Nouvelles de l'environnement

La ruée vers les pierres précieuses à Madagascar met une zone humide et sa communauté sous pression

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  • La découverte de pierres précieuses près de la plus grande zone humide de Madagascar a engendré un boom minier qui menace l'environnement et la communauté locale.
  • La commune rurale d'Andilana Avaratra a vu sa population presque doubler car les mineurs y affluent de tout Madagascar à la recherche de béryl, une espèce minérale qui comprend des pierres précieuses comme l'aigue-marine.
  • L'activité minière, qui n'est pas autorisée, a laissé des traces sur une colline et menace de déverser de grandes quantités de sédiments dans le lac Alaotra, un site Ramsar qui abrite des espèces uniques et menacées.
  • La présence des mineurs a également entraîné une recrudescence de la criminalité et des maladies sexuellement transmissibles. La communauté locale ne tire que peu d’avantages de ce boom.

ANDILANA AVARATRA, Madagascar – “Avec un peu de chance, vous pouvez trouver une pierre aussi grosse que votre poing et devenir milliardaire”, déclare Naina, un mineur qui a parcouru 750 kilomètres depuis sa ville natale pour tenter de faire fortune dans un gisement de pierres précieuses récemment découvert dans la commune malgache isolée d’Andilana Avaratra. “Des milliards et des milliards de notre monnaie sont en jeu ici”.

Naina (pseudonyme utilisé) est l’un des 20 000 mineurs potentiels qui se sont rendus sur cette colline broussailleuse et balayée par les vents sur la rive ouest du lac Alaotra, la plus grande zone humide de Madagascar. Fin 2020, des ouvriers qui extrayaient du mica dans les environs ont trouvé du béryl, une espèce minérale qui comprend des pierres précieuses comme l’aigue-marine, très recherchée sur le marché mondial de la bijouterie.

La colline, qui accueillait autrefois un projet de reboisement géré par les écoles locales, surplombe le village, les eaux superficielles et le marais restant du lac. Aujourd’hui, elle est parsemée de trous profonds et recouverte de tentes en plastique improvisées, séparées les unes des autres par des clôtures en roseau brut. Sans installations sanitaires et avec des dizaines de milliers de personnes vivant sur place, la colline empeste les ordures et les déchets humains. Les mineurs y passent tout leur temps, chaque cloison étant occupée par une vingtaine de mineurs qui se relaient pour creuser des tunnels dans la terre.

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“Il y a plus de 1000 excavations à Andilana Avaratra”, affirme Damoela Randriantsimaniry, secrétaire générale de la région Alaotra-Mangoro, où se trouve la commune.

Avant la ruée vers le béryl, Andilana Avaratra comptait 16 000 habitants, dont la plupart vivaient de la culture du riz et de la pêche dans le lac et les zones humides environnantes. Depuis lors, la vie a radicalement changé. Alors que la mine promettait de grandes richesses, les habitants de la commune n’en ont tiré que peu d’avantages. Au lieu de cela, ils ont dû faire face aux retombées sociales et environnementales d’un boom minier illégal et incontrôlé.

Selon Damoela Randriantsimaniry, secrétaire générale de la région où se situe Andilana Avaratra, la mine a entraîné une augmentation du travail des enfants. Image de Rivonala Razafison pour Mongabay.

La ruée vers le béryl

Bien que Madagascar soit un important fournisseur mondial d’aigue-marine et d’autres types de béryl depuis le début du 20e siècle, la carrière d’Andilana Avaratra est la mine de béryl la plus riche jamais découverte dans le pays, déclare Rahajason Andriambololona, directeur régional d’Alaotra-Mangoro du Bureau du Cadastre Minier de Madagascar.

La zone est exploitée pour le mica depuis 2008, mais les pierres précieuses ont été découvertes pour la première fois en novembre et décembre 2020, explique le maire adjoint d’Andilana Avaratra qui, comme beaucoup de Malgaches, porte un seul nom.

Ce sont les ouvriers qui creusaient pour trouver du mica qui ont découvert par hasard le béryl, explique Andriambololona : “Ils ont aperçu des pierres cristallisées à une certaine profondeur dans le sol. Ce fut le point de départ de la découverte du béryl dans cette localité.”

Selon Andriambololona, un gramme d’aigue-marine de haute qualité vaut 3 millions d’ariarys (667 euros), ce qui représente une fortune dans un pays où la majorité de la population vit avec moins de 2 euros par jour.

La découverte a donc déclenché une course effrénée. Au mépris des restrictions de voyage imposées pour stopper la propagation du COVID-19, une multitude de mineurs est arrivée de tout le pays. Ils ont élargi leur recherche de pierres précieuses, allant jusqu’à explorer une falaise surplombant la mairie, l’école et la place du marché. Des pierres de béryl brutes de qualité y ont été déterrées en janvier 2021.

Béryl brut de mauvaise qualité à vendre à Andilana Avaratra. Image de Rivonala Razafison pour Mongabay.

“Notre village s’est subitement retrouvé surpeuplé”, raconte Rakotonarivo. Tout espace disponible était occupé de force par les mineurs, ajoute-t-il. “Les gens ne dormaient ni de jour ni de nuit”.

Cependant, au fil des mois, de nombreux mineurs se sont éloignés, déçus de ne pas pouvoir s’enrichir après tant d’efforts. Selon Rakotonarivo, près d’un quart des nouveaux arrivants sont partis en août, mais d’autres ont persisté.

Pour ceux qui ont réussi, les récompenses pourraient être énormes. “Nos propres estimations montrent que les pierres brutes extraites à cet endroit auraient généré au moins 200 milliards d’ariarys [44 millions d’euros] depuis le début de la ruée”, déclare Sambatra Raveloarison, chef d’un groupe ad hoc créé en mars 2021 par des mineurs travaillant sous contrôle des autorités régionales pour aider à gérer les conflits liés à la mine.

Le Code Minier malgache exige que les mineurs paient des taxes à la commune, à la région et au gouvernement national. Aussi, des études sur l’impact environnemental doivent être menées avant toute activité minière.

Rien de cela n’a eu lieu à Andilana Avaratra.

“Une telle somme d’argent n’a jamais [profité] ni à la localité, ni à la région, ni même à la nation”, affirme Raveloarison. Au contraire, la ruée vers le béryl a eu d’importantes répercussions socio-économiques et environnementales.

Les sites d’extraction de béryl ne se trouvent qu’à quelques kilomètres du lac Alaotra et de ses marais, reconnus comme un site Ramsar, zone humide d’importance internationale. Image de Rivonala Razafison pour Mongabay.

Les zones humides menacées

Les sites miniers ne se trouvent qu’à quelques kilomètres du lac Alaotra et de ses marais, reconnus comme un site Ramsar, zone humide d’importance internationale. Le lac abrite toute une série d’espèces rares, dont les plus célèbres sont les hapalémurs du lac Alaotra (Hapalemur alaotrensis), connu localement sous le nom de bandro, et le Vontsira Durrell (Salanoia durrelli), récemment décrite comme une mangouste. La zone humide a également été l’habitat unique du Fuligule de Madagascar.

Les près de 120 000 hectares de rizières entourant le lac représentent la principale source de riz de Madagascar. Ils engendrent annuellement 360 000 tonnes de riz en moyenne, soit environ 10 % de la production du pays. Mais la zone est soumise à un stress écologique; déforestation, destruction de la forêt de roseaux, surpêche et déclin environnemental dû à la dégradation des sols.

L’activité minière illégale à Andilana Avaratra risque d’accélérer ce déclin, déclare Hortensia Joeline Raheliarivelo, secrétaire générale Alaotra Rano Soa (ARS), organisme régional qui œuvre pour une gestion du lac et des marais plus facile pour les communautés. “La mine se situe à 1 ou 2 kilomètres de la rive du lac”, explique-t-elle. “La loi stipule que tout endroit situé entre 2 et 5 kilomètres du site principal doit être mis sous protection.”

Selon Raheliarivelo, la principale préoccupation est ce qu’il adviendra des tonnes de terre excavées du site minier, en particulier pendant la saison des pluies, de novembre à avril. “En cas de fortes pluies, les sables et la boue se déverseront dans le lac, alors que celui-ci doit être protégé des alluvions provenant des collines”, explique-t-elle. “Si le lac disparait, la vie de la population des environs est également menacée”.

Vue partielle du site minier où le béryl a été découvert fin 2020. Pas moins de 1000 excavations jalonnent la colline. On aperçoit en arrière-plan le village d’Andilana Avaratra, le lac Alaotra et ses environs. Image de Rivonala Razafison pour Mongabay.

Raheliarivelo explique que la désignation Ramsar du lac Alaotra doit être réévaluée prochainement et son organisation craint que le lac ne soit retiré de la liste si le problème persiste.

Outre les menaces qui pèsent sur la pêche et l’agriculture dont ils dépendent pour vivre, les habitants d’Andilana Avaratra ont été confrontés à une multitude de problèmes sociaux à la suite de l’arrivée de milliers de mineurs dans leur communauté.

“Les résidents ont souffert de l’insalubrité, de l’insécurité, des nuisances, de la hausse des prix”, explique Raheliarivelo. “Mais, ils n’ont pas profité de l’exploitation de la mine”.

L’infrastructure sanitaire existante n’a pas pu gérer le quasi-doublement de la population. Le village entier sent mauvais à cause des monticules d’ordures et de la défécation massive à l’air libre.

Véronique Rasoanahasimbolana, directrice d’une école privée locale, affirme que la désintégration de l’ordre public causée par la ruée vers les mines a sérieusement affecté la scolarité durant l’année scolaire 2020-2021. Image de Rivonala Razafison pour Mongabay.

La criminalité sévit également dans les mines anarchiques et leurs environs, affirment les habitants. “Les mineurs ont détruit la clôture pour cambrioler notre propriété”, raconte Véronique Rasoanahasimbolana, directrice d’une école privée locale. Elle dénonce le vol de deux tables et 25 chaises.

Randriamirado, directeur de l’école moyenne publique, affirme que des élèves ont été accostés dans la rue. Début 2021, durant le pic de la ruée vers les mines, des vendeurs ambulants ont bloqué l’accès aux trois écoles d’Andilana Avaratra. Randriamirado et Rasoanahasimbolana affirment que la désintégration de l’ordre public causée par la ruée vers les mines a sérieusement affecté la scolarité durant l’année scolaire 2020-2021. “Etant donné l’incertitude suscitée, [certains] parents n’ont pas laissé leurs enfants aller à l’école”, explique Rasoanahasimbolana. Le maire d’Andilana Avaratra, Tsiriniaina Ruffin Rakotoharison, n’était pas disponible pour une interview.

Des paquets vides de Ceftriaxone, un antibiotique couramment utilisé pour traiter les MST, s’entassent dans les poubelles du centre de santé de base d’Andilana Avaratra, où le personnel de santé dit avoir constaté une recrudescence des MST. Image de Rivonala Razafison pour Mongabay.

La ville a également enregistré une augmentation des cas de maladies sexuellement transmissibles, l’industrie du sexe ayant prospéré avec la présence des mineurs. En août, Mongabay a visité le centre de santé de base (CSB) d’Andilana Avaratra et a pu observer, entassées dans les ordures, plusieurs boîtes vides de Ceftriaxone, l’antibiotique habituellement utilisé pour le traitement de la syphilis et d’autres MST. “Nous n’avions aucun cas de maladies sexuellement transmissibles avant la ruée vers le béryl”, explique Jeannette Razanamanana, une sage-femme qui dirige le centre de santé. Depuis, ajoute-t-elle, “une moyenne de cinq hommes par jour réclament un traitement intraveineux avec ce médicament.”

Le nombre réel de cas est probablement bien plus élevé. “Beaucoup de personnes infectées ne savent pas que le centre de santé existe”, explique Razanamanana. Et comme les antibiotiques et d’autres médicaments sont vendus dans la rue, de nombreux mineurs s’en tiennent à l’autodiagnostic et au traitement. “Ils se dirigent vers nous uniquement lorsqu’ils souffrent de complications”, dit-elle.

Pour les travailleurs du sexe qui ont afflué vers la mine de béryl, un seul client peut leur rapporter jusqu’à 70 000 ariarys (15,60 euros), soit l’équivalent de 10 jours de salaire pour un agriculteur à Madagascar. Jusqu’à présent, aucun cas de COVID-19 ou de VIH n’a été signalé, affirme Razanamanana.

Des étals de fortune envahissent la principale route d’accès à l’est du village d’Andilana Avaratra. Image de Rivonala Razafison pour Mongabay.

Des avantages limités, même pour les propriétaires fonciers

Les propriétaires des terrains situés sur et à proximité du site minier ont tiré quelques avantages économiques de la ruée vers le béryl. Selon le maire adjoint de Rakotonarivo, la plupart des lots exploités sont détenus sur la base d’une occupation traditionnelle, c’est-à-dire qu’une seule famille détient un titre officiel pour ses terres.

Incapables de tenir les mineurs loin de leurs terres, les habitants ont dû conclure des accords avec eux pour éviter qu’ils s’emparent des terres. Ces accords consistent en des arrangements individuels et ad hoc de partage des bénéfices. Dans de nombreux cas, les financiers, qu’ils soient locaux ou non, s’engagent à procurer aux mineurs de la nourriture et d’autres fournitures pour la durée du travail. En contrepartie, ils réclament la moitié de toute pierre trouvée, le reste étant réparti entre les mineurs et le propriétaire du terrain. “Par exemple, pour un groupe de 10 mineurs, leur part doit être divisée en 11. La onzième partie revient au propriétaire foncier”, explique Rivo Ramanamirija, qui a été maire d’Andilana Avaratra de 2016 à 2019. Il déclare autoriser les mineurs à creuser sur sa parcelle familiale pour trouver du béryl et avoir embauché un représentant pour garder un œil sur leurs progrès.

“Ce changement inattendu a été lucratif pour tous les résidents qui avaient des parcelles, des maisons, des chambres et des espaces extérieurs disponibles”, explique Ramanamirija, un résident qui loue à des vendeurs une parcelle de 4 mètres carrés pour 3000 ariarys (70 centimes d’euros) par jour. Le loyer d’une hutte construite en roseaux séchés est de 100 000 ariarys (22 euros) par mois, tandis qu’une petite pièce sans électricité ni eau peut rapporter le double. En revanche, le salaire mensuel moyen d’un ouvrier ne dépasse pas 44 euros.

Un mineur à la surface utilise un conduit en plastique rudimentaire pour fournir de l’air à son collègue se trouvant au fond d’un puits. Image de Rivonala Razafison pour Mongabay.

Les mineurs, victimes eux aussi de la ruée vers les mines

Pour la plupart des mineurs, les coûts et les risques liés à ce travail ont été peu rémunérés. Le travail est physiquement rude, ne garantit pas de salaire de base, et peut parfois être extrêmement dangereux.

Ils creusent jusqu’à 80 mètres de profondeur, ce qui peut prendre trois à quatre semaines pour une équipe de mineurs travaillant 24 heures sur 24, avant de creuser des tunnels en forme de dogleg qui peuvent s’étendre jusqu’à 40 mètres le long d’un filon. Des poulies en bois fabriquées à la main sont utilisées pour hisser la terre et les pierres excavées. Ceux qui travaillent à la surface manipulent constamment des conduits en plastique rudimentaires pour ventiler les puits profonds.

Les décès auraient débuté avant la découverte du béryl, avec un glissement de terrain ayant tué des travailleurs chargés d’extraire du mica. Et les mineurs à la recherche de béryl affirment que beaucoup de leurs collègues sont morts en tombant dans des puits ouverts, dans l’obscurité. Les autorités n’ont pas été en mesure de corroborer complètement ces déclarations. “Trois décès ont été signalés au service communal. L’un d’entre eux est mort d’asphyxie à l’intérieur de l’excavation”, déclare le maire adjoint Rakotonarivo.

Razanamanana, le responsable du centre de santé, affirme que les décès dans les mines peuvent avoir été signalés directement aux centres de santé d’autres communes, telles qu’Amboavory et Amparafaravola, et n’ont donc pas été comptabilisés à Andilana Avaratra.

Un garçon et ses parents travaillant sur le site minier. Avec des dizaines de milliers de personnes vivant sur le site et sans installations sanitaires, la colline empeste les ordures et les déchets humains. Image de Rivonala Razafison pour Mongabay.

Aussi, deux affrontements meurtriers ont eu lieu sur le site minier. Le premier s’est produit le 26 avril, entre des mineurs originaires de la région d’Alaotra et des mineurs récemment arrivés d’ailleurs, que les habitants trouvaient arrogants. L’affrontement aurait entraîné la mort de deux personnes du côté des nouveaux arrivants.

Deux jours plus tard, le 28 avril, Thimoté Rakotomahandry, préfet d’Ambatondrazaka, le district où se trouve Andilana Avaratra, a ordonné l’interruption de l’activité minière dans la commune pour maintenir l’ordre public.

Mais les mineurs ont ignoré l’injonction, ce qui a obligé les forces de sécurité à tenter de vider le site minier par la force le 22 mai.

Les comptes rendus varient quant à ce qui s’est passé ensuite. La police a utilisé des gaz lacrymogènes et aurait tiré à balles réelles. Selon Raveloarison, chef du comité ad hoc pour la résolution du conflit social, qui se trouvait sur place au moment des faits, “la provocation du côté des mineurs a entraîné des tirs.”

“The total number of the injured was three. One of them died. We took care of the lifeless corpse,” Raveloarison says.

“Le nombre total de blessés s’élevait à trois. L’un d’entre eux est décédé. Nous avons pris soin du corps sans vie”, dit Raveloarison. “Notre but était de faire respecter l’ordre, mais nous avons été confrontés à une complicité collective. Les mineurs étaient défiants. À la suite de l’affrontement avec les forces de sécurité, une personne est décédée à l’hôpital.”

Cependant, les mineurs ont unanimement accusé les gendarmes d’abus contre des personnes non armées. “Les gendarmes font partie des groupes qui ont recueilli beaucoup d’argent grâce au béryl”, explique Naina, mineur. “Ils engagent d’autres mineurs en tant qu’espions pour surveiller constamment chacun des puits existants. Ils préviennent les gendarmes dès qu’ils sont sûrs que les excavations sont sur le point d’être fructueuses. Le soir venu, des officiers et des soldats armés se rendent dans les cavités repérées et ordonnent aux mineurs de sortir et de s’éloigner. Ils menacent généralement d’ouvrir le feu lorsque les mineurs résistent et envoient même du gaz lacrymogène dans les trous alors que des hommes sont encore à l’intérieur. Ensuite, les espions s’introduisent dans les excavations pour remonter les pierres brutes déjà emballées dans des sacs en plastique par les mineurs.”

Des mineurs originaires de la province de Fianarantsoa, située à environ 750 kilomètres d’Andilana Avaratra. Les mineurs utilisent des poulies en bois fabriquées à la main pour hisser la terre et les pierres excavées. Image de Rivonala Razafison pour Mongabay.

Fenohery Rakotonirina, le colonel militaire aux commandes des forces de sécurité régionales, donne sa propre version de l’incident. “Des troupes de l’armée, de la gendarmerie et de la police nationale étaient présentes sur la mine au début. L’armée a dû se retirer compte tenu de la mauvaise conduite”, dit-il, en référence aux accusations concernant le comportement des soldats sur le terrain. “Les troupes de la gendarmerie et de la police nationale ont dû rester sur place”, précise Rakotonirina.

Tous les agents envoyés à Andilana ont été accusés d’abus, affirme Rakotonirina. “J’ai mené moi-même ma propre enquête, mais il n’y avait aucune preuve confirmant ces allégations.” Cependant, il atteste qu’un officier fortement soupçonné d’abus a été muté dans une autre région à la mi-septembre. “Cette décision provient de la hiérarchie qui est constamment au courant de la réalité sur le terrain”, dit-il.

Un mineur et un marchand de pierres précieuses en train de parler devant la mairie d’Andilana Avaratra. Image de Rivonala Razafison pour Mongabay.

La mine fermée ? Pas vraiment…

Depuis janvier 2021, les autorités, tant au niveau régional que national, tentent de trouver une solution aux problèmes d’Andilana Avaratra.

Le ministère des Mines et des Ressources Stratégiques a réclamé la fermeture de la mine. “Le gouvernement réfléchit toujours à une façon de gérer le cas des mines telles que celle d’Andilana dans l’intérêt de la nation”, a déclaré à Mongabay Sedera Andrandraina Randrianarivelo, directeur de la communication et des relations internationales au ministère. “Officiellement, la mine de béryllium a été fermée en mai. La vente de cette substance est interdite jusqu’à nouvel ordre et la poursuite de l’exploitation est illégale.”

Cet ordre officiel n’a pas empêché l’arrivée de mineurs, déclare le préfet Rakotomahandry.

En août et septembre, les autorités ont exigé que les mineurs soient expulsés d’Andilana Avaratra. Mais, une fois encore, cette tentative de vider le site minier a échoué. Ces dernières semaines, d’autres attaques et crimes ont été signalés.

La réglementation de l’activité minière à Andilana Avaratra s’est avérée “impossible”, affirme Rakotomahandry. “Il s’agit d’une foule de milliers de personnes, il est risqué de les repousser.”

Le 6 octobre à Ambatondrazaka, chef-lieu de la région, Rakotomahandry a organisé une grande réunion avec les autorités locales, dont des législateurs, des maires et des défenseurs de l’environnement. Les discussions ont porté sur la situation des zones protégées dans la région du lac Alaotra. Les autorités ont décidé de se concentrer en priorité sur la sensibilisation à l’importance de la protection de la zone, plutôt que sur la punition des contrevenants.

Marc Behaja Rajaonarivo, directeur régional de l’environnement et du développement durable d’Alaotra-Mangoro, a appelé toutes les parties à respecter les règles environnementales. Raheliarivelo de l’ARS, l’organisme régional chargé de la gestion de l’environnement, se montre d’accord. “Lorsque nous devons mettre en œuvre un projet minier, nous voulons qu’il soit équitable et respectueux de l’environnement”, dit-elle. “Si ce n’est pas le cas, d’autres ruées se déclenchent dès que les gens découvrent l’existence de mines riches récemment découvertes.”

La partie du site minier d’Andilana Avaratra où des pierres précieuses de béryl de haute qualité ont été déterrées fin 2020. C’est maintenant l’endroit le plus disputé du site minier. Image de Rivonala Razafison pour Mongabay.

Après le béryl, place au saphir

Cela s’est déjà produit. En août 2021, un saphir a été trouvé dans la commune rurale de Beanana, dans le district d’Amparafaravola qui se situe également dans la région d’Alaotra-Mangoro. Une fois de plus, les mineurs sont arrivés en masse.

Cependant, les autorités déclarent que cette fois, la mine est surveillée de près. “Nous n’avons pas reçu d’autres exigences du gouvernement. Ce que nous faisons actuellement, c’est effectuer une patrouille de surveillance des mines d’Andilana et de [Beanana]”, a déclaré à Mongabay l’officier militaire Rakotonirina.

Selon Rakotonarivo, maire adjoint d’Andilana Avaratra, la découverte de la mine de saphir a fait fuir de nombreux mineurs de béryl de sa commune vers Beanana en août. Dans cette dernière, dit-il, ils se sont livrés à des vols à main armée contre des villageois, des vendeurs et d’autres mineurs car ils étaient frustrés d’avoir travaillé pendant des mois sans résultat.

Le saphir s’est révélé plus rare que le béryl, et le manque de sécurité autour de la mine a poussé de nombreux mineurs à quitter Beanana pour retourner à Andilana Avaratra, déclare Rakotonarivo.

 
Image de bannière : Des mineurs sur le site d’Andilana Avaratra, image de Rivonala Razafison pour Mongabay.

Article original: https://news-mongabay-com.mongabay.com/2021/12/madagascar-gemstone-rush-puts-a-wetland-and-its-community-under-pressure/

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