Nouvelles de l'environnement

Il faut s’attaquer aux activités humaines dangereuses maintenant ou affronter de nouvelles pandémies, avertissent les scientifiques

  • Le nouveau variant Delta hautement contagieux qui s’est propagé avec la facilité de la varicelle entraîne une explosion du nombre des cas de COVID-19 dans le monde entier alors que les autorités sanitaires déclenchent l’alerte. « La guerre a changée », disait un document interne récent des Centers for Disease Control and Prevention (CDC, Centres pour le contrôle et la prévention des maladies) américains.
  • À l’échelle mondiale, de nombreuses maladies infectieuses sont transmises entre la faune sauvage, les animaux d’élevage et les humains à des taux alarmants, notamment les épidémies de COVID-19, d’Ebola, de dengue, de VIH et d’autres, alors que la menace de nouvelles maladies zoonotiques émergentes grandit. Les coûts sont énormes en termes de vies perdues et d’économies ruinées.
  • Le moteur : les activités humaines, en particulier l’intrusion dans les paysages sauvages et le fait de manger et de vendre des animaux sauvages. Le fait d’amener des humains, des animaux domestiques et des animaux sauvages à une proximité non naturelle les expose tous à des pathogènes pour lesquels ils n’ont pas d’immunité. Les voyages internationaux et un commerce d’espèces sauvages florissant à l’échelle mondiale propagent rapidement les virus.
  • Des spécialistes disent que l’approche « une seule santé » est absolument nécessaire pour empêcher de futures pandémies, soit le fait de traiter simultanément la santé humaine, la santé animale et la santé des écosystèmes, afin de protéger l’humanité et la nature et d’incorporer le risque de maladies dans les prises de décisions.

Au début 2020, alors qu’un nouveau coronavirus balayait la planète, un mot peu connu a fait son apparition dans les conversations. La COVID-19 était « zoonotique » : une maladie qui est apparue chez des animaux, qui a ensuite évolué, franchi la barrière des espèces et a été transmise à des humains. Le 11 mars 2020, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) a déclaré une pandémie mondiale.

Aujourd’hui, avec une autre vague déferlant dans le monde entier, et plus de 600 000 nouveaux cas diagnostiqués quotidiennement, un nouveau mot angoissant est entré dans le vocabulaire : « variant ».

«La guerre a changée», selon un document interne récent des Centers for Disease Control and Prevention (CDC, Centres pour le contrôle et la prévention des maladies) américains. Le nouveau variant Delta hautement contagieux a évolué pour se propager avec la facilité de la varicelle et entraîne une maladie plus grave.

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Aujourd’hui, les infections approchent les 200 millions à l’échelle mondiale, avec un nombre vertigineux de morts : plus de 4,2 millions de vies perdues. Selon des spécialistes, les vrais chiffres sont bien plus élevés: une nouvelle étude estime les morts en Inde à 10 fois le chiffre officiel. La pandémie a aussi déclenché une récession mondiale, poussant plus de 95 millions de personnes dans l’extrême pauvreté. Avec ce nouveau variant Delta, et la possibilité très vraisemblable d’autres variants à venir, la crise est loin d’être terminée.

Alors que la planète est ébranlée, des spécialistes lancent un signal d’alerte : il ne s’agit pas d’un événement qui ne se produit qu’une fois par siècle. « Les pandémies ont plutôt [lieu] une fois tous les 10 ans de nos jours », a dit le zoologiste Peter Daszak, président de l’organisme sans but lucratif EcoHealth Alliance à New York. Pendant ce temps, il y a peu de discussion sur pourquoi la pandémie de COVID-19 s’est produite ou l’action urgente nécessaire pour empêcher la prochaine épidémie mondiale d’une maladie, a-t-il dit.

Ce graphique, créé aux Centers for Disease Control and Prevention (CDC) américains, révèle la morphologie ultrastructurale des coronavirus. Remarquez les pointes qui garnissent la surface externe du virus, qui continuent à évoluer afin de contourner les défenses contre les maladies des hôtes humains. Image fournie par les CDC.

Une maladie zoonotique émergente

Les virus ont besoin d’un organisme hôte afin de se répliquer et de se propager dans de nouveaux hôtes, leur survie nécessite donc qu’ils évoluent constamment afin d’échapper au système immunitaire d’une espèce. Cette évolution a permis à des virus d’aller et venir entre les animaux et les humains depuis des millénaires.

Aujourd’hui, jusqu’à 75 % de toutes les maladies infectieuses humaines sont zoonotiques, et la plupart proviennent des tropiques.

Il existe un vaste groupe de virus inconnus dans la nature, a dit Daszak, peut-être plus de 1,6 million. Parmi eux, 600 000 à 800 000 pourrait potentiellement infecter les humains. « La plupart des virus dangereux que nous voyons dans la nature proviennent des mammifères, quelques-uns des oiseaux », a-t-il ajouté.

Certains sont portés par des hôtes intermédiaires ou par des parasites, en particulier les moustiques et les tiques. Beaucoup sont mortels. Ils n’ont généralement pas de remède.

Le cycle de vie des tiques Ixodes scapularis qui propagent la maladie de Lyme. Image fournie par les CDC.

Les exemples modernes sont nombreux : la crise du SIDA, provoquée par le virus d’immunodéficience humaine, ou VIH, provient d’Afrique centrale, où le virus a traversé pour infecter les humains à partir des primates, peut-être à la fin des années 1800, et il a probablement été contracté lorsqu’une personne a mangé de la viande de chimpanzé infectée. L’un des plus mortels, la fièvre hémorragique Ebola, est d’abord apparu en 1976 près de la rivière Ebola dans ce qui est aujourd’hui la République démocratique du Congo. Il tue à peu près la moitié de ses victimes. On pense qu’il est lui aussi transmis lors de l’abattage et de la consommation de chimpanzés infectés, et peut-être de chauves-souris frugivores et d’antilopes des forêts infectées. En 1998, le virus Nipah est passé des roussettes aux porcs, aux humains sur une ferme de Malaisie découpée dans la forêt tropicale. En 2009, la grippe porcine H1N1 est apparue au Mexique, un hybride de virus d’oiseaux et de porcs.

Peu de gens dans le monde qui contractent le virus du Nil occidental par une piqûre de moustique le relient à des oiseaux vivants près de la source du Nil en Ouganda. Les moustiques transmettent de nombreuses maladies, notamment la fièvre jaune, le virus Zika et la dengue. Les tiques transmettent la maladie de Lyme et d’autres maladies bactériennes et virales. La liste continue.

Débordement

Le taux de débordement (des maladies se déplaçant entre des espèces) a bondi parallèlement à l’intensification des impacts humains sur la planète. La COVID-19 n’est qu’une des environs 500 nouvelles maladies zoonotiques détectées depuis les années 1950.

Depuis des décennies, des épidémiologistes, des environnementalistes, des vétérinaires et des spécialistes de la santé publique ont lancé des avertissements pessimistes sur les débordements : l’empiétement agressif sur des écosystèmes intacts et l’altération des systèmes naturels de la planète créent des risques dangereux pour la santé.

Ces incursions ont amené des personnes, leurs animaux domestiques et des espèces sauvages à une proximité non naturelle. En contact étroit, ils échangent des germes, des pathogènes qui peuvent ensuite muter et passer dans de nouveaux hôtes qui sont dépourvus d’immunité contre eux. Les maladies peuvent passer et repasser dans toutes les directions entre les espèces sauvages, les animaux d’élevage et les humains.

Des cages de différentes espèces animales empilées sur un marché à Hanoï, Vietnam. L’empilement laisse les animaux déféquer et uriner sur les cages en dessous, une façon de propager des maladies. Image © E. Bennett/WCS.

Les scientifiques débattent encore de la source du virus de la COVID-19, de s’il est venu d’une espèce sauvage vendue pour l’alimentation au marché aux fruits de mer de Huanan à Wuhan en Chine ; s’il a été transmis par l’intermédiaire de chauves-souris fer à cheval, une espèce réservoir ; ou s’il s’est accidentellement échappé d’un laboratoire de biotechnologie de l’Institut de virologie de Wuhan, qui étudie les coronavirus. La plupart des scientifiques penchent pour le débordement provenant d’une espèce sauvage, mais, quelle que soit son origine, cette pandémie est d’origine humaine.

« C’était évitable ; ce n’était pas une surprise, et c’était attendu », a dit Steve Osofsky, directeur du Cornell Wildlife Health Center à Ithaca dans l’état de New York.

Deux épidémies de coronavirus ont précédé celle de la COVID-19 : le SRAS (syndrome respiratoire aigu sévère) en 2003, qui est passé de chauves-souris à des personnes par l’intermédiaire de civettes vendues/a> sur des marchés d’espèces sauvages en Chine, et le MERS (syndrome respiratoire du Moyen-Orient), qui est apparu en Arabie saoudite en 2012 porté par des dromadaires. Il existe sept coronavirus connus qui infectent les humains.

Le vétérinaire Hasan Alkaf prélève des échantillons sur un chameau lors du premier cas déclaré de syndrome respiratoire du Moyen-Orient (MERS-CoV) à Haramout, Yémen en avril 2014. L’enquête était menée par les résidents en médecine du Programme de formation en épidémiologie de terrain au Yémen. Image fournie par Awadh Mohammed Ba Saleh/CDC.

Une crise créée par les humains

Il n’existe que quelques moyens d’inviter des pathogènes dans le salon de l’humanité, a dit Osofsky : en mangeant des parties du corps d’animaux sauvages ; en capturant et en mélangeant des espèces sauvages sur des marchés ; et en rasant des forêts tropicales et en détruisant ce qu’il reste de la nature sauvage, ce que nous faisons selon ses mots « à un rythme effréné ». Une étude récente publiée dans le journal Science remarquait que « l’arbre de la vie est taillé par les activités humaines à une vitesse sans précédent ».

La biodiversité a été appelée le système immunitaire de la planète ; sa dévastation nous met tous en danger. De plus en plus d’études montrent que lorsque nous perturbons des systèmes naturels, la menace de maladie zoonotique augmente de façon exponentielle. Alors que certaines espèces disparaissent, d’autres prolifèrent de manière incontrôlée et beaucoup sont connues pour porter des pathogènes qui infectent les humains.

C’est une question de probabilité. « Lorsque nous dégradons la biodiversité, nous favorisons des espèces plus susceptibles d’être des hôtes zoonotiques», a dit Rick Ostfeld, un spécialiste d’écologie des maladies au Cary Institute of Ecosystem Studies à Millbrook dans l’état de New York. « La prochaine maladie déclenchant une pandémie a beaucoup plus de chance de venir d’un rat que d’un rhinocéros. Involontairement, nous créons la vie de rêve pour les rats du monde en remplaçant les habitats naturels par des centres commerciaux, des mégabarrages et des champs de soja », a-t-il expliqué.

Osofsky a ajouté cette mise en garde : « Il est important de ne pas laisser la peur des maladies provoquer un contrecoup hostile contre les espèces sauvages. Nous avons besoin de la vie sauvage et des espaces sauvages ». Des écosystèmes en bonne santé nous protègent contre la prochaine pandémie.

Un pangolin regarde à l’extérieur de la cage où des trafiquants l’ont enfermé alors qu’un policier indonésien regarde l’objectif. Le pangolin est le mammifère le plus vendu dans le commerce illégal d’espèces sauvages. Il a peut-être fait partie de la voie par laquelle le virus de la COVID-19 a réussi le débordement. Image de Paul Hilton de WCS.
Un porc-épic malaisien sur une exploitation d’élevage d’espèces sauvages dans la province de Dong Nai au Vietnam. Le vaste commerce mondial légal et illégal d’espèces sauvages rend très difficile de déterminer la source d’une potentielle prochaine pandémie. Image fournie par WCS Vietnam.

La source des maladies zoonotiques : des paysages altérés

De nombreuses études montrent que les paysages altérés par les humains sont des zones hautement à risque de maladies zoonotiques. La déforestation augmente l’apparition d’épidémie. Celles-ci se produisent le plus fréquemment dans des pays tropicaux où la forêt primaire est ouverte pour installer des plantations et des exploitations d’élevage, souvent pour produire des denrées à une échelle industrielle : du bœuf, du soja et de l’huile de palme. Les exploitations minières et forestières et l’expansion urbaine font également disparaître de grandes surfaces. Même si des maladies peuvent apparaître n’importe où, les incursions humaines touchent tous les êtres vivants, perturbant des systèmes naturels profondément interconnectés qui ont évolué en synchronisation sur des millions d’années.

L’incursion dans les forêts vierges d’Afrique de l’Ouest offre un exemple frappant de l’effet domino des épidémies. D’abord des routes d’exploitation forestière ouvrent les forêts aux braconniers de viande de brousse. Apparaissent ensuite des villages, puis des routes plus grosses, avec de plus grandes surfaces de forêt abattues pour des exploitations agricoles. Cela a amené des milliers de personnes en contact étroit avec des chauves-souris et d’autres animaux considérés comme porteurs du virus Ebola. Il y a eu environ 32 flambées d’Ebola depuis 1976.

« Ces secteurs n’avaient jamais eu besoin de considérer, et ne l’avait certainement jamais fait, des conséquences sanitaires », a dit Christian Walzer, un vétérinaire et directeur général pour la Santé à la Wildlife Conservation Society.

Alain Ondzie animant une action éducative sur Ebola dans un village du nord de la République du Congo. L’éducation est essentielle pour prévenir les débordements. Image fournie par Sarah Olson/WCS.
Le Laboratoire national de santé publique de Brazzaville en République du Congo teste des échantillons de carcasses pour la présence du virus Ebola. Image fournie par Eeva Kuisma/WCS.

Le bétail et d’autres animaux domestiques vivant à proximité d’espèces sauvages servent également d’hôtes intermédiaires lors du débordement vers les humains. Par exemple, en Malaisie, les exploitations agricoles découpées dans la forêt ont amené des chauves-souris frugivores dans les villages, attirées par les manguiers plantés. Une fois sur place, le virus Nipah est passé des chauves-souris aux porcs aux humains.

Alors qu’une attention particulière est fréquemment portée à la santé des animaux d’élevage, ces préoccupations sont principalement axées sur les problèmes de sécurité alimentaire de « l’élevage vers la fourchette », pas sur les débordements, a dit Waltzer. Il est important de remarquer que la maladie peut se propager dans les deux directions : les animaux domestiques peuvent également infecter les espèces sauvages.

La voie de transmission des maladies zoonotiques : le commerce d’espèces sauvages

L’immense commerce d’animaux sauvages mondial a déclenché plusieurs épidémies. Chaque année, des centaines de millions d’animaux sont expédiés dans le monde, légalement et illégalement, vivants, morts et en morceaux. Il s’agit d’un commerce extrêmement lucratif stimulé par la demande des consommateurs pour des médicaments traditionnels, de la viande de brousse, des animaux de compagnie exotiques, de l’alimentation, l’habillement et la décoration d’intérieur.

Le trafic et les marchés d’animaux sauvages sont de « dangereux incubateurs pour la prochaine pandémie », a dit Chris Shepherd, directeur général de Monitor, un organisme sans but lucratif se concentrant sur le commerce des espèces sauvages.

Sur les marchés d’Afrique, d’Amérique du Sud et d’Asie, des espèces sauvages sont entassées ensemble, joue contre bajoue dans des cages pleines et dégoûtantes où les matières fécales, l’urine et le sang se mélangent, et où les humains font leurs courses. Les espèces sauvages sont souvent gardées à côté des animaux domestiques. Nombre de ces animaux sont faibles, en mauvaise santé après une capture et un transport traumatiques, et tous sont exposés à une pléthore de nouveaux pathogènes.

Un marché d’animaux vivants était probablement la source de l’épidémie de grippe aviaire H5N1 en Asie, permettant la propagation de la grippe aviaire d’oiseaux sauvages à des poulets et des dindes puis à des personnes.

Malgré la pandémie actuelle et sa probable origine zoonotique, le commerce d’animaux sauvages n’a pas significativement ralenti, a dit Shepherd, ou n’a même pas été abordé.

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La COVID-19, le SRAS et d’autres épidémies sont apparus en Chine, le plus gros consommateur au monde d’espèces sauvages importées légalement et trafiquées illégalement.

Pendant des décennies, la Chine a également élevé des animaux sauvages pour la consommation. En 2020, le gouvernement a fermé les marchés d’animaux sauvages et les établissements qui élevaient des animaux sauvages pour l’alimentation, mais a laissé des failles pour les animaux élevés pour une « utilisation ornementale », notamment la fourrure, ou les ingrédients de la médecine traditionnelle chinoise, des failles qui permettront encore la transmission de maladies.

Le commerce légal mondial d’animaux sauvages éclipse le commerce illégal, étant estimé à 19 milliards de dollars par an par l’ONU. Mais les pathogènes ne se soucient pas d’être portés par un spécimen provenant du commerce légal ou illégal, a dit Shepherd. En novembre, le Danemark a abattu 17 millions de visons après que les animaux d’une exploitation de fourrure ont contracté la COVID-19 d’humains. Des visons du Wisconsin ont également été infectés.

La voie de transmission des maladies zoonotiques : la viande de brousse

La viande de brousse est une autre voie d’infection, a dit Walzer. Le débordement vers les humains se produit souvent par le biais de la chasse, de l’abattage, de la consommation et du transport de la viande sauvage, qui offre un intermédiaire idéal à la propagation de pathogènes, dit-il.

Aujourd’hui la majorité de la viande de brousse vient d’Afrique centrale et de l’Ouest. L’ONU estime qu’au moins 5 millions de tonnes de viande de brousse sont chassées dans le bassin du Congo seul chaque année, notamment des singes, des rats, des chauves-souris et d’autres porteurs potentiels de maladies. Mais, la viande de brousse sort des forêts d’Afrique, d’Asie et d’Amérique latine. L’exploitation forestière et l’industrie pétrolière ont beaucoup facilité le commerce de viande de brousse, en construisant des routes qui permettent l’entrée des chasseurs dans des zones précédemment inaccessibles. Les locaux utilisent également ces routes, chassant pour gagner de l’argent dont ils ont grandement besoin.

Les marchés des petits villages et des grandes villes vendent de la viande sauvage à une clientèle très différente. Des millions de personnes des peuples autochtones et des communautés rurales dépendent de la viande de brousse pour survivre, mais la plupart de la demande provient des populations urbaines. Dans les villes, la viande sauvage est un produit coûteux et luxueux, souvent acheté pour se connecter avec des traditions ancestrales ou étaler sa richesse. Les consommateurs couvrent le monde entier, des milliers de tonnes étant transportés clandestinement en Europe chaque année. Toute cette viande représente un vecteur potentiel de maladies.

Nous avons rencontré l’ennemi, et c’est nous

Aux États-Unis, la pandémie de COVID-19 a déclenché un racisme anti-asiatique et des attaques contre des Américains d’origine chinoise. Mais, « Nous devons arrêter d’essayer de blâmer un pays, un comportement, ou un groupe spécifique de personnes », a dit Daszak. Nous devons reconnaître que nous jouons tous une responsabilité, et jusqu’à ce que nous le reconnaissions, nous continuerons à souffrir dans « l’âge des pandémies ».

Tous les pays sur Terre font le commerce d’animaux sauvages et de produits provenant d’espèces sauvages, légal ou illégal, et achètent du soja, de l’huile de palme, du bœuf, du bois ou d’autres produits détruisant la forêt. Peu de gens réalisent, par exemple, que les États-Unis sont le deuxième plus grand consommateur d’espèces sauvages illégales.

Nos porcs, poulets, bétails, chiens et autres animaux domestiques peuvent tous être porteurs de maladies. La bordure des vestes de ski achetées par les Européens et les Américains provient souvent d’élevage de chien viverrin en Chine, des vecteurs potentiels pour la prochaine maladie zoonotique.

Pendant ce temps, à mesure que le changement climatique réchauffe la planète, la dengue, Zika, la fièvre jaune et d’autres maladies à transmission vectorielle se propagent dans de nouveaux territoires. Ils sont propagés par des moustiques, des tiques, des puces, des escargots d’eau douce et d’autres vecteurs. Le moustique tigre asiatique est particulièrement efficace, propageant des maladies débilitantes aux humains et aux animaux domestiques, notamment aux chevaux et aux chiens.

Une femelle Aedes albopictus, ou moustique tigre asiatique, obtient son repas sanguin à travers la peau de son hôte. Cette espèce peut transmettre les virus de la dengue et du chikungunya. Image fournie par Pablo Cabrera/CDC.

L’OMS qualifie l’augmentation mondiale des cas de dengue « d’alarmante ». En 1970, le virus n’était présent que dans neuf pays, mais il est maintenant endémique dans près de 100 pays. De 2000 à 2019, les cas ont augmenté en flèche de 505 000 à 5,2 millions. Pour faire simple, un monde plus chaud abrite plus de moustiques et d’autres insectes qui sont à la recherche de quelqu’un à mordre et qui sont porteurs de virus qui recherchent de nouveaux hôtes.

Une fois qu’une épidémie commence, elle est très difficile à contenir. La pandémie actuelle a montré à quelle vitesse un nouveau virus peut se répandre. À l’heure de la mondialisation, le commerce et les déplacements internationaux peuvent infecter des coins éloignés de la planète avant que les porteurs ne présentent des symptômes. Depuis son émergence en décembre 2019, le virus de la COVID-19 a été signalé dans 222 pays et territoires.

« Une seule santé » devient un mouvement

Il y a presque 20 ans, la propagation alarmante du VIH, du virus du Nil occidental, de la grippe aviaire, du SRAS et d’autres maladies a donné naissance au mouvement « une seule santé ». Il est basé sur la théorie que la santé humaine, la santé animale et la santé des écosystèmes sont intimement liées. Les vétérinaires, notamment Osofsky, en ont été les architectes principaux : à la différence des médecins, ils avaient l’habitude de penser à l’interface entre la santé animale et la santé humaine.

En 2004, des spécialistes de la santé de l’ONU, de l’OMS, et de gouvernements du monde entier se sont rassemblés à New York avec des médecins et des vétérinaires pour une conférence « One World One Health» (un seul monde, une seule santé) organisée par la Wildlife Conservation Society.

Pendant cette conférence, Osofsky et ses collègues ont présenté ce qui est devenu les principes de Manhattan, 12 recommandations axées sur l’amélioration de notre respect du monde naturel visant à en empêcher les maladies zoonotiques et d’autres conséquences d’une mauvaise gestion environnementale. Ils ont souligné que les maladies infectieuses menacent les humains, les produits alimentaires, les économies et « la biodiversité absolument nécessaire qui soutient l’infrastructure vivante de notre monde ».

Le sommet a amplifié un appel clair pour de nouvelles études sur la façon dont les activités humaines transforment rapidement les systèmes naturels de la Terre, et en faveur d’interventions qui pourraient créer une planète plus saine.

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L’objectif, selon Osofsky, est de mieux informer les politiques publiques concernant l’utilisation des sols et des océans, la santé publique, et l’environnement qui nous soutient tous.

Les principes de Manhattan, mis à jour en 2019, ont aidé à populariser le concept « une seule santé » : l’OMS, les CDC américains et de nombreuses autres institutions disent aujourd’hui qu’elles incorporent une approche « une seule santé ».

Le coût : à la fois humain et sauvage

Au cours d’une année « normale », sans pandémie mondiale, il y a plus de 1 milliard de cas de maladies zoonotiques, tuant environ un million de personnes. L’épidémie de Nipah de 1998 a coûté 500 millions de dollars ; l’épidémie de SRAS a coûté près de 40 milliards de dollars. L’activité économique mondiale perdue à cause de la COVID-19 est d’un plus grand ordre de grandeur : un rapport du Congrès américain prévoit le coût à 28 trillions de dollars.

La prévention ne se contentera pas de sauver des vies, elle permettra d’économiser de l’argent. Avec un investissement relativement faible en comparaison, environ 140 millions par ans sur 10 ans, les chercheurs pourraient identifier 85 % des virus dans le monde, selon un rapport. conjoint de l’ONU et de l’OMS. Le fait de mettre les séquences génétiques de ces virus entre les mains des fabricants de vaccins pourrait permettre de protéger contre de futures pandémies.

L’immense valeur d’une telle approche est soulignée par la crise actuelle. La technologie de l’ARN messager (ARNm) et les vaccins contre des coronavirus étaient en développement avant l’arrivée de la COVID-19. « Nous avons de la chance pour l’instant », a dit Daszak de cette longueur d’avance fortuite. « Mais pendant que nous attendions pour un vaccin… des millions de personnes sont mortes. La chance n’est pas une stratégie, et la chance n’est pas une porte de sortie de l’ère des pandémies. »

Il faut continuer de privilégier la surveillance, la préparation, des systèmes de santé plus forts et de meilleurs vaccins, tous ces éléments étant cruciaux. Mais ignorer la prévention, en omettant d’aborder le développement et les comportements humains à haut risque qui entraînent la transmission des maladies, pourrait coûter très cher, a dit Ostfeld, avec de lourdes pertes en vies et en revenus et des économies ravagées. « Nous n’incorporons pas l’énorme coût pour la santé humaine dans notre analyse coûts-bénéfices des projets de développement. Il est complètement ignoré. » Ce qui est nécessaire, dit-il, est d’incorporer dès le début le risque de maladie dans les politiques sanitaires et gouvernementales.

Osofsky appelle cela un moment décisif dans l’histoire de la civilisation humaine. « Que vous parliez du changement climatique, de la perte de biodiversité ou de maladie émergente », a-t-il dit, « tous sont des symptômes du manque de respect pour la nature de l’humanité. »

Empêcher la prochaine pandémie demandera une coopération mondiale, conclut Osofsky. Cela nécessite de réunir des spécialistes de domaines couvrant l’intégralité du spectre sociétal, des ministres des Finances, des organisations commerciales, des médecins, des vétérinaires, des épidémiologistes, des zoologistes, des professionnels de la santé publique, de l’agriculture et de l’environnement, ainsi que des leaders économiques, des peuples autochtones, et d’autres, afin d’identifier et d’atténuer les activités à haut risque dans les zones à haut risque.

« Il est temps de redéfinir notre relation à la nature sauvage et aux autres espèces », a dit Osofsky.

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Image de bannière : La méthode d’échantillonnage d’une carcasse utilise les connaissances et l’expérience acquises lors d’épidémies précédentes. Les échantillonneurs travaillent en équipe de deux et portent un équipement de protection individuelle. Image fournie par Sébastien Assoignons/WCS.

 
Article original: https://news.mongabay.com/2021/08/address-risky-human-activities-now-or-face-new-pandemics-scientists-warn/

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