Nouvelles de l'environnement

Les rejets de la mine étaient déplorables. Les réponses de la RDC et de l’Angola ne sont guère mieux, indique un rapport

  • En juillet 2021, les effluents d’une mine de diamants angolaise se sont déversés en quantité massive dans le bassin de la rivière Kasaï qui s’étend à travers l’Angola et la République démocratique du Congo (RDC).
  • Douze personnes ont été tuées, 4 400 sont tombées malades et un million de riverains ont été contaminés par l’eau polluée.
  • Quatorze mois plus tard, le gouvernement de la RDC n’a toujours pas communiqué les résultats des tests effectués dans les rivières, mais l’interdiction de consommer l’eau du Kasaï et de la Tshikapa est toujours en vigueur.
  • Un rapport indépendant, publié en septembre 2022, a révélé que les rejets de la mine avaient entraîné la mort de la majorité des espèces aquatiques et de lourdes conséquences qui continuent de se faire ressentir sur les communautés, tributaires des ressources des rivières.

En juillet 2021, la rupture d’une digue de résidus d’une mine diamantaire en Angola a provoqué une mortalité massive parmi la vie aquatique des rivières Lova, Tshikapa et Kasaï. Douze personnes sont décédées après avoir consommé l’eau contaminée. Un nouveau rapport de l’IPIS (l’International Peace Information Service), un institut de recherche indépendant, indique que la pollution de la mine de Catoca a eu un impact négatif sur les communautés, tributaires des ressources des rivières, qui risque de se faire ressentir pendant plusieurs années en Angola et en République démocratique du Congo (RDC).

Lors de la rupture du barrage le 27 juillet 2021, les déchets miniers se sont déversés en quantité abondante dans la rivière Lova, puis dans les rivières Tshikapa et Kasaï, qui ont viré au rouge sur des centaines de kilomètres.

L’IPIS a analysé la couverture médiatique et les communiqués officiels de Catoca et des gouvernements angolais et congolais, ainsi que les rapports d’organisations locales à but non lucratif, de membres du parlement et de chercheurs universitaires. L’institut a conclu que la société minière et les deux gouvernements avaient laissé la population dans l’ignorance au sujet de la nature exacte de la pollution qui a provoqué la mort de milliers de poissons et mené à une interdiction de pêcher et de consommer l’eau des rivières. Cette interdiction est toujours en vigueur 14 mois plus tard.

Catoca a prélevé des échantillons d’eau en 2021 et a déclaré que l’eau rejetée par son barrage ne contenait que du sable et de l’argile naturels. « Pour le non-initié, cela ne semble pas poser de problème. Toutefois, la mention “sable et argile” ne dit rien sur la composition chimique de ces particules », souligne le rapport de l’IPIS.

Les tests scientifiques sur la qualité de l’eau dirigés par les autorités congolaises n’ont pas non plus été publiés. D’après le rapport, la ministre de l’Environnement, Ève Bazaiba, a uniquement annoncé que les résultats préliminaires des tests effectués dans la rivière Kasaï montraient la présence de fer et de nickel.

L’Unité de toxicologie et environnement de l’Université de Lubumbashi (RDC) et le Département de santé publique et de soins primaires de l’Université catholique de Louvain (Belgique) ont pris l’initiative d’effectuer indépendamment des tests sur la qualité de l’eau. Leurs tests ont révélé que l’eau était contaminée par du fer et du nickel, mais aussi par de l’uranium, précise le rapport de l’IPIS.

The Mayi Munene waterfall
La cascade Mayi Munene de la rivière Kasaï près de Tshikapa en RDC. Image de Sagar Bhatt via Wikimedia Commons (CC BY-SA 3.0).

Le gouvernement de la RDC a demandé réparation à la société minière, mais ces compensations ne semblent pas avoir été versées ni même discutées de manière véritablement sérieuse, d’après le rapport. Bien que les gouvernements à la fois congolais et angolais aient confirmé la tenue de réunions bilatérales pour aller au bout de cette affaire, les consultations annoncées « sont restées sans suite ». Le rapport de l’IPIS indique que le gouvernement angolais s’est opposé à une enquête demandée par la RDC sur le site minier de Catoca.

Plus d’une année s’est écoulée depuis le début de l’accident, et de son côté, le gouvernement congolais n’a pas non plus tenu sa promesse de construire trente nouveaux forages d’eau pour les populations riveraines du Kasaï et de la Tshikapa. Le rapport ajoute que 200 villages et près d’un million d’habitants de la RDC ont été affectés, car 80 % de leur consommation d’eau provient des rivières.

« Jusqu’à présent, rien n’a été fait », a déclaré le député congolais Guy Mafuta lors d’un entretien téléphonique avec Mongabay. « Les gens [affectés par la pollution du bassin de la rivière] ont été abandonnés à eux-mêmes », a-t-il ajouté.

Les questions parlementaires posées par Guy Mafuta au sujet des résultats de l’évaluation de l’impact environnemental et des analyses de l’eau et des sédiments ont été laissées en suspens, et même si le député a plus tard réussi à rallier 8 000 personnes de la région affectées par la catastrophe pour déposer un recours collectif à l’encontre du gouvernement angolais, « il reste à déterminer si un tribunal congolais peut imposer une décision à une société angolaise », souligne le rapport de l’IPIS.

Après la négligence, l’indifférence

Catoca est la quatrième plus grande mine diamantaire du monde. Ses principaux actionnaires sont l’entreprise publique angolaise Endiama et Alrosa, la compagnie minière russe.

Au moment de l’accident en juillet 2021, ni la société minière ni le gouvernement angolais n’ont divulgué la rupture de la digue. Ce sont des images satellites qui ont permis de retracer la pollution depuis la RDC jusqu’à son point d’origine, c’est-à-dire jusqu’à la rupture d’une digue de résidus miniers de Catoca en Angola.

Les scientifiques du Centre de recherche en ressources en eau du bassin du Congo de l’Université de Kinshasa ont qualifié la pollution de « catastrophe environnementale sans précédent. »

Le Centre a alors appelé à des mesures urgentes, telles que le relevé d’échantillons de l’eau, des sédiments et de la biodiversité aquatique afin de déterminer si les dégâts causés par la pollution s’étaient propagés au-delà des zones immédiatement visibles. Cependant, en raison d’un manque de fonds, le Centre n’a pas été en mesure d’organiser de tests ni d’actions correctives sur le terrain.

Les sociétés Endiama et Alrosa ont toutes deux déclaré à Reuters, quelques jours après la découverte de la pollution de l’année dernière, qu’il n’était pas de leur ressort d’informer le public sur la rupture de la digue de résidus.

The Kasai River in DRC.
La rivière Kasaï en RDC en juillet 2021. La rupture d’une digue de résidus d’une mine diamantaire en Angola a provoqué une mortalité massive parmi la vie aquatique des rivières Lova, Tshikapa et Kasaï. Image de Sagar Bhatt via Wikimedia Commons (CC BY-SA 3.0).

Alrosa a également conclu un contrat avec le gouvernement du Zimbabwe pour la prospection de diamants dans le pays. Fin septembre, la société russe a annoncé qu’elle avait découvert 22 nouveaux gisements diamantifères au Zimbabwe, dont deux seront réservés à son exploitation.

« L’Angola n’a pas un bilan convaincant lorsqu’il s’agit de protéger les droits des communautés affectées par l’extraction de diamants », souligne le rapport. « Il est peu probable que le gouvernement angolais et la Catoca assument une quelconque responsabilité envers les victimes congolaises, tandis que le gouvernement congolais fait preuve d’une négligence coupable. »

« En bref, la seule réponse que les centaines de milliers de Congolais affectés par la pollution de la mine de Catoca aient eue à ce jour est l’interdiction, toujours en vigueur, de consommer l’eau et le poisson des rivières Tshikapa et Kasaï. » L’inaction des autorités congolaises et leur incapacité à fournir de l’eau potable et des mesures de secours font de la population kasaïenne une double victime. Pendant ce temps, le reste du monde a oublié une autre crise dans une région éloignée et appauvrie du Congo », conclut le rapport.

« J’ai intenté une action en justice contre Catoca », a affirmé Guy Mafuta. Il a également précisé qu’il s’était heurté à des complications. Le parlementaire a ajouté qu’il avait dépensé 15 000 dollars de sa propre fortune pour initier ce procès contre Catoca. Mais, en plus des incertitudes planant autour de la poursuite d’une société étrangère devant un tribunal de la RDC, des retards dus à une mauvaise gestion du processus judiciaire ont également contraint Guy Mafuta à devoir déposer sa plainte une nouvelle fois.

« Nous devons tout reprendre à zéro, ce qui veut dire qu’il y aura aussi de nouveaux coûts, et tout cela, sans aucune compensation pour les victimes », a-t-il déploré.

Contactée par Mongabay, la ministre de l’Environnement a déclaré qu’elle ne pourrait s’exprimer sur cette affaire qu’après la conclusion de la pré-COP 27, organisée à Kinshasa du 3 au 5 octobre.

 
Sylvain-Gauthier Kabemba a contribué à ce rapport depuis Kinshasa.

Image de bannière : Des riverains s’apprêtant à traverser la rivière Kasaï. Image de Terese Hart via Flickr (CC BY-NC-SA 2.0).

 
Article original: https://news.mongabay.com/2022/10/the-mine-leak-was-bad-the-drc-and-angolas-response-are-no-better-report-says/

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