Nouvelles de l'environnement

Algérie : Grognes autour d’un projet extractif de zinc

Mine de Gara Djebilet. Des machines sont en action/ Photo de Arab Chih

Mine de Gara Djebilet. Des machines sont en action/ Photo de Arab Chih

  • Dans le but de diversifier l’économie algérienne, les autorités veulent exploiter le riche potentiel minier du pays. Celui-ci est évalué à plus de 1,000 ressources minérales, 20% de réserves mondiales de terres rares, a rapporté le journal français l’Opinion en août dernier.
  • Ce n’est pas la première fois que l’Algérie entreprenne des projets miniers ou gaziers. En 2015, les communautés locales s’étaient opposées au projet d’exploitation du gaz de schiste à In Salah, à 1,600 km au sud d’Alger.
  • Fin 2009, l’entreprise Total avait remporté, avec son partenaire Partex, l’appel d’offres pour l’acquisition d’une participation de 49% sur la licence d’exploitation et d’exploration de la concession de gaz de schiste d’Ahnet (In Salah) avant qu’elle ne se retire du projet en 2015.
  • Plusieurs manifestations de rue, organisées alors par la population locale très hostile à l’exploration du gaz de schiste chez elle, ont barré ce projet, chose qui manque pour ces nouveaux projets en cours de fer à Tindouf et de phosphate à Tébessa.

Trois grands gisements sont prioritairement choisis pour ce projet qui concerne au moins 26 projets miniers. Il s’agit de la mine de fer de Gara Djebilet, à Tindouf, à 1,460 km au sud-ouest d’Alger, détenue par l’entreprise publique algérienne FERAAL et un consortium d’entreprises chinoises (CWE, MCC et HeydaySolar).

L’autre c’est la mine de phosphate de Bled El Hedba (Tébessa), à 600 km à l’est du pays, qui est aux mains de deux entreprises publiques algériennes (Asmidal et Manal) et deux entreprises chinoises (Wuhuan et Tian’an).

Et en fin, il y a  la mine  de zinc et de plomb de Tala Hamza/Amizour, à Béjaia, non loin de la mer Méditerranée, propriété de l’entreprise Western Mediterranean Zinc Spa (WMZ), une joint-venture créée par deux partenaires algériens  (l’Entreprise Nationale des Produits Miniers Non-Ferreux et des Substances Utiles Spa et l’Office National de Recherche Géologique et Minière) et la société australienne Terramin.

L’intérêt économique de ces projets fera de l’Algérie un acteur de premier plan sur le marché mondial des minerais qui sortiront des entrailles de ces mines, selon les espoirs  nourris par le Gouvernement Algérien.

Cependant, ces espoirs ne sont pas partagés avec les activistes et les chercheures qui y trouvent plutôt une forme de perturbation de l’environnement. L’Algérie, pays d’une superficie de 2.381.700 km2 et quatre fois plus vaste que la France, se veut rassurante quant à ce projet.

 L’impact environnemental

Selon Mourad Ahmim, enseignant-chercheur en écologie et en environnement à l’Université de Béjaïa, « Toute activité d’exploitation minière a un impact environnemental (…). Pour pouvoir avoir une idée sur les impacts pré exploration il faut se déplacer sur les lieux et faire un diagnostic écologique pour savoir s’il y a du patrimonial sur place ».

Les entreprises, selon lui, devraient envisager toujours « des formules d’atténuation et des formules de remplacement pour minimiser au maximum l’impact sur l’environnement ».

Un autre expert, Mouloud Issaad, spécialiste en géologie minière et en pollution minière au département de géologie de l’Université des Sciences et de la Technologie Houari Boumediene d’Alger, estime que le problème environnemental dans le cas de ces deux projets se posera beaucoup plus en aval qu’en amont.

« Que ça soit pour le fer ou le phosphate, le véritable défi n’est pas dans la gestion environnementale de l’activité extractive en elle-même, mais plutôt dans la réduction des impacts des unités de transformation situées en aval des projets », a-t-il soutenu.

Et à l’expert de détailler : « Dans le cas du projet de Gara Djebilet, la nature du minerai et l’écosystème dans lequel il s’insère sont tels que les effets sur l’environnement sont relativement gérables (…) ».

Il ajoute que « la mine sera située aux confins du Sahara Algérien, dans une région inhospitalière et quasiment inhabitée », ce qui favorise le travail des exploitants.

« Par contre, l’industrie de transformation qui sera installée dans la région de Béchar, à environ 1,000 kilomètres de la mine, doit être surveillée de près de sorte à limiter son impact sur les populations locales, en éliminant au maximum les rejets gazeux, liquides ou solides », poursuit-il.

Issaad ajoute que « (…) les mines de phosphates ne sont pas réputées être les plus problématiques (…). Par contre, tout le procédé de fabrication des engrais devra être élaboré en concertation avec les spécialités et les populations locales afin de limiter son impact sur l’environnement ».

La mine de zinc de Tala Hamza face à l’hostilité des populations locales

À l’inverse des mines de fer et de phosphate qui ne souffrent pas de contestation, celle de zinc et de plomb, en Kabylie, à 232 km à l’est d’Alger, fait face à une opposition de la part des populations locales qui, depuis l’annonce de la relance de ce gisement en juillet 2020, résistent.

Même si le projet est toujours au stade de l’exploration, les habitants sont mobilisés et deux rassemblements ont été organisés par les villageois dont le dernier s’était tenu en avril dernier, à Ibezghichen, situé à 232 km à l’est d’Alger, la capitale algérienne.

Les communautés locales d’Ibezghichen rejettent ce projet confié en 2006 à l’entreprise australienne Terramin. Celle-ci détenait à l’époque 64% des parts de la joint-venture avant de rétrocéder, en mars 2022, 16% de parts aux partenaires algériens pour se conformer à la loi dite 49/51 relative aux investissements étrangers en Algérie.

« Les habitants de la région ont peur des retombées du projet sur l’environnement, notamment de la contamination de l’eau », explique un membre de la coordination des associations qui est aussi militant associatif qui a requis l’anonymat.

« Même si le projet minier est classé comme 5e gisement mondial et fera de l’Algérie un des opérateurs essentiels sur le marché mondial du zinc et du plomb, çà ne compensera pas l’aspect environnement et du développement durable car il va détruire toute une région par ses impacts », a estimé Saadi Rough, vice-président de l’association ‘’Talsa timezrit’’ et activiste environnemental dans une émission organisée  le 6 octobre dernier par Alternatv depuis le Canada.

Kamel Aissat, activiste et professeur en microbiologie à l’Université de Béjaia et vice-président de l’association Thiwizi Merdj Ouamane, dit :

« Le projet est implanté dans une zone humide et protégée (…). Les 700 emplois qui seront créés ne méritent pas qu’on sacrifie la wilaya de Béjaia ».

Par ailleurs, selon Saadi Rough la licence a été accordée à « cette société dans des conditions dont on ne connaît pas les dessous ».

Site Tala Hamza Amizour. Ici la population s'oppose au projet d'exploitation parce que c'est un milieu vert qu'il faut protéger au milieu d'un immense étendue desertique/Photo de Arab Chih
Site Tala Hamza Amizour. Ici la population s’oppose au projet d’exploitation parce que c’est un milieu vert qu’il faut protéger au milieu d’un immense étendue desertique/Photo de Arab Chih

Calmer les esprits des villageois

Pour vaincre les réticences des villageois, les autorités locales ont organisé des réunions de sensibilisation et ont mis en place un comité scientifique d’experts.

Outre les habitants de la région, des experts ne sont pas en reste de ce débat citoyen.

« Il est fondamental de comprendre que dans l’exploitation des mines, notamment dans les pays à faible industrialisation, la majorité écrasante de la matière extraite est un rejet généralement à haute teneur d’acide », explique Hicham Rouibah, doctorant en socio-économie à l’Institut de Recherche pour le Développement,  affiliée à l’Université d’Oran 2 et de Paris 7 dans une contribution parue le 18 janvier 2021 sur le site algérien Maghreb Emergent.

Dans le cas d’Amizour, continue le chercheur, il n’y a que 7% de métaux à exploiter entre zinc, plomb, cuivre et fer ; soit 93% sera une déchèterie toxique.

« Ces rejets transiteront sans doute, la plupart des cas, par le sol, l’eau et l’air ; c’est-à-dire très difficiles à évincer sans dispositifs rigoureux de traitement », a expliqué Hicham Rouibah, qui redoute « un désastre sanitaire et environnemental ».

 Mais Mouloud Issaad nuance tout de même en disant que « l’entreprise Terramin a inclus dans son plan d’exploitation des mesures afin de réduire au maximum ce risque ».

Il s’agit en fait de remblayer les excavations créées par l’extraction du minerai (galerie, travers-bancs, etc.) à l’aide d’un remblai cimenté et stabilisé, constitué de déchets miniers, a-t-il expliqué.

Il conseille d’éviter le blocage du projet tout en proposant l’approche  de l’ « acceptabilité sociale ».

Sans aborder la levée de boucliers contre la mine de Tala Hamza, le ministre de l’Energie et des Mines, Mohamed Arkab, a fait part, en avril dernier, de « la prise de mesures nécessaires pour réunir les conditions de lancement du projet, notamment en ce qui concerne les aspects liés à la sécurité et à la protection de l’environnement ».

 


Photo de bannière: Mine de Gara Djebilet en Algérie. Des engins en action en plein désert. Photo de Arab Chih

 

 

 

Quitter la version mobile