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Le passé, le présent et l’avenir des tourbières du Congo : 10 éléments à retenir de notre série

Cet article est l’article de synthèse de notre série en quatre parties « Les tourbières du bassin du Congo ». Lire la première partie, la deuxième partie, la troisième partie et la quatrième partie.

Dans la première moitié de décembre, Mongabay a publié une série en quatre parties sur les tourbières du bassin du Congo. C’est seulement en 2017 qu’une équipe de scientifiques congolais et britanniques a découvert qu’une zone humide tentaculaire appelée la Cuvette centrale s’étalant le long de la frontière entre la République du Congo et la République démocratique du Congo (RDC) contenait une énorme quantité de tourbe. Leur cartographie par satellite et leur vérification au sol ont révélé que ces tourbières couvrent une surface de la taille de l’Angleterre et sont les plus grandes et les plus intouchées dans les tropiques.

Mais comment sont-elles apparues ? Pourquoi sont-elles aussi importantes ? Et quel est l’avenir des tourbières du bassin du Congo ?

Notre série sonde en détail ces questions et plus encore, présentant les recherches en cours et examinant les menaces qui pourraient perturber, dégrader ou même détruire cet écosystème unique. Voici 10 éléments à retenir de notre reportage.

Vue aérienne de la rivière Monboyo et de la forêt de tourbières du Parc national de la Salonga en République démocratique du Congo (DRC). Image © Daniel Beltrá/Greenpeace.
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1. Les tourbières du bassin du Congo contiennent plus de 30 milliards de mètres cubes de carbone.

Depuis au moins 10 000 ans, de la matière organique s’accumule dans cette partie de l’Afrique centrale couche après couche. De l’eau provenant des ruisseaux et rivières des environs et des précipitations a inondé le sol en continu, ralentissant jusqu’à presque l’arrêter la décomposition qui se produirait normalement dans cette partie de la deuxième plus grande forêt tropicale du monde. Dans le processus, le carbone qui aurait été relâché dans l’atmosphère est resté enfermé sous terre. Ainsi, les tourbières offrent un bénéfice invisible, mais crucial en empêchant ce carbone d’aller réchauffer davantage le climat mondial.

Des chercheurs ont calculé que les tourbières contiennent une quantité de carbone correspondant à environ deux tiers de celle contenue dans les arbres de la totalité de la forêt tropicale du Congo sur seulement 4 % de la surface. Ces 30 milliards de mètres cubes correspondent à peu près à la quantité de carbone produite par l’économie mondiale en trois ans.

2. Les tourbières de la Cuvette centrale abritent également des communautés humaines.

Des populations vivent à l’intérieur et autour des tourbières depuis des siècles. Ils dépendent de ces forêts de zones humides pour le bois, la santé et la nourriture provenant des fruits et de la pêche, pour ne citer que quelques-unes des ressources offertes par les tourbières. Malgré, ou en fait peut-être en partie à cause de, leur utilisation de la forêt, ces populations semblent n’avoir causé que peu de dégradation des tourbières jusqu’ici. Ces tourbières sont considérées comme les mieux conservées sous les tropiques, et des études sont en cours pour comprendre comment les populations de la zone les utilisent de façon durable.

Des membres de la population accueillent l’équipe de l’expédition internationale. Image © Kevin McElvaney/Greenpeace.

3. Showstopping wildlife, along with diverse plant species, live in the peatlands.

Les tourbières sont isolées et très difficiles à traverser pour des humains. Cela a fait de cette zone un refuge pour un extraordinaire éventail d’animaux, dont de nombreuses espèces sont menacées. Des éléphants de forêt (Loxodonta cyclotis), des chimpanzés (Pan troglodytes), des bonobos (Pan paniscus) et des gorilles des plaines de l’ouest (Gorilla gorilla gorilla) habitent dans les forêts des tourbières.

Des relevés réalisés par le botaniste de l’Université de Kisangi, Corneille Ewango et d’autres ont également mis au jour une incroyable variété de plantes. Dans une seule section de tourbière, Ewango et ses collègues ont trouvé 110 espèces. « Et nous en trouvons encore d’autres », dit-il.

4. Mais l’exploitation forestière, l’agriculture et l’exploitation minière pourraient perturber et dégrader les tourbières du bassin du Congo.

Aussi intactes qu’elles le soient, les tourbières figurent également dans les plans de développement de la République du Congo et de la RDC. Des concessions pour l’agriculture, l’exploitation forestière ou du pétrole et du gaz couvrent 80 % de la zone des tourbières, selon l’ONG de protection de l’environnement Greenpeace.

Corneille Ewango de l’Université de Kisangani en RDC explique comment se frayer un chemin dans les tourbières. Image © Kevin McElvaney/Greenpeace.

5. La perspective du pétrole pourrait s’avérer une avenue tentante pour stimuler les économies de la République du Congo et de la RDC.

Une étude de 2019 suggérait que les tourbières pourraient reposer sur un gigantesque bassin de pétrole. Aujourd’hui, on ignore encore quelle quantité, mais des compagnies pétrolières et des cabinets de conseil sont à la recherche d’hydrocarbures en profondeur. Certains indiquent que l’extraction du pétrole serait possible sans trop perturber les tourbières en utilisant des techniques couramment associées aux forages en mer. Mais le danger pour les tourbières posé par la perspective de déversements d’hydrocarbures reste une question ouverte, et la construction des routes nécessaires au transport du pétrole en dehors des tourbières pourrait causer des dommages considérables aux forêts de zone humide.

6. L’exploitation forestière et les plantations agricoles pourraient être catastrophiques pour les tourbières.

Comme l’Asie du Sud-Est est saturée de palmiers à huile en particulier, mais également d’autres cultures industrielles comme le caoutchouc, les producteurs s’intéressent à l’Afrique et à d’autres parties des tropiques pour chercher des terres à cultiver. Mais dégager la forêt et assécher les tourbières pour cultiver des palmiers à huile serait imprudent selon les scientifiques. De grandes surfaces de tourbe ont été données à l’agriculture industrielle en Indonésie, et elles émettent maintenant dans l’atmosphère du carbone qui contribue au réchauffement climatique au lieu de le conserver en sûreté. La pratique a également détruit les écosystèmes complexes que les tourbières soutiennent.

Vue aérienne d’une plantation de palmiers à huile en RDC. Image © Daniel Beltrá/Greenpeace.

7. En 2018, la signature de la déclaration de Brazzaville, appelant à une collaboration internationale visant à protéger les tourbières, entre l’Indonésie, la République du Congo et la RDC a ragaillardi l’optimisme de nombreux scientifiques et défenseurs de l’environnement.

L’accord a ouvert la voie à la protection des tourbières de la Cuvette centrale par les deux Congos avant qu’elles ne soient dégradées ou détruites. Les leçons de l’Indonésie montrent qu’il est bien plus facile de protéger les tourbières et le carbone qu’elles contiennent que de restaurer des écosystèmes de zones humides entiers, un processus qui peut prendre des centaines, voire des milliers d’années. Néanmoins, il y a des avantages à réhumidifier d’anciennes zones de tourbières, notamment l’interruption de la libération de CO2 dans l’atmosphère.

Les trois pays, avec le Pérou, ont formé l’Initiative mondiale pour les tourbières afin de fournir davantage de soutien pour la protection et la restauration.

8. Les dirigeants de la République du Congo et de la RDC disent qu’ils ont besoin de davantage de soutien international pour protéger les tourbières au bénéfice du monde entier.

Les Nations unies et des ONG internationales travaillent pour trouver des moyens de financer le développement économique tout en encourageant également les pays comme la République du Congo et la RDC à protéger leurs forêts et leurs tourbières. Des initiatives comme REDD+ (pour réduction des émissions liées à la déforestation et la dégradation de la forêt dans les pays en développement) pourraient ouvrir une voie vers le renforcement des investissements des pays dans les domaines de l’éducation, de l’emploi et de la santé tout en conservant la forêt sur pieds et les tourbières intactes.

Dans de tels programmes, il est important de faire en sorte que les populations qui vivent dans ces zones en retirent un bénéfice et que leurs droits fonciers soient protégés, a dit le directeur exécutif de la Rainforest Foundation UK, Joe Eisen.

Un agriculteur prépare son champ en RDC. Image © Kevin McElvaney/Greenpeace.

9. Les scientifiques ne savent pas comment le réchauffement des températures affectera les tourbières ou quelles pourraient en être les conséquences plus vastes.

Les scientifiques ne peuvent pas encore complètement prédire l’impact du changement climatique sur les tourbières. D’une part, la hausse de la concentration de CO2 responsable du réchauffement climatique pourrait stimuler la croissance des plantes et donc l’apport principal en matière organique dans le système de la tourbe. D’autre part, les conditions météorologiques changeantes pourraient faire pencher la balance de l’autre côté. Une étude a montré que les tourbières du bassin du Congo doivent en partie leur existence aux schémas pluviométriques régionaux. Si le changement climatique touche à la longueur de la saison des pluies, cela pourrait assécher les tourbières, ce qui les pousserait à devenir une source nette de CO2.

10. La recherche sur les tourbières continue, dans l’espoir qu’en apprendre plus sur le passé de l’écosystème nous en dira plus sur son avenir.

Une équipe de scientifiques de plus en plus nombreux continue à interroger le fonctionnement interne des tourbières sous tous les angles. Certains étudient l’histoire botanique ancienne des tourbières, en identifiant de nouvelles espèces de plantes préservées dans des échantillons de carotte. D’autres essaient de construire des modèles qui imitent la dynamique des tourbières et leur impact sur le budget carbone global qui peuvent ensuite s’intégrer dans des modèles climatiques plus larges. Et une nouvelle étude sociologique a récemment commencé, visant à analyser les relations entre les humains et les tourbières. L’objectif final est de mieux comprendre le rôle que les tourbières jouent aujourd’hui et joueront à l’avenir, pas seulement sur les populations qui vivent aux alentours, mais aussi à l’échelle mondiale.

Pour en apprendre plus sur le projet de recherche, suivez les chercheurs @CongoPeat en temps réel sur Twitter.

Image de bannière : Un groupe de représentants de la République du Congo, de la RDC, du Programme des Nations Unies pour l’environnement et de l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture ont passé en revue la restauration des tourbières en 2018. Image par Ricky Martin/CIFOR via Flickr (CC BY-NC-ND 2.0).

John Cannon est un reporteur titulaire de Mongabay. Retrouvez-le sur Twitter : @johnccannon

Citation:

Dargie, G. C., Lewis, S. L., Lawson, I. T., Mitchard, E. T., Page, S. E., Bocko, Y. E., & Ifo, S. A. (2017). Age, extent and carbon storage of the central Congo Basin peatland complex. Nature, 542(7639), 86-90. doi:10.1038/nature21048

 
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