Nouvelles de l'environnement

Mode durable : la révolution des biomatériaux pour remplacer la fourrure et les peaux

  • L’industrie de la mode est l’une des plus polluantes de la planète et utilise des matériaux animaux tels que les peaux, la fourrure et le cuir. En réponse, les innovateurs du monde entier travaillent à remplacer ces matières grâce à des ressources naturelles, des savoirs traditionnels et des techniques avancées de biotechnologie. Les résultats s’avèrent prometteurs.
  • Bien que les entreprises de ce type ne représentent qu’une toute petite partie de la chaîne de production textile, leur nombre a été multiplié par cinq entre 2017 et 2019. Les cadres de marques de vêtements récemment interrogés affirment « souhaiter utiliser ce genre de matériaux dans la fabrication d’au moins la moitié de leurs produits d’ici 2025 ».
  • Ce tournant dans la production et la mentalité d’entreprise intervient alors que la crise du climat s’aggrave ostensiblement. Il peut notamment être relié à la pression exercée par les organismes de défense des droits des animaux et de l’environnement et à la modification de la demande des consommateurs.
  • Pour Carmen Hijosa, créatrice de mode, « les matériaux durables sont essentiels si nous voulons que le secteur de la mode, qui est parmi les plus polluants, se change en une industrie transformatrice, régénératrice et plus humaine, qui se soucie à la fois de l’environnement et des personnes impliquées dans sa chaîne d’approvisionnement complexe ».

Dans un monde interconnecté, les textiles tels que le cuir bovin et la laine de mouton sont une source importante de déforestation, de dégradation des sols, de perte de biodiversité et de changement climatique. Dans le même temps, les élevages d’animaux à fourrure (visons, renards, chiens viverrins et autres animaux sauvages élevés en captivité) posent un risque biologique majeur pour la santé humaine, notamment en ce qui concerne la propagation de zoonoses, dont le Covid-19.

Dans un futur pas si lointain cependant, les biomatériaux textiles à base de végétaux, de pulpe de fruits ou de micro-organismes cultivés en laboratoire pourraient remplacer leurs homologues d’origine animale, dont le cuir, la fourrure et la soie. Ces solutions seraient tout d’abord testées à petite échelle avant d’être progressivement étendues à un usage global.

En réalité, cette tendance est déjà bien partie. En moins d’une décennie, une dizaine de start-ups ont émergé et développé un éventail de biomatériaux qui, en plus de ne pas avoir recours aux animaux, incluent des pratiques durables dans leur chaîne de production.

Toutes ces entreprises, principalement basées en Europe et aux États-Unis, n’ont toutefois pas atteint leurs objectifs. Ce qui ne les empêche pas de continuer à expérimenter et à œuvrer en faveur d’un nouveau modèle dans le monde de la mode. Parmi les découvertes prometteuses, nous retrouvons le cuir synthétique végétalien, confectionné avec du mycélium (la partie végétative et filamenteuse du champignon), et des peaux exotiques faites avec des feuilles de cactus ou d’ananas, des sous-produits de la fabrication du vin, des tiges de bananier ou de l’eau de coco. Il existe également de nouveaux textiles à base d’algues qui peuvent agir comme des puits de carbone, et de la soie végétale fabriquée à partir d’écorces d’orange.

Tuxies, strips of outer leaf sheath, are placed under a stripping knife and pulled through by hand, so the fibers can be extracted and separated.
L’abaca, un bananier originaire des Philippines, est transformé en matériau biodégradable pour la réalisation de vêtements et d’accessoires d’extérieur. La gaine externe de la feuille est coupée en bandes, qui sont ensuite passées à la main sous un couteau spécial afin de séparer les fibres. Image reproduite avec l’autorisation de Sonja Mayrhofer/QWSTION.

Ces alternatives font toutes partie d’une révolution textile durable qui a le potentiel pour habiller aussi bien les amateurs et amatrices de haute couture que ceux et celles de prêt-à-porter.

D’après un rapport intitulé Fashion’s New Must-Have: Sustainable Sourcing at Scale (Le nouvel indispensable de la mode : l’approvisionnement durable à grande échelle) publié en 2019 par le bureau d’étude McKinsey & Company, les matériaux durables ne représentent aujourd’hui qu’une petite fraction de la production textile mondiale, mais ont affiché une impressionnante « [croissance], avec une multiplication par cinq de leur part ces deux dernières années ».

Soixante-quatorze entreprises sont listées dans The State of the Industry Report: Next-Gen Materials (Rapport sur l’état du secteur : les matériaux de nouvelle génération), publié l’an dernier par Material Innovation Initiative (MII), une organisation à but non lucratif californienne qui promeut les matériaux sans produits animaux. Parmi elles, 42 ont été créées depuis 2014, mais dans les faits, elles sont bien plus nombreuses. Des compagnies comme Post Carbon Lab (Royaume-Uni), Chip[s] Board (Royaume-Uni) et SeaWear ne sont en revanche pas mentionnées.

Ces entreprises pionnières de la mode durable ont la particularité d’avoir recours à tout un éventail de disciplines, dont certaines sans lien apparent avec la mode. Ainsi, on retrouve en leur sein des créateurs, des biochimistes, des ingénieurs en génétique et en matériaux, des biologistes ou encore des spécialistes du textile. En outre, elles ne se cantonnent pas au statut de fournisseurs de tissus, de vêtements et d’accessoires, mais sont parvenues à établir des partenariats avec de grandes marques afin de développer leurs recherches et de gagner en envergure. Des prix créés par des conglomérats tels que la Fondation H&M et le Groupe Kering offrent des subventions et une assistance technique aux projets qui en sont à leurs débuts.

A bag made with pineapple biomaterial from the H&M Conscious Collection 2019.
Un sac de la collection Conscious Exclusive 2019 de H&M. La toile est fabriquée avec des biomatériaux à base d’ananas. Image reproduite avec l’autorisation d’Ananas Anam.

Les implications environnementales de la mode durable

L’évolution des biomatériaux durables est en grande partie une réponse au besoin de réduire l’impact environnemental du secteur de la mode, qui est l’un des plus polluants de la planète. « L’industrie de la mode est responsable de 10 % des émissions annuelles de carbone dans le monde, soit plus que l’ensemble des vols internationaux et du transport maritime [et est à l’origine] d’environ 20 % des eaux usées mondiales [qui] proviennent de la teinture et du traitement des tissus » selon la Fondation Ella MacArthur.

Le secteur de la mode peut également être relié à la déforestation en Amazonie. En 2000, 7 % du territoire de l’Amazonie brésilienne étaient exploités pour la production de cuir du pays. Une part qui n’a fait qu’augmenter depuis, atteignant 27 % en 2010, puis 43 % en 2020.

Selon une étude publiée en novembre par l’ONG Slow Factory, plus de 100 marques multinationales « travaillent avec des fabricants et des tanneries qui s’approvisionnent auprès d’entreprises ayant des liens avec le bétail élevé sur des terres amazoniennes récemment déboisées ». Dans cette liste, on retrouve notamment Ralph Lauren, Tommy Hilfiger, Prada, Nike, Zara, H&M, Louis Vuitton, Coach et Tory Burch.

L’élevage de bovins pour fournir de la viande et du cuir au monde entier est l’un des principaux moteurs de la déforestation en Amazonie. Un biomatériau durable qui remplacerait le cuir pourrait aider à renverser cette tendance. Image de Rhett Butler/Mongabay.

Pour Carmen Hijosa, le déclic s’est produit lors de sa visite dans une tannerie philippine, la première en 15 ans de carrière comme créatrice de mode et consultante en maroquinerie de luxe. Depuis, elle ne souhaite plus travailler avec des peaux animales.

Dans le cadre de leur processus industriel, les tanneries doivent empêcher le cuir nouvellement fabriqué de se décomposer en modifiant sa structure protéique. Pour cela, elles utilisent un puissant cocktail chimique contenant des substances potentiellement cancérogènes, notamment du formaldéhyde et des colorants azoïques.

La visite aux Philippines de C. Hijosa en 1993 a lancé sa recherche de solutions de remplacement au cuir. Alors qu’elle était encore aux Philippines, la créatrice espagnole a entendu parler d’une technique traditionnelle locale : l’utilisation des fibres de feuilles d’ananas afin de créer des textiles tissés à la main. C. Hijosa a donc concentré ses recherches sur le potentiel de l’ananas et est retournée sur les bancs de l’école pour étudier les textiles. En 2013, elle a fondé Ananas Anam, une start-up londonienne. L’année suivante, âgée de 62 ans, elle décroche son doctorat. Le résultat de ce voyage, c’est Piñatex, une marque déposée de textile fabriqué à partir de déchets de feuilles d’ananas déjà vendu dans près de 80 pays.

Pour C. Hijosa, « les matériaux durables sont essentiels si nous voulons que le secteur de la mode, qui est parmi les plus polluants, se change en une industrie transformatrice, régénératrice et plus humaine, qui se soucie à la fois de l’environnement et des personnes impliquées dans sa chaîne d’approvisionnement complexe ». « Il est de notre responsabilité, en tant que créateurs et fabricants, de développer des systèmes vivants qui rendent ce changement possible. »

Piñatex a toutefois encore un obstacle à dépasser : si la finition est composée à 50 % de matériaux biologiques, l’autre moitié est faite d’une résine à base de produits pétrochimiques qui servent à renforcer le tissu. Ainsi, Ananas Anam travaille actuellement avec une entreprise de produits chimiques afin de créer une finition intégralement biologique.

Fiber extracted from pineapple leaves, a harvest byproduct, is the starting point of the textile known as Piñatex. Image courtesy of Riikka Juva/Ananas Anam.
Les fibres extraites des feuilles d’ananas, qui sont un sous-produit de la récolte, est le point de départ du textile qu’est le Piñatex. Image reproduite avec l’autorisation de Riikka Juva/Ananas Anam.

Des substituts végétaux au cuir et aux tissus

Après avoir travaillé avec du coton, du chanvre et des fibres de bambou, la marque de vêtement suisse QWSTION a découvert l’abaca, un bananier originaire des Philippines, dont les fibres sont très résistantes. Utilisée par les locaux pour fabriquer des textiles bien avant l’arrivée des Européens au XVIe siècle, « cette fibre a un grand potentiel pour la fabrication de vêtements et accessoires d’extérieur », a expliqué Hannes Schönegger, co-fondateur et PDG de QWSTION, à Mongabay.

Selon lui, l’abaca est produit en permaculture et non en monoculture. La plante pousse donc entourée d’autres espèces. « Il est très souvent cultivé avec des cacaoyers et d’autres espèces qui lui fournissent de l’ombre. [Seules] les tiges latérales sont coupées afin d’extraire la matière première, l’arbre continue donc de pousser pendant 30 à 40 ans. »

Il aura fallu trois ans de recherche en partenariat avec un spécialiste de la laine et un tisserand, tous deux basés à Taïwan, pour créer Bananatex, lancé en 2018. En plus des accessoires déjà fabriqués en tissu biodégradable et vendu dans les magasins phares de QWSTION, d’autres marques et distributeurs partenaires créent des prototypes avec ce « chanvre de Manille ». Selon H. Schönegger, certains de ces produits seront prochainement disponibles à l’achat.

The fiber of the abacá banana plant, cultivated using agroforestry techniques in the Philippines, is extracted from plant stalks to manufacture Bananatex, a material developed by QWSTION. Farmers periodically harvest the stalks from the living plant so it continues growing and producing more fiber for years. Image courtesy of Sonja Mayrhofer/QWESTION.
La fibre de l’abaca, cultivé aux Philippines en utilisant des techniques d’agroforesterie, est extraite des stipes de la plante pour fabriquer le Bananatex, un matériau développé par QWSTION. Les fermiers prélèvent régulièrement les tiges sur la plante vivante plutôt que de l’abattre, elle continue ainsi à grandir et à produire des fibres pendant de nombreuses années. Image reproduite avec l’autorisation de Sonja Mayrhofer/QWSTION.

La marque est également en train de tester des méthodes de teinture ayant recours à des bactéries afin de remplacer l’impression numérique, une technique utilisée pour la fabrication de sacs à main. « Nous essayons d’utiliser les teintures les moins nocives disponibles en quantités industrielles. Toutefois, la teinture est un secteur qui a définitivement besoin d’améliorations, » ajoute H. Schönegger. Les teintures chimiques synthétiques pour textiles sont en effet bien connues pour être des polluants.

L’autre problème majeur de Bananatex, entre autres entreprises, est l’impact environnemental de la chaîne d’approvisionnement de l’industrie internationale de la mode. Dans le cas de Bananatex, la matière première provient des Philippines. Elle est envoyée à Taïwan pour être transformée en textile, lui-même expédié en Chine pour fabriquer les vêtements et accessoires. Ceux-ci seront alors transportés vers l’Europe pour être vendus dans des boutiques physiques ou en ligne. Ce tour du monde génère beaucoup d’émissions de gaz à effet de serre.

« Dans une économie mondialisée, et l’industrie textile est l’une des plus internationales, il vaut mieux produire à proximité de la source des matières premières avant de distribuer le produit [fini]. À cause de cela, Bananatex est né de l’idée de créer une chaîne d’approvisionnement courte en Asie », explique H. Schönegger. « La marchandise doit être transportée à un moment donné. Et si on y regarde de plus près, on se rend compte d’un fait étonnant : transporter un sac à dos de Hong Kong à Hambourg par bateau crée moins de CO2 que de l’acheminer par camion depuis le Portugal. »

The Bananatex life cycle. Image courtesy of QWESTION.
Cycle de vie du Bananatex. Image reproduite avec l’autorisation de QWSTION.

De la fourrure en laboratoire

Les élevages de visons, qui sont dans la ligne de mire des militants pour les droits des animaux, essaient généralement de faire profil bas. Malheureusement pour eux, ils sont sous les projecteurs depuis le début de la pandémie de Covid-19. Le SARS-CoV-2 a en effet infecté les élevages de visons américains et européens en 2020, soulignant le potentiel de ces structures à transmettre les maladies zoonotiques. Un fait qui a amené les épidémiologistes et les experts de la santé publique à appeler à leur fermeture.

« Plus on évite les fortes densités de population animale dans les élevages, plus on réduit le risque de débordement des agents pathogènes [des animaux vers l’humain et de l’humain vers les espèces sauvages]. Or, les conditions de captivité dans les élevages d’animaux à fourrure favorisent souvent de fortes densités. Ainsi, le succès [des solutions alternatives] à la fourrure véritable permettrait d’avoir moins recours aux fermes et de diminuer le risque d’émergence de maladies infectieuses qui les accompagne », explique Michael Oglesbee, directeur du Infectious Diseases Institute de Columbus (Ohio), à Mongabay.

Les solutions de remplacement actuelles sont majoritairement faites de polyester recyclé, une fibre fabriquée intégralement avec du pétrole qui contribue au changement climatique. Pour trouver une option potentiellement plus respectueuse de l’environnement, il faut regarder du côté de Koba, une marque de l’entreprise chinoise Ecopel. Sa fourrure synthétique utilise des fibres produites par le géant de la chimie DuPont. Elles sont fabriquées à partir de sous-produits du maïs résultant de la production de biocarburants et d’acide téréphtalique dérivé du pétrole. Ecopel revendique une réduction de 63 % des émissions de gaz à effet de serre pour la confection de sa fourrure synthétique. Contactée par Mongabay, l’entreprise s’est toutefois refusée à tout commentaire.

Certaines start-ups ouvrent quant à elles la voie de la fabrication de fausse fourrure au travers de procédés biotechnologiques. Il s’agit donc de modifier des organismes vivants afin de développer un éventail de produits. On retrouve parmi ces entreprises la Néerlandaise GENEUSBIOTECH, fondée en 2017 par l’entrepreneur en série Henri Kunz et Maria Zakurnaeva, une vétérante de l’industrie de la mode.

La révélation de M. Zakurnaeva est intervenue lorsque H. Kunz et Sundar Pattabirman, un chercheur, sont parvenus à produire des follicules de cheveux humains en laboratoire. « Pourquoi ne pas utiliser cette technologie pour fabriquer de la fourrure, et ainsi éviter des morts animales ? » s’est-elle demandé. L’équipe de recherche a alors étendu son sujet d’étude et développe désormais de la laine sans mouton. La fourrure et la laine de l’entreprise sont produites sous la marque FUROID.

A protester in New Hampshire, U.S., in 2019, as part of Fur Free Friday, an event held the day after Thanksgiving in which organizations across the nation demonstrate against the use of animal fur.
Un militant au New Hampshire (États-Unis) en 2019 à l’occasion du vendredi sans fourrure, un événement qui a lieu le lendemain de Thanksgiving au cours duquel les associations manifestent contre l’utilisation de fourrure animale. Image reproduite avec l’autorisation de Kristina Snyder/NHCART.

« Nous en sommes à un stade où nous avons produit des organoïdes, une masse de tissus en trois dimensions, en cultivant des cellules souches pluripotentes induites (CSPi) », explique S. Pattabirman, directeur scientifique de FUROID, à Mongabay. « Ces cellules ont proliféré pour former des protubérances ressemblant à des cheveux. Mais des recherches plus approfondies doivent être menées pour faire avancer ce projet en termes de reproductibilité et pour [le développer à] plus grande échelle. »

Ce procédé utilise des cellules souches, desquelles proviennent toutes les autres cellules plus spécialisées du corps, qui sont prélevées chez des visons et des mérinos vivants par biopsie. L’étape suivante consiste à cultiver ces cellules et à les reprogrammer pour en faire des CSPi afin de créer des follicules pileux.

« Après approbation d’un comité d’éthique, nous réalisons tout au plus cinq biopsies par animal sous la supervision d’un vétérinaire, qui prend en charge l’anesthésie. Tous les animaux sont gardés comme animaux de compagnie et sont encadrés par du personnel expérimenté. Nous possédons cinq moutons dans une ferme universitaire en Nouvelle-Zélande, ainsi que cinq visons. C’est assez pour avoir une source illimitée de lignées cellulaires », affirme H. Kunz. « L’espérance de vie de nos animaux donneurs est élevée, surtout en ce qui concerne les moutons, et nous ne ménageons pas nos efforts et les coûts nécessaires à leur offrir la meilleure vie possible, qu’ils méritent. »

GENEUSBIOTECH rapporte également que son projet FUROID a reçu une subvention Horizon Europe de plus de 4 millions d’euros de la part de l’Union européenne et qu’il est soutenu financièrement par un investisseur providentiel, ainsi que la famille et les amis de ses concepteurs. En outre, l’entreprise est en pourparlers avec des acteurs du secteur afin de trouver des investisseurs potentiels. À long terme, l’entreprise souhaite élargir sa production de biomatériaux à d’autres espèces, dont les zibelines, les renards et les crocodiles.

What was once considered pineapple production waste is now converted into a leather-like material for the fashion industry.
Ce qui était auparavant considéré comme des déchets de la production d’ananas est désormais reconverti en simili cuir pour l’industrie de la mode. Image reproduite avec l’autorisation de H&M/Ananas Anam.

Les merveilles de l’océan au service de la mode

Pour Mike Allen, maître de conférences au College of Life and Environmental Sciences de l’Université d’Exeter (Royaume-Uni), les espèces marines deviennent aussi une source durable de textiles.

« Les microbes marins […] ont évolué dans les océans pendant plus de mille milliards d’années avant [qu’ils ne le fassent] dans un environnement terrestre. Grâce à cela, les océans fourmillent de diversité métabolique, ce qui peut offrir des solutions à beaucoup de nos problèmes présents et futurs. Vous avez un problème ? Il existe un microbe qui pourra vous aider à le résoudre », affirme-t-il à Mongabay.

Le biotechnologue marin a expliqué les avantages des méthodes de production biologiques par rapport aux modes plus traditionnels : « Les procédés de [production] physiques nécessitent généralement beaucoup d’énergie (chaleur et pression), tandis que les procédés chimiques dépendent des produits synthétiques de base en gros [qui peuvent être toxiques]. En conséquence, les textiles du secteur de la mode sont, par essences, limités.

Les solutions biologiques, quant à elles, sont naturellement plus intelligentes », explique-t-il. « Elles exploitent les organismes vivants, qui vont faire le gros du travail avec un apport énergétique inférieur à celui de la fabrication mécanique. D’autant que ces organismes possèdent des propriétés que vous pouvez contrôler et adapter à votre application particulière. Résistance, adhérence, biodégradabilité, imperméabilité, couleur, luminescence, fluorescence, autonettoyage, autoréparation, autoéclairage : vous n’êtes limité que par votre [propre] imagination. ».

Il existe de nombreux autres exemples d’initiatives en matière de biomatériaux dans la mode menées par des entreprises privées dans le monde entier. Voici quelques exemples innovants :

Peaux exotiques et cuir végétaliens :
Mylo (U.S.): (États-Unis) : La société de biotechnologie Bolt Threads a mis au point un textile dérivé du mycélium, la structure de la racine des champignons, transformé en feuilles semblables à du cuir. Mylo est certifié biosourcé à hauteur de 50 à 80 %, malgré l’emploi de produits chimiques pour le tannage et la teinture.
Desserto (Mexique) : Dans l’État de Zacatecas, l’entreprise Adriano Di Marti cultive le figuier de Barbarie (un cactus), qui sert de matière première à un nouveau matériau lancé en 2019. Gorgés d’eau de pluie, les cladodes (ou « raquettes ») sont simplement coupés deux fois par an et aucun produit chimique toxique n’est utilisé dans la transformation.
Vegea (Italie) : Depuis 2016, cette entreprise récupère les peaux, rafles et pépins de raisin jetés lors de la production de vin pour fabriquer du cuir végétal. D’après le site internet, aucun solvant toxique ou métal lourd n’est utilisé.
Malai (Inde) : Cette entreprise recueille l’eau de coco rejetée par les usines qui n’utilisent que la chair blanche du fruit tropical. Ce liquide naturel, autrefois rejeté dans le système d’égout local, causant une acidification destructrice du sol, est désormais stérilisé et sert de nourriture à une culture bactérienne. Ce processus de culture provoque la formation d’une couche de gelée de cellulose, qui est ensuite renforcée par des fibres naturelles et des ingrédients résineux, pour obtenir un produit similaire au cuir.

Fils et pièces moulées :
Alga-Life (Allemagne) : Fondée en 2016, cette entreprise fabrique des fils et des teintures textiles en purifiant les protéines des algues, qui sont ensuite mélangées à des ingrédients naturels tels que de l’écorce de grenade et des aiguilles de genévrier. Ce système ne requiert que de la lumière naturelle et de l’eau pour fonctionner et le procédé ne produit pas de déchets.
MycoTEX (Pays-Bas) : NEFFA fabrique des pièces personnalisées en cultivant un mycélium textile compostable qui, une fois récolté, peut être façonné dans un moule en 3D pour obtenir des vêtements finis. Une fois sec, l’habit est prêt à être porté, éliminant une grande partie des étapes de fabrications traditionnelles telles que la filature ou le tissage. Le procédé n’utilise que 0,5 % de l’eau consommée par la production de coton.

Laine végétale :
WOOCOA (Colombie) : Un groupe d’étudiants de l’Université des Andes, à Bogotá, a développé un substitut pour la laine qui est 100 % biodégradable. En 2018, ils ont ainsi remporté le Biodesign Challenge, organisé par la créatrice Stella McCartney et l’association PETA, pour leur laine végétale. Ils ont utilisé des fibres de noix de coco et de chanvre, traitées avec des enzymes extraites de pleurotes en huître, afin de créer une laine biosourcée régénérative sans animaux.

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Les consommateurs à l’origine du mouvement de la mode durable

Comme c’est le cas pour tous les secteurs, c’est la demande des consommateurs et les profits qui ont motivé la transition entre l’utilisation de matériaux animaux vers des alternatives végétales ou biologiques.

Ce virage en épingle dans les souhaits des consommateurs est clairement ressorti dans l’actualité récente. Par exemple, en 2021, après plus de 25 ans de partenariat, le concours de Miss New Hampshire a mis fin à son partenariat avec l’Association des trappeurs du New Hampshire, un promoteur du piégeage qui a longtemps offert un manteau de fourrure à la première dauphine.

« D’anciennes participantes se sont publiquement exprimées au sujet de l’obligation d’accepter un manteau de fourrure, qui faisait partie du prix de la gagnante. Cette tradition désuète n’a fait qu’aider à perpétuer l’usage des pièges à mâchoires, qui sont toujours autorisés dans l’État », nous explique Kristina Snyder, une militante des droits des animaux et co-créatrice du site internet New Hampshire Citizens Against Recreational Trapping (NHCART).

Au niveau global, le magazine de mode Elle a annoncé la même année qu’il bannissait la fourrure de ses 45 éditions, imprimées ou en ligne. D’après la vice-présidente et directrice internationale du magazine, Valeria Bessolo Llopiz, « un avenir sans fourrure est une excellente opportunité de sensibiliser sur la question du bien-être animal, soutenir la demande d’alternatives durables et innovantes et promouvoir une industrie de la mode plus humaine. »

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Image de bannière : Fibres servant à la conception du Piñatex dans leur phase de séchage. Les fibres de feuilles d’ananas sont très flexibles et ont une grande résistance à la traction. Image reproduite avec l’autorisation de Riikka Juva/Ananas Anam.

Référence :

Lellis, B., Fávaro-Polonio, C. Z., Pamphile, J. A., & Polonio, J. C. (2019). Effects of textile dyes on health and the environment and bioremediation potential of living organisms. Biotechnology Research and Innovation3(2), 275-290. doi:10.1016/j.biori.2019.09.001

 
Article original: https://news.mongabay.com/2022/04/sustainable-fashion-biomaterial-revolution-replacing-fur-and-skins/

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