Nouvelles de l'environnement

Les forêts primaires du Nord-Ouest Pacifique pourraient être essentielles à l’action climatique

  • Les forêts côtières tempérées sont parmi les écosystèmes les plus rares de la planète, et plus d'un tiers de leur surface mondiale se trouve sur une étroite bande de terre du nord-ouest de la côte Pacifique à cheval sur les États-Unis et le Canada. Ces forêts sont les plus vastes réserves de biodiversité et de carbone en dehors des tropiques, elles sont donc essentielles à la séquestration du carbone.
  • « La diversité de la faune sauvage autour de nous est extrêmement rare, » explique un spécialiste de l'écologie forestière à Mongabay pendant notre marche dans le Parc national Olympique. « C'est tout un écosystème. Et il n'en reste pas grand-chose ici sur la péninsule Olympique ou juste au nord en Colombie Britannique. »
  • La Colombie Britannique a pris une décision inattendue en 2016 en établissant l'Accord de la forêt pluviale du Grand Ours, protégeant ainsi 6,4 millions d'hectares de forêt primaire côtière. Mais dans le reste de la province, 97% de toute la forêt ancienne a été abattue pour le bois de construction et les pellets. Aux États-Unis, la protection en dehors du parc national Olympique est faible.
  • De nouvelles mesures de protection ont été promises, mais le déboisement continue à un rythme soutenu. Les Nations unies affirment que le monde doit réduire drastiquement ses émissions de carbone dès aujourd'hui et les scientifiques font pression sur le gouvernement Biden en vue de créer une Réserve nationale stratégique de carbone pour sauver du déboisement 20 millions d'hectares supplémentaires de terres fédérales de forêts adultes.

PARC NATIONAL OLYMPIQUE, USA — En marchant le long de Barnes Creek, au milieu des pruches, cèdres rouges et pin de Douglas centenaires impressionnants de hauteur, Dominick DellaSala me montre le lichen, qui pend comme de la mousse espagnole des branches qui surplombent notre chemin.

« Respirez bien fort », me dit-il. « Vous sentez ça ? » L’odeur est vive et rafraîchissante, un parfum de verdure luxuriante de fin de juillet sur la péninsule Olympique. « Le lichen est comme le canari dans la mine de charbon pour la pureté de l’air. Ici, tout ce lichen nous dit que nous sommes dans une zone de bon air pur. Il prospère dans cet air pur. Tout comme de nombreuses autres espèces, en conséquence. »

J’ai retrouvé Dominic DellaSala, un spécialiste de l’écologie forestière, sur son terrain d’étude depuis toujours, l’un des plus rares écosystèmes forestiers sur Terre : une forêt pluviale côtière tempérée ancienne, qui s’étire sur une étroite bande de terre le long du Pacifique, depuis le sud de San Diego, en Californie, à travers l’Oregon et l’État de Washington, jusqu’en Colombie Britannique et sur la côte de l’Alaska.

Mon guide regarde vers le haut, émerveillé, et explique l’interdépendance entre la flore et la faune : « Les branches de ces grands arbres accumulent de la mousse et du lichen pendant des années, des siècles. Elles abritent des écosystèmes entiers, invisibles à nos yeux. Vous pouvez trouver un amphibien au sommet du pin de Douglas, qui vit toute sa vie sur une seule branche. On peut avoir un rongeur qui va faire d’un seul arbre son territoire. On peut aussi trouver un guillemot marbré, une espèce d’oiseau de mer menacée, qui aura fait son nid dans du lichen dans la fourche d’une branche au sommet de la canopée. »

L’ombre de ces arbres permet au saumon, régionalement surpêché, et peut-être l’espèce la plus menacée de cette forêt, de nager dans des eaux fraîches, de mourir naturellement et de se décomposer, fertilisant ainsi ces géants des bois ou servant d’alimentation aux ours, aux aigles et aux loups.

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« Nous marchons là dans un paysage préhistorique qui existe depuis au moins la fin de la période glaciaire du Pléistocène, il y a 10 000 ans », m’informe mon guide. « Ces vieux arbres ont accumulé d’énormes quantités de carbone dans leurs troncs et dans le sol, agissant comme une éponge qui absorbe les gaz à effet de serre de l’atmosphère, permettant le refroidissement de la planète. La diversité de la vie qui nous entoure est extrêmement rare. C’est tout un écosystème. Et il n’en reste pas grand-chose ici sur la péninsule Olympique ou juste au nord en Colombie Britannique. »

Alors que l’humanité subit l’un des pires étés jamais enregistrés en termes de catastrophes climatiques dans le monde, et que le GIEC des Nations unies publie son rapport le plus alarmant à ce jour, j’ai invité Dominic DellaSala, ancien président de la Society of Conservation Biology, à se joindre à moi pour cette randonnée et pour discuter de la valeur des forêts primaires.

Qu’est-ce qui est en jeu dans la protection de ce qui reste ? Comment les politiques gouvernementales des deux côtés de la frontière USA-Canada peuvent-elles faire plus pour préserver ces forêts, peut-être le moyen le plus efficace que nous ayons pour ralentir le taux alarmant du réchauffement climatique : en laissant de vieux et grands arbres continuer à vieillir et à grandir dans de vastes écosystèmes encore intacts ?

Les pins de Douglas sont parmi les plus vieux et les plus hauts des arbres du Parc National Olympique. Celui-ci est chargé de lichen, qui ne nuit en rien à l’arbre mais qui fournit de la nourriture et un habitat pour les oiseaux, les petits mammifères et les amphibiens. Un lichen en bonne santé est le signe d’un écosystème forestier sain. Photo Ted Grudowski.
Carte de la côte nord-ouest : les forêts pluviales côtières tempérées, parmi les écosystèmes les plus rares de la planète et parmi les plus denses en carbone, s’étirent le long de la côte du Pacifique, depuis le nord de la Californie jusqu’à la péninsule de l’Alaska. Carte (à gauche) par Dominick DellaSala et Island Press / photo (à droite) de John Schoen.

Le souvenir de la chouette tachetée

La chouette tachetée du Nord n’est pas le canari dans la mine de charbon, mais au début des années quatre-vingt-dix, aux États-Unis, elle fut un signe précurseur (selon le point de vue) pour le déboisement effréné dans le Nord-Ouest Pacifique, ou pour les écolos qui mettaient la valeur d’un petit oiseau au-dessus de milliers de personnes dépendant de l’exploitation commerciale de la forêt.

En réalité, le problème était bien plus complexe. Les coupes à blanc étaient alors si intensives, et les habitats forestiers et aquatiques si dispersés et perturbés que de nombreuses espèces se sont trouvées proches de l’extinction, dont la chouette tachetée. Le ruissellement et les glissements de terrain endommageaient les bassins versants et les cours d’eau. Les cours d’eau cruciaux à la survie des saumons étaient menacés. Le climat n’était pas une priorité à l’époque, mais la protection de l’environnement en était une. Tout comme la qualité de l’air et de l’eau.

En 1994, le gouvernement Clinton mit en œuvre le Northwest Forest Plan comme un moyen de sortir de l’impasse et de gérer efficacement les terres fédérales dans les limites du territoire de la chouette tachetée. Aujourd’hui, cette série de mesures réglemente l’utilisation des terres sur près de 10 millions d’hectares qui s’étirent du nord de la Californie jusqu’à l’État de Washington. Le déboisement des forêts primaires fédérales n’a pas été interdit, mais il a été réduit.

« Nous avons fait du bon travail à l’époque, » se souvient Dominick DellaSala, « mais nous n’avons pas fini le travail. Le déboisement continue à un rythme sans précédent. Des millions d’hectares sont encore vulnérables. Et désormais nous comprenons que ce n’est pas juste la protection des espèces comme la chouette tachetée ou le saumon qui est nécessaire, mais c’est plutôt la forêt primaire préservée comme puits de carbone dont nous avons désespérément besoin pour lutter contre le changement climatique. »

« La chouette tachetée du Nord est un être magique », affirme John Talberth, directeur du Center for Sustainable Economy. « Elle représente le destin de milliers d’espèces qui ont besoin de vraies forêts pour survivre, et non de plantations d’arbres. Malheureusement, la chouette tachetée est à nouveau poussée vers l’extinction par le genre de pratiques d’exploitation forestière industrielle que nous avons constatées sur le terrain depuis des dizaines d’années : des coupes à blanc, des routes pour les grumiers et des plantations d’arbres qui ne ressemblent que fort peu aux forêts qu’elles remplacent. » Image FotoshopTofs via Pixabay.

Une frontière qui fait toute la différence

Néanmoins, un peu plus au nord, en Colombie Britannique, la province majoritairement forestière a pris une décision inhabituelle en 2016. Elle a plié face à la pression des défenseurs de l’environnement et a mis en place l’Accord de la forêt pluviale du Grand Ours, qui concerne 6,4 millions d’hectares de forêt primaire tempérée le long de la côte Pacifique. Quelques 85 % de cette forêt sont désormais interdits au déboisement. C’est un succès majeur, quoique limité, pour l’environnement.

Mais la province canadienne n’a pas fait grand-chose d’autre avant ou après cette mesure pour protéger son patrimoine forestier ancien. La Colombie Britannique, qui fait quatre fois la superficie de la Californie, est bien plus exploitée aujourd’hui pour son bois et pour les pellets exportés comme bioénergie que le nord-ouest des États-Unis. Des études de l’année dernière basées sur les données de la province indiquent que, à l’exception de 3 % de la forêt, la totalité des arbres les plus grands et les plus anciens ont été abattus pour le bois ou pour les pellets.

C’est pourquoi les environnementalistes canadiens ont campé pendant des mois en 2021 pour protéger Fairy Creek. Avec moins de 2 000 hectares, c’est le dernier lambeau de forêt primaire du bassin versant méridional de l’île de Vancouver. 20 % de cette surface sont ouverts à l’exploitation et le gouvernement provincial a récemment accepté de retarder le déboisement et la construction de routes à Fairy Creek pour deux ans, mais les protestataires réclament toujours une protection totale et permanente.

Des grumiers transportant des troncs de cèdre rouge, d’épicéa, de pruche et de sapin sont un spectacle courant sur les autoroutes qui entourent le Parc National Olympique. Les compagnies forestières de l’État de Washington possèdent un tiers des terres boisées de l’État et emploient plus de 100 000 personnes. Photo Justin Catanoso.
L’Accord de la forêt pluviale du Grand Ours de 2016 est l’une des rares victoires des écologistes en Colombie Britannique. Il protège 6,4 millions d’hectares de parcs dont 85 % sont interdits à l’exploitation. « La forêt du Grand Ours est peut-être hors d’affaire mais quasiment tout le reste de la Colombie Britannique court au désastre », affirme Dominick DellaSala. Photo Travel with Kat via VisualHunt.

Sonia Fursteneau, la dirigeante du parti des Verts de Colombie Britannique, m’a parlé de son déplacement à Fairy Creek l’année dernière pour soutenir les manifestants : « Pour arriver là-bas, vous traversez sans cesse des coupes claires tout autour du site. Vous arrivez ensuite dans une forêt intacte comme celle-ci et vous vous sentez changé par votre simple présence. Vous êtes entouré par une abondance de vie. Vous vous en trouvez changé. Mais pour y parvenir, vous devez passer à travers un paysage de mort. À cause des coupes claires, il ne reste aucune vie. »

Dominick DellaSala et sa collègue Michelle Connelly de Conservation North ont récemment conduit une étude sur les effets du déboisement sur la forêt pluviale tempérée continentale particulière à la Colombie Britannique, avec ses cèdres de plus de mille ans. Seulement deux autres forêts pluviales tempérées continentales existent dans le monde, toutes deux en Russie. Les chercheurs ont conclu que la forêt pluviale tempérée de Colombie Britannique sera détruite d’ici neuf à 18 ans si le rythme de déboisement actuel continue.

Le risque d’extinction touche une multitude d’espèces de lichen, le caribou des montagne, de nombreux poissons et oiseaux. En jeu également, une réserve de stockage du carbone irremplaçable, un écosystème générateur de pluie dans une province sèche ravagée par les incendies de cet été.

Aigle à tête blanche perché sans une forêt primaire de l’île de Vancouver. Les forêts pluviales côtières tempérées du Nord-ouest Pacifique abritent une biodiversité incroyable, avec des milliers d’espèces de mammifères, d’oiseaux, d’amphibiens, de poissons et de crustacés. Photo Nick Kenrick.. via VisualHunt.com.

La mort est source de vie dans une forêt intacte

Aux États-Unis, le Parc National Olympique, avec ses écosystèmes variés de chaque côté des montagnes Olympiques, inhabituellement dépourvues de neige, s’étend sur plus de 3 730 kilomètres carrés, avec 2 500 kilomètres de rivières et cours d’eau. Créé en 1938, le parc protège l’une des plus vastes étendues de forêt primaire pluviale tempérée des États-Unis. Il abrite également quelques unes des plus grandes rivières à saumon. Il est totalement protégé. Près de 2,5 millions de visiteurs randonnent chaque année dans cet univers féérique naturel, une source de revenu considérable pour l’économie locale.

Il reste néanmoins une oasis. Dominick DellaSala explique : « Si vous regardez une image de la péninsule sur Google Earth, vous voyez une grosse tache vert émeraude sur la carte, c’est le parc. Si vous zoomez sur les alentours, ça commence à ressembler à du gruyère sur les bords. Des coupes claires le long des limites, bon nombre d’entre elles dans des zones de forêt primaire ou ancienne. Sans le parc national, toute la péninsule aurait cet aspect. »

On peut trouver le saumon Kokonee dans les cours d’eau du Parc National Olympique. « Le saumon est la clé de voûte de cet écosystème, il lui donne sa stabilité », ajoute Dominick DellaSala. « Il est extrêmement important dans la chaîne alimentaire de la forêt, et relie les habitats terrestres, aquatiques et marins. Ces rivières à saumon emblématiques de la région ont été épuisées par la surpêche et par les eaux plus chaudes en raison de la déforestation. » Photo AdititheStargazer via Visualhunt.

Jouant l’avocat du diable, je demande : pourquoi devons-nous protéger ces endroits ?

« Pourquoi ? Vous plaisantez ? » me répond-il. « Il s’agit de notre patrimoine biologique. Seigneur, nous devons les protéger car ils purifient notre air, ils filtrent l’eau que nous buvons. Ils abritent une biodiversité inimaginable, dont de nombreuses espèces rares et menacées. Vous n’avez rien de tel dans des paysages déboisés. »

Alors que nous progressons dans la forêt, à travers un épais sous-bois peuplé d’angélique épineuse et de fougères à épée presque aussi grandes que nous, je ne peux m’empêcher de remarquer d’énormes arbres tombés naturellement. Des arbres qui ont vécu pendant des siècles et qui se décomposent depuis à peu près aussi longtemps, avec l’aide des champignons, des mousses et de l’humidité.

C’est ce que l’industrie des pellets de bois désigne sous le nom de « résidus de forêt ». Les représentants de l’industrie de la biomasse affirment que la majorité des pellets produits et brûlés pour la production d’électricité au Royaume-Uni, en Europe et ailleurs proviennent de ces résidus, ce qui selon eux maintient la forêt en bonne santé et leur permet de ne pas couper autant d’arbres vivants.

Dominick DellaSala secoue la tête devant ce qu’il décrit comme une mauvaise compréhension des mécanismes de la forêt et de l’équilibre délicat de la nature, qui, ensemble, travaillent au bénéfice de l’humanité.

Il se penche sur un tronc en décomposition dans le sous-bois, juste au bord du sentier. Il plonge sa main à l’intérieur, mou et humide.

« Il commence à se transformer en terreau avec le processus de décomposition. Touchez. C’est agréable, doux et frais, idéal pour la croissance des semences. Regardez ! Une jeune pousse de pruche sort du flanc de l’arbre mort. C’est peut-être un rejeton de l’arbre qui est mort. Sur un plan écologique, c’est un processus naturel, une forêt qui se régénère elle-même. Quand un arbre meurt, il stimule tout le processus de renouvellement écologique. De la graine à l’arbre adulte et le retour à la terre. C’est une grande boucle, un cycle de vie. »

Quand les bûcherons retirent ce résidu pour la production de pellets de bois, ils volent à la forêt un des ses éléments essentiels. L’industrie prétend que les arbres morts relâchent le carbone en se décomposant, ce qui est exact, tout comme le fait de brûler des pellets de bois, mais ce n’est pas la même chose. Un arbre en décomposition relâche le carbone tellement progressivement que la mousse et les plantes qui poussent dessus absorbe ce qui est relâché, explique mon guide. La combustion de pellets de bois provoque une éruption soudaine d’émissions de carbone, l’équilibre de la nature est bouleversé pour des dizaines d’années.

« Nous ne pouvons pas utiliser l’atmosphère comme décharge à carbone pendant une crise climatique », dit-il.

La mort est un symbole fort de vie dans une forêt primaire. Spécialiste d’écologie forestière, Dominick DellaSala examine un arbre mort séculaire, un tronc nourricier, qui rend les nutriments au sol de la forêt en se décomposant et qui sert de terreau aux plantes qui prennent racine et grandissent pour devenir des arbres adultes en bonne santé. Photo Justin Catanoso.
Forêt primaire et fougères : tout est grand dans une forêt primaire comme celle-ci dans le Parc National Olympique de l’État de Washington. De nombreux arbres mesurent près de 60 mètres de haut, les fougères épée communes dans la région peuvent mesurer jusqu’à deux mètres. Photo Ted Grudowski.

Message au Président Biden : les forêts sont notre réserve nationale de carbone

John Talberth approuve avec enthousiasme cette idée. Il a fait partie d’un panel d’environnementalistes qui a poursuivi en justice, et vaincu, le gouvernement fédéral dans les années quatre-vingt-dix pour sauver la chouette tachetée et son habitat. Aujourd’hui, en tant que nouveau directeur du Center for Sustainable Economy, il sait que le temps presse pour agir.

Dans un entretien avec Mongabay dans un parc proche du détroit de Puget, à Port Townsend, John Talberth me dit que dans l’État de Washington, « l’industrie forestière et ses pratiques de coupes à blanc » sont responsables de la majorité des émissions de gaz à effet de serre de l’État. C’est tout simplement intenable, dit-il.

« Nous devons établir une politique de protection des forêt au niveau national », insiste-t-il. « Nous devons faire ce qu’il faut au niveau mondial. Nous devons faire ce qu’il faut très vite. Nous sommes face à une urgence climatique. Le monde brûle », il est même en train de couler sous les inondations, de fondre, de griller. « C’est pourquoi il nous faut une vision globale, mondiale. Le sommet des Nations unies au mois de novembre, en Écosse, est une excellente opportunité de renverser la vapeur en matière de foresterie durable. »

La Colombie Britannique a un plan solide. Il y a un an, le parti au pouvoir a accepté un rapport détaillé établi dans le seul but (et pour la première fois dans l’histoire de la province) de placer la protection de la forêt et de la biodiversité avant les intérêts de l’industrie du bois. Au désespoir des environnementalistes et de ceux qui s’étaient pris à espérer, le gouvernement n’a toujours pas mis le plan en application et l’abattage continue sans relâche.

Pour leur part, Dominick DellaSala et quelques 200 autres scientifiques tentent de faire accepter leur propre vision pleine d’ambition par le gouvernement Biden : l’établissement d’une Réserve Stratégique de Carbone comme modèle international pour la protection des forêts primaires et pour l’action climatique. L’initiative inclut la protection de 20 millions d’hectares supplémentaires de forêts fédérales adultes, particulièrement dans le Pacifique Nord-ouest, et laisserait les forêts plus jeunes (moins de 80 ans) et les plantations de futaies pour répondre à la demande de bois.

Une coupe claire près du Mont Rainier. L’État de Washington est un patchwork de forêts de plus en plus déboisées et de plantations qui aident à satisfaire la demande mondiale de produits du bois. Alors que le Department of Natural Resources de Washington commence à protéger les forêts primaires sur les terres appartenant à l’État et ouvertes à l’industrie forestière, des arbres centenaires, qui absorbent le carbone, et la biodiversité de leurs habitats, sont encore abattus et bouleversés en pleine urgence climatique. Image by Ted Grudowski.
Le parc national Olympique et les zones exploitées autour de ses frontières.

Proposé à l’instar de la Réserve Stratégique de Pétrole des États-Unis, la Réserve Stratégique de Carbone serait financée et réattribuant les fonds publics pour le pétrole et du gaz à la protection des forêts pour ensuite simplement les laisser remplir leur fonction naturelle en se développant : absorber et séquestrer les gaz à effet de serre, et exhaler de l’oxygène.

L’industrie forestière aurait encore d’abondantes ressources. Elle possède en effet un tiers des terres boisées de l’État de Washington, ce qui représente 70% de sa récolte annuelle. L’industrie aurait toujours des terres fédérales et de l’État à exploiter, mais en moindre quantité, les forêts primaires étant virtuellement interdites à l’exploitation.

Tandis que nous marchons, Dominick DellaSala me dit que les arbres centenaires au-dessus de nous sont incroyablement denses en carbone. En fait, me dit-il, ils séquestrent plus de carbone par hectare que les forêts pluviales des tropiques, même si les forêts tropicales retiennent plus de carbone globalement en raison de la différence de superficie. En effet, les États-Unis possèdent certaines des forêts les plus denses en carbone dans le monde, concentrées sur la côte ouest et s’étirant des séquoias de Californie aux forêts pluviales tempérées de l’Alaska.

« Nous voulons faire réfléchir le gouvernement Biden à l’objectif suivant, » explique Dominick DellaSala : « Un réseau de réserves de carbone qui couvrirait le pays, comprenant les grands arbres qui absorbent et séquestrent le plus de carbone. »

Une telle mesure permettrait aux États-Unis d’atteindre les objectifs ambitieux de réduction des émissions du président Biden pour 2030 et repositionnerait le pays dans un rôle de leader alors même qu’il rejoint l’Accord de Paris après le retrait du Président Trump. Elle apporterait également un modèle aux autres pays pour la protection de leurs réserves de carbones encore vulnérables, permettant de ralentir le réchauffement climatique pendant la période de transition pour sortir des énergies fossiles.

Approchant la fin de notre randonnée, mon guide et moi prenons un chemin pour sortir du Parc National Olympique. Nous avons couvert beaucoup de terrain, physiquement et en matière d’écologie. Je lui pose une dernière question, qui prend une connotation spirituelle.

« Comment je me sens quand je pénètre dans ces forêts ? C’est comme entrer dans une cathédrale », me répond-il. « Je suis dans cette œuvre d’art, cette œuvre de toute beauté qui est le résultat de millions d’années d’évolution et de connexion entre l’humain et la nature. C’est inspirant. Et ça me donne l’espoir que d’autres le verront aussi et feront tout ce qui sera possible pour la protéger de la destruction. Quand vous possédez quelque chose d’aussi rare, il faut faire tout votre possible pour assurer sa présence pour les générations futures. »

Piste Hall of Mosses, forêt pluviale de Hoh, Parc National Olympique, État de Washington, U.S. Photo Tjflex2 via Flickr (CC BY-NC-ND 2.0).

Justin Catanoso écrit régulièrement pour Mongabay. Il enseigne le journalisme à la Wake Forest University en Caroline du Nord. Vous pouvez le suivre sur Twitter : @jcatanoso @jcatanoso.

Image de bannière : Parc National Olympique, par Matt Shiffler Photographie via Flickr (CC BY-NC-SA 2.0).

Article original: https://news.mongabay.com/2021/09/old-growth-forests-of-pacific-northwest-could-be-key-to-climate-action/

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