur les ressources naturelles, car il y a plusieurs bouches à nourrir. Et dans un pays comme la RDC où le revenu de la population est plus bas, les ressources naturelles en pâtissent ».
Mwimba est un ex-chasseur et agent de la Police Nationale Congolaise (PNC) depuis aujourd’hui 6 ans. Il raconte que lorsqu’il est arrivé à Kinshasa avec sa petite famille en provenance de la cité d’Idjofa, son travail fut la culture du sol et la chasse dans les alentours de la capitale congolaise.
« Quand nous sommes arrivés à Kinshasa en 2011 nous nous installés moi, ma femme et mes trois enfants dans la commune de Maluku. Là-bas, nous nous débrouillions avec notre petite boutique d’alimentation et divers. (Mais), le business a tourné au vinaigre malheureusement et du coup, nous avons opté pour l’agriculture et je plaçais également des pièges pour attraper des souris et des cochons, je suis un ancien chasseur et je ne regrette pas de mon passé de chasseur » dit Mwimba.
Mais des cas pareils se comptent par centaine dans la capitale congolaise. En effet, des gens venus des coins reculés une fois arrivés en ville préfèrent se lancer dans la chasse et le commerce des morceaux de viandes d’animaux pour subvenir à leurs besoins.
Influence de la tradition
Dans certaines parties de Kinshasa, certaines fêtes traditionnelles sont caractérisées par des menus dominés par de la viande des animaux.
Les mariages et les intronisations sont souvent des occasions de servir de la viande des animaux dans certaines familles venues notamment de la région du Grand Equateur.
La viande de crocodile, du pangolin ou encore de l’escargot, est servie à l’occasion de la réception de la belle famille. Pour les familles Sakata du Grand Bandundu, la viande de tortue est plutôt servie à la même occasion selon la tradition. Le volume annuel de la viande de brousse consommée en Afrique Centrale est estimé à 6 millions de tonnes, tous les animaux confondus.
Cependant, il y a également certaines autres familles (tribus) qui ne tuent pas, ni ne consomment certains animaux, car considérés comme « totem ».
Tel est le cas de la tribu de « Bajila Kasanga », dans le Kasai Central, qui considère le pangolin comme sacré, et ne peux pas être mangé ni tué.
Se référant au droit congolais, Willy Kuta ajoute que « la chasse est autorisée pour des personnes possédant des droits coutumiers de chasse et en chassant pour leurs besoins personnels et familiaux ».
A cet effet, conclut-il « la consommation de certains animaux spécifiques lors des cérémonies spéciales chez un peuple donné peut avoir un impact positif sur la pérennisation des espèces de ces animaux, car, ce peuple ne voudra pas éteindre ces espèces, au risque d’éteindre sa propre culture ».