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Une étude révèle que le réchauffement climatique pourrait avoir conduit les scientifiques à surestimer le nombre de bonobos

  • Une récente étude estime que les effets invasifs du changement climatique dans le bassin du Congo ont eu pour conséquence une surestimation par les scientifiques des populations de bonobos.
  • Les enquêtes sur les grands singes reposent sur le dénombrement des nids pour l’estimation des populations sauvages. Mais les données climatiques de 2003 à 2018 suggèrent que les modèles de températures de long terme, influent sur le temps de décomposition des nids des grands singes.
  • L’étude a permis de calculer que le temps de décomposition des nids dans le bassin du Congo a augmenté de 17 jours, ce qui a soulevé des inquiétudes quant à de potentielles inexactitudes dans le décompte des populations, non seulement de bonobos, mais aussi d’autres grands singes dont les estimations reposent aussi sur le recensement des nids.

Il pourrait y avoir beaucoup moins de bonobos à l’état sauvage que ce que prévoyaient de récentes enquêtes. C’est là la conclusion d’une nouvelle étude.

Les estimations de population de bonobos (Pan paniscus) à l’état sauvage ne reposent pas sur le comptage d’individus, mais sur celui des nids qu’ils laissent derrière eux dans la forêt, considérés comme un indicateur fiable pour leur recensement. Toutefois, avec le changement climatique qui entraîne un temps plus chaud et plus sec, les chercheurs ont découvert que les nids perdurent beaucoup plus longtemps qu’il y a quelques décennies, ce qui pourrait avoir conduit à une surestimation du nombre de bonobos. .

L’étude analyse les effets du changement climatique dans la République Démocratique du Congo (RDC), mais ses auteurs considèrent que les implications de leurs découvertes s’étendent au-delà du site de ce terrain.

Ainsi que l’a déclaré à Mongabay Barbara Fruth, auteure principale et cheffe de groupe à l’Institut Max Planck du comportement animal (MPIAB), “ces résultats peuvent s’appliquer à tous les grands singes”, car le dénombrement des nids est un outil commun, utilisé par les chercheurs du monde entier.

Nids de bonobos à différents stades de décomposition. Image de Barbara Fruth/Max Planck Institute of Animal Behavior.

D’après les calculs des chercheurs, le temps nécessaire à la décomposition des nids a augmenté de 17 jours au cours des récentes années. Les scientifiques considèrent que cela est en partie dû à une augmentation des températures moyennes et une baisse des précipitations, deux facteurs qui rallongent le temps durant lequel les nids restent visibles. Ces conclusions proviennent d’une étude au long cours de données climatiques recueillies sur 15 années (de 2003 à 2018) et de l’observation attentive de 1.511 nids de bonobos en RDC, depuis leur création jusqu’à leur disparition. Selon les auteurs de l’étude, la conséquence de cela est une possible inexactitude dans les estimations de populations pour toutes les espèces de grands singes.

“Nous disposons de formules pour calculer le nombre de grands singes à partir du comptage de leurs nids et ce que nous devons savoir, c’est la vitesse à laquelle ces nids se décomposent afin d’intégrer cette donnée dans nos formules”, a déclaré Fruth à Mongabay.

Ne pas tenir compte de ce changement pourrait conduire à une estimation du nombre de bonobos ou d’autres grands singes, “supérieur ou inférieur au nombre réel», a ajouté Fruth. Cela pourrait conduire à une surestimation allant jusqu’à 60 % de la densité de la population, ce qui aurait un impact sur les programmes de plans de survie des espèces, les classifications de l’UICN et les subventions de parrainage pour des recherches supplémentaires, a-t-elle précisé.

Les bonobos, que l’on ne trouve qu’en RDC, sont uniques par rapport aux autres espèces de grands singes en raison de leur système social dominé par les femelles, de leurs relations relativement pacifiques, de leur comportement sexuel remarquable et de leur important partage de nourriture.

Les conclusions de l’étude donnent lieu à de sérieuses inquiétudes quant à la critique situation de l’espèce, actuellement classée comme en danger sur la liste rouge de l’UICN.

Un bonobo sauvage (Pan paniscus) en République démocratique du Congo. Image de Barbara Fruth/Max Planck Institute of Animal Behavior.

Fruth étudie les bonobos à l’état sauvage depuis 1990, une espèce sur laquelle “il était absolument nécessaire de faire des recherches”, selon elle.

“Nous nous sommes rendus sur place il y a 30 ans pour étudier leur système social. Nous nous sommes intéressés à cette espèce parce qu’elle est très différente de ce que nous connaissons, non seulement des grands singes mais des mammifères en général”, explique-t-elle. “Si vous passez année après année dans cette zone isolée de la forêt à étudier les bonobos, alors bien sûr, la conservation devient un élément essentiel sur lequel vous devez vous pencher.”

Nahoko Tokuyama, professeur adjoint au Centre de collaboration internationale et d’études avancées en primatologie (CICASP) et à l’Institut de recherche sur les primates de l’université de Kyoto – qui n’a pas participé à l’étude – a déclaré dans un échange avec Mongabay que ces résultats “annoncent que le changement climatique mondial met en danger la vie des bonobos, non seulement parce que leurs habitats se trouvent modifiés, comme la saison des fruits ou leurs disponibilités, mais aussi parce qu’il conduit à surestimer le nombre de bonobos vivant dans la forêt”.

“Les chercheurs et les défenseurs de l’environnement savent que le temps de décomposition des nids varie selon les sites, les saisons et en fonction des précipitations. Mais il est choquant de savoir que le temps de décomposition s’est à ce point allongé – ce qui durait auparavant 87,5 jours, dure aujourd’hui 107,7 jours – sur un seul site au cours de ces 15 années”, s’inquiète Tokuyama.

“Bien sûr, le danger n’est pas le prolongement de la vie des nids”, a précisé Fruth. “Il s’agit plutôt d’un symptôme du changement, qui signifie que le réchauffement climatique a atteint le bassin central du Congo”. Cette étude sert à démontrer que “quelque chose se passe et que nous devons faire tout ce qui est en notre pouvoir, en particulier dans le monde industrialisé, pour arrêter les émissions et atteindre les objectifs de la convention sur le climat, mais aussi pour stopper le déclin des habitats qui atténuent les émissions.”

Un bonobo sauvage se repose sur une surface de couchage, aussi appelée nid, en République démocratique du Congo. Image de Barbara Fruth/Max Planck Institute of Animal Behavior.

 
Citation:

 
Article original: https://news.mongabay.com/2021/07/warming-climate-means-scientists-may-have-overcounted-bonobos-study-says/

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