- Les problèmes environnementaux sont soulevés dans plusieurs mines dans les régions de l’est et le nord de l’Adamaoua au Cameroun. Il y a des quantités importantes du mercure et cyanure dans des cours d’eau de la région.
- Des exploitations semi-mécanisées de matières premières comme l’or faites par des sociétés chinoises Mencheng Mining et Zinquo Mining sont pointés du doigt par des activistes.
- La séparation de l’or de la boue avec le mercure, ou de tous les autres métaux, est devenu monnaie courante dans cette partie du Cameroun. Cette action s’appelle l’amalgame dans le jargon des mines aurifères.
- L’amalgame nécessite aussi une importante quantité d’eau et celle-ci fini dans des cours d’eau utilisées par des habitants.
Le Centre pour l’Environnement et le Développement (CED) décrit une situation alarmante. Au moins 40 litres de mercure et de cyanure sont déversés par jour par et par entreprise, soit 80 litres par jour.
Les dernières analyses ne datent pas de longtemps. Il y a à peine un mois que la découverte macabre des 40 litres de cyanure et mercure déversés dans des eaux, a été réalisée.
« Les dernières analyses réalisées en juin 2022 dans plusieurs cours d’eaux notamment la rivière Djiengou qui arrosent le village Kambele III (…) dans l’est Cameroun montraient les traces de mercures à la surface de ses eaux qui descendent des bassins de lavage de l’or situés en aval. Les résultats des échantillons d’eau prélevés, ont démontré l’usage moyen de 40 litres de mercure et de cyanure chaque jour par une entreprise chinoise », raconte Marc Anselme Kamga environnementaliste, chercheur assistant au centre pour l’environnement et le développement (CED) dans une interview accordée à Mongabay.
L’inquiétude est aussi partagée avec L’ONG Forêt et développement rural (FODER). L’ONG est basée à moins de deux kilomètres du point d’incident et dénonce aussi les impacts négatifs dans la vie des populations. Celles-ci, n’arrivent plus à abreuver leurs bêtes, à pratiquer de la pêche, à utiliser l’eau pour leurs propres besoins. Ici ; comme ailleurs dans le pays, les activités de certaines sociétés dans le domaine de l’extraction se sont multipliées et accélérées ces derniers jours. Ceci a été suivi d’un déversement des milliers de litres de cyanure et de mercure dans des cours d’eau par an.
« Pour extraire l’or, on creuse jusqu’à une couche de terre qui renferme de l’or, qui est acheminé mécaniquement vers un ou plusieurs bassins de lavage. C’est au cours de ces lavages de l’or qu’environ 40 litres de mercures et de cyanures par jour sont utilisés dans la rivière Djengou à Kambélé III », regrette Marc Ansèlme Kamga environnementaliste chercheur assistant au CED dans une interview exclusive avec Mongabay.
Des cours d’eaux déviés et souillés au mercure
Le village Wandja se trouve à 200 kilomètres de la ville de Meiganga dans la région de l’Adamaoua. Il est limitrophe au sud-est par la République Centrafricaine, un autre pays riche en minerais.
Le nombre de déviations des cours est exponentiel ces deux dernières années. Philippe Dono, lui-même orpailleur de la région tire la sonnette d’alarme : « les propriétaires des titres d’exploitations d’extraction de l’or ici ont dévié des cours d’eaux de leurs lits comme les rivières Fell ; Wandja et une partie du fleuve Lom et pollué au mercure ».
Dans la Région de l’Est, les cours d’eaux sur une longueur de deux kilomètres connaissent aussi le même sort, constate un membre de FODER.
Des écoles se vident aussi
Il n’y a que du danger lié au mercure et le cyanure. Des enfants à l’âge de scolarisation désertent l’école au profit des mines et sites d’exploitation de l’or dans la région.
Pierre est âgé de huit ans. Petit garçon, aux cheveux rarement rasés et corps couvert de boue, travaille dans un bassin de lavage de l’or à Kambele III. Non loin de lui, se tient une femme et un homme dont les muscles se dessinent facilement sur des bras non couvert par son tricot. Il s’agit en réalité de son père et de sa mère.
Toute une famille se trouve dans un bassin où elle manipule mercure et cyanure les heures de l’école avec leur petit Pierre.
Ayant abandonné le travail de la terre, la famille de Pierre devenu travailleur d’une mine avant huit ans, gagne de la manne. Mais Pierre, lui, comme la plupart de ces camarades du même âge, ont abandonné le chemin de l’école au profit du bassin d’une mine d’or où l’argent s’obtient facilement sans diplôme.
La direction de l’école du village Mali livre un témoignage accablant. Au moins 96% des enfants ont séché les cours pour aller travailler dans une mine d’or, dans des sociétés dirigées par des investisseurs chinois.
« A l’école publique de Mali, dans une classe de cours moyen 2 en début d’année scolaire 2020/2021 avec un effectif 100 élèves inscrits quelques mois plus tard il ne restait plus que quatre élèves dans la même classe », raconte une source de la direction de l’école du village Mali brandissant une liste de présence dont quatre élèves seulement sont mentionnés présents et réguliers en classe.
Les autres sont dans des mines à coté de leurs familles comme Pierre, à la recherche de la manne financière, générée par l’or.
Des personnes et des bêtes contaminées par le mercure
Des cas de contaminations des personnes au mercure sont courants dans les régions de l’Adamaoua à l’est et au nord.
Le cas du village Mali se trouve sur toutes les lèvres. Dans l’arrondissement de Bétaré Oya, département du Lom et Djerem région de l’est, tous les cours d’eaux sont pollués au mercure, regrette un sage de la communauté.
« Seule la source Yawil est potable, le reste est pollué par le mercure », regrette Pilo, chef de Mali.
Malgré l’interdiction formelle de l’Organisation Mondiale de la Santé OMS de faire recours au mercure, un pharmacien en retraite regrette que son pays laisse certaines sociétés utiliser ces produits nocifs à la santé.
« Le mercure inhalé en petite quantité, environ 10 ml, va se stocker dans le foie et causera à long terme des cancers, pareille aussi dans le sang où il causerait une leucémie », souligne Christophe Junior Mekongo, docteur en pharmacie, dans une interview avec Mongabay.
Par ailleurs, des cas de décès sont signalés parmi les humains et même les animaux.
Dans des cours d’eau, de temps en temps, les chercheurs observent des carcasses d’animaux morts suite à la consommation de l’eau contaminée au mercure. Le chercheur du CED, Marc Anselme Kamga, tire la sonnette d’alarme :
« Dans la zone de Batouri, nous avons trouvé des éléphants morts dans des cours d’eaux ; nous pensons que cela est dû à la consommation de ces eaux polluées », relève Marc Anselme Kamga, visiblement sidéré.
L’agent du CED trouve aussi que même la manière d’exploiter de l’or par ces deux sociétés n’est pas durable.
« Cette manière d’exploiter les mines d’or aujourd’hui par les sociétés chinoises semblent être non durable parce qu’elle pose beaucoup de problèmes de santé, beaucoup de problèmes de pollution et d’autres problèmes de destruction de l’environnement », ajoute le chercheur.
Nos tentatives de joindre Wang Zu Ping et Wang respectivement des sociétés chinoises d’extraction d’or Mencheng Mining et Zinquo Mining ont été infructueuses. Le maire de Batouri, Auberlin Mbelessa, n’a pas non plus répondu à nos multiples appels pour sa réaction quant aux critères d’octroi des licences aux sociétés qui font usage des produits bannis.
Cependant Pilo, chef du village de Mali, jette le tort sur certaines autorités de la capitale Yaoundé. Ils ne vérifient pas les compétences des sociétés et encore moins n’exigent plus aux sociétés des études d’impacts environnementales telles que stipulées par des lois en vigueur au Cameroun.
Image de bannière: Un orpailleur en train de chercher de l’or dans un bassin aurifère au Cameroun en se servant du mercure. Photo CED Communications.