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Sans intervention, les patas de Tanzanie risquent l’extinction d’ici dix ans

  • De nouvelles recherches sur le méconnu patas de Tanzanie indiquent qu'il reste moins de 200 individus de cette espèce, tous confinés dans des zones protégées du nord de la Tanzanie.
  • Selon les chercheurs, sans intervention, l'espèce pourrait disparaître d'ici dix ans, car elle fait face à une pression croissante due à la perte et à la fragmentation de son habitat, à la chasse et à la concurrence pour la nourriture et l'eau.
  • Malgré cette triste situation, les experts affirment que des actions de conservation rapides et bien ciblées peuvent encore sauver l'espèce.

Selon de nouvelles recherches, le patas de Tanzanie, un primate africain méconnu et rarement observé, est en voie d’extinction.

Les spécialistes des primates disent qu’ils espèrent attirer l’attention internationale sur sa situation critique et stimuler les efforts pour le sauver.

Des recherches sur le patas de Tanzanie (Erythrocebus baumstarki), récemment publiées, nous éclairent sur son histoire naturelle, mais montrent également à quel point cet animal, déjà désigné comme étant en danger critique d’extinction sur la Liste rouge de l’UICN, est sur le point de disparaître.

Autrefois présente au Kenya, d’où elle a disparu vers 2015, l’aire de répartition historique de l’espèce a diminué d’environ 85% depuis le début du 20ème siècle, en raison de l’augmentation de la population humaine, selon Yvonne de Jong et Thomas Butynski, auteurs de l’étude. Le singe est actuellement limité aux zones protégées de l’ouest du Serengeti, dans le nord de la Tanzanie.

On sait relativement peu de choses sur le patas de Tanzanie (Erythrocebus baumstarki) et de nouvelles recherches indiquent que l’espèce pourrait bientôt disparaître si des mesures de conservation ne sont pas mises en place. Image copyright 2013 Stephen D. Nash / Groupe de spécialistes des primates de la CSE de l’UICN.

L’étude estime qu’il reste entre 100 et 200 patas de Tanzanie, dont entre 50 et 100 individus adultes. Si ce déclin s’accentue, les chercheurs envisagent une extinction de l’espèce d’ici dix ans. “Ce primate peu connu mais charismatique est en train de s’éteindre en silence et rapidement”, a déclaré De Jong à Mongabay.

Cependant, ils soutiennent que l’espèce peut encore être sauvée. “Avec des actions de conservation immédiates, ciblées et efficaces ainsi que des recherches, il y a de l’espoir pour le patas”, a exprimé De Jong.

On sait relativement peu de choses sur le patas de Tanzanie, l’une des trois seules espèces connues du genre Erythrocebus, endémique des tropiques africains. Bien qu’imposants, les patas sont timides, se déplacent très rapidement et occupent de grands domaines vitaux, ce qui rend les études sur cette espèce compliquées. La densité de patas de Tanzanie, en particulier, semble être naturellement faible, ce qui signifie qu’on les rencontre rarement.

De plus, on a longtemps pensé que le patas de Tanzanie était une sous-espèce du genre patas, Erythrocebus patas, raison pour laquelle il était peu étudié lui-même. Cependant, ces dernières années, ce taxon a été largement accepté comme une espèce à part entière.

Le manque de connaissances sur ce singe et ses rares rencontres expliquent peut-être en partie pourquoi sa situation désespérée n’a pas suscité davantage d’attention, même parmi les spécialistes des primates.

“Même au sein de la communauté de recherche sur les primates, je doute que beaucoup de gens savaient à quel point ce singe particulier était menacé”, a déclaré à Mongabay Dietmar Zinner, scientifique senior au German Primate Centre à Göttingen, en Allemagne. “Ils se sont toujours trouvés en marge des connaissances sur cette espèce [de patas] et nous avons peu d’informations à leur sujet.”

Patas du Soudan (Erythrocebus patas pyrrhonotus) dans le parc national de la Vallée de Kidepo, au nord de l’Ouganda. Le patas de Tanzanie (Erythrocebus baumstarki) a longtemps été considéré comme une sous-espèce d’Erythrocebus patas, et a donc été peu étudié lui-même. Image d’Yvonne A. de Jong et Thomas M. Butynski.

De Jong et Butynski, ainsi que le Eastern Africa Primate Diversity and Conservation Program, basé au Kenya, affirment qu’il est essentiel de sensibiliser la communauté internationale à la menace existentielle qui pèse sur le singe.

Butynski déclare : “Il s’agit d’un primate de grande taille, attrayant et intéressant, au bord de l’extinction en raison de la croissance rapide de la population humaine et personne ne semble le remarquer. L’objectif de notre étude est d’attirer l’attention sur la situation critique de cette espèce mal connue, afin de promouvoir sa conservation à long terme.”

La plus grande menace à laquelle les singes sont confrontés, comme pour de nombreux animaux menacés, est l’augmentation très rapide de la population humaine.

Selon De Jong et Butynski, la dégradation, la perte et la fragmentation des habitats naturels, la concurrence avec l’homme et le bétail pour l’habitat et l’eau, en particulier pendant les sécheresses, ainsi que le braconnage par l’homme et la chasse par les chiens, exercent une pression sur l’espèce.

Selon les chercheurs, il n’y a pas eu d’efforts de conservation du singe de la part des communautés locales. Ils déclarent que cela pourrait être dû au fait qu’il est si méconnu et qu’il existe de nombreuses autres espèces, plus grandes et plus abondantes, dans la région.

De Jong et Butynski ont formulé neuf recommandations spécifiques de mesures de conservation pour combattre ces menaces et aider l’espèce à se rétablir. Il s’agit notamment de mener des recherches et des enquêtes régulières pour mieux connaître le singe, d’établir des sources d’eau fiables et dédiées à la faune sauvage dans son aire de répartition, de mettre fin au braconnage, de créer un plan de conservation pour l’espèce et de veiller à ce que ce plan soit respecté par les autorités de conservation en Tanzanie.

La population humaine croissante dans la région signifie que les menaces auxquelles sont confrontés les patas de Tanzanie sont importantes, a déclaré Zinner, qui n’a pas participé à l’étude récente. Mais il affirme que l’espèce peut être sauvée.

Il affirme : “Ces singes ont une chance. Certaines espèces peuvent se rétablir, et l’ont d’ailleurs fait en partant d’un nombre d’individus encore plus bas”.

“Le nombre d’individus est faible mais ce n’est pas une raison pour perdre espoir”, a déclaré à Mongabay Serge Wich, professeur de biologie des primates à l’Université John Moores de Liverpool au Royaume-Uni. “Nous pouvons sauver des espèces dont il ne reste que quelques centaines d’individus si nous les protégeons, si des ressources et des efforts suffisants y sont consacrés. Si les recommandations d’atténuation des menaces formulées dans cet article sont respectées, cette espèce peut être sauvée.”

Wich, qui n’a pas participé à cette étude, ajoute : “Ce ne sera peut-être pas facile, mais nous devons essayer, et pas seulement pour l’avenir de cette espèce. Dans l’ensemble, les menaces qui pèsent sur ce singe sont les mêmes que celles qui pèsent sur d’autres animaux menacés dans le monde entier. Si nous pouvons y remédier pour ces singes, nous pourrons peut-être trouver des solutions pour d’autres espèces.”

 
Références :

 
Article original: https://news-mongabay-com.mongabay.com/2021/10/southern-patas-monkeys-face-extinction-in-a-decade-without-intervention/

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