Nouvelles de l'environnement

“Braconnage et autres délits” : le Cameroun prévoit de construire une nouvelle route dans le parc national de Lobéké

  • Le Cameroun a informé l'UNESCO de son intention de construire une route dans le parc national de Lobéké, qui fait partie du Trinational de la Sangha, classé au patrimoine mondial.
  • Le ministre des Forêts et de la Faune du pays affirme que la route permettra de protéger la zone contre les braconniers transfrontaliers et d'autres criminels, mais les défenseurs de l'environnement craignent qu'elle ne contribue à la déforestation.
  • Une étude sur le parc national de Minkébé, au Gabon, a établi un lien entre le braconnage important dans le nord du parc et l'accès facile à cette zone fourni par une autoroute juste à la frontière avec le Cameroun.

Le 6 octobre, le ministre camerounais des Forêts et de la Faune sauvage, Jules Doret Ndongo, participera à une conférence d’une journée consacrée à la préservation des forêts d’Afrique centrale, riches en biodiversité. Pourtant, les politiques et les actions de son gouvernement menacent fréquemment la vie sauvage, les forêts et les moyens de subsistance des populations locales du Cameroun et de ses voisins régionaux, affirment les défenseurs de l’environnement.

Selon Global Forest Watch, le Cameroun a perdu 3,7 % de son couvert forestier primaire entre 2002 et 2020. En Afrique centrale, seuls l’Angola (5,3 %) et la République démocratique du Congo (5,1 %) ont perdu davantage. Les données pour 2020 indiquent des pertes de forêts primaires de 100 000 hectares (247 000 acres), soit près du double de la perte de l’année précédente. En analysant les données les plus récentes, Mikaela Weisse et Elizabeth Goldman, du World Resources Institute, imputent une grande partie de cette déforestation aux activités des petits agriculteurs du sud du pays.

Mais la conversion des forêts à grande échelle pourrait être sur le point d’augmenter dans le pays. Ces dernières années, le gouvernement camerounais a accordé des concessions pour l’exploitation forestière et les plantations de palmiers à huile et d’hévéas dans ses régions méridionales. En 2020, il a approuvé l’exploitation forestière dans l’une des plus grandes forêts tropicales encore intactes du pays, la forêt d’Ebo, dans la région du littoral, dans le sud-ouest du pays, avant de suspendre les concessions après un tollé général.

Peu ou aucune information n’a été rendue publique concernant le projet de construction d’une route dans le parc national de Lobéké, dans le sud-est du Cameroun. Lobéké fait partie d’une zone protégée transfrontalière qui comprend également la réserve spéciale de Dzanga-Sangha en République centrafricaine et le parc national de Nouabalé-Ndoki en République du Congo. Ensemble, ils forment le Trinational de la Sangha, qui a été ajouté à la liste du patrimoine mondial de l’UNESCO en tant que site de “valeur universelle exceptionnelle” en 2012.


Dans une lettre adressée en juin à l’UNESCO, le ministre Ndongo a déclaré que la zone frontalière était “sujette à des entrées récurrentes d’individus armés venant des pays voisins et commettant des actes de braconnage et d’autres délits”, et qu’une route longeant la rivière Sangha permettrait au gouvernement de sécuriser la zone.

Mais les opposants au projet s’inquiètent de l’impact de celui-ci sur les communautés indigènes et la faune.

“J’ai appris que la raison invoquée par le gouvernement [pour construire une route] est la sécurité et tout ce qui s’ensuit”, a déclaré Samuel Nnah Ndobe, un militant écologiste qui travaille à la préservation des forêts et des peuples indigènes. “Mais il s’agit avant tout d’extraction de ressources. La région est riche en minéraux et on assistera à une véritable catastrophe environnementale s’ils construisent cette route.”

Lobéké comprend plus de 200 000 hectares, dont des forêts denses et des marécages de basse altitude. Elle abrite les peuples indigènes Baka et Bangando et sert d’habitat aux éléphants de forêt d’Afrique (Loxodonta cyclotis), aux gorilles de l’Ouest (gorilla gorilla), aux chimpanzés (Pan troglodytes), aux léopards (Panthera pardus) et à de nombreuses espèces d’ongulés.

La richesse de la faune sauvage a fait de Lobéké une cible pour les braconniers bien armés. La construction d’une route à travers le parc devrait faciliter l’accès des trafiquants d’animaux sauvages.

Les recherches ont prouvé que les routes sont néfastes aux forêts, à la biodiversité et aux écosystèmes qu’elles abritent. Une étude de 2017 a établi un lien entre le massacre d’environ 25 000 éléphants de forêt d’Afrique dans le parc national de Minkébé au Gabon entre 2004 et 2014 et l’accès facile fourni par une route nationale située juste de l’autre côté de la frontière, au Cameroun.

L’écologiste John Poulsen, auteur principal de l’étude concernant Minkébé, a déclaré à Mongabay qu’il était difficile de contrôler l’accès aux zones protégées par des routes construites à l’intérieur ou à proximité de celles-ci.

“Un financement et une volonté considérables seraient nécessaires pour assurer la protection de la route et du parc. Il faudrait notamment des barrages routiers gardés constamment pour laisser passer uniquement les véhicules autorisés et des patrouilles permanentes d’écogardes pour empêcher les gens de contourner les barrages routiers pour emprunter la route vers le parc”, a déclaré Poulsen.

Felling a tree in eastern Cameroon. Image by Mokhamad Edliadi/CIFOR via Flickr (CC BY-NC-ND 2.0)
Le Cameroun a perdu 100 000 hectares de forêt primaire en 2020, soit près du double du total de l’année précédente. Image de Mokhamad Edliadi/CIFOR via Flickr (CC BY-NC-ND 2.0).

L’état d’avancement des plans camerounais concernant la route n’est pas clair. Une porte-parole du ministère de l’Environnement, Priscilla Song, a transféré les demandes de renseignements au ministère des Forêts et de la Faune. Les appels à ce ministère sont restés sans réponse.

La réponse de l’UNESCO à cette lettre n’a pas été rendue publique et le Comité du patrimoine mondial n’avait pas répondu aux questions de Mongabay au moment de la publication.

Ndobe a déclaré à Mongabay qu’il craignait que la route à Lobéké ne soit la première étape d’un schéma familier et inquiétant. Les autorités accordent d’abord des concessions pour l’exploitation forestière dans ou à proximité de forêts intactes, puis lorsque les forêts se dégradent, elles peuvent être transformées en plantations pour des cultures de produits de base comme le palmier à huile et l’hévéa. Selon lui, l’objectif est rarement de servir l’intérêt public mais plutôt de courir après les ressources.

“Ce serait une très mauvaise idée pour le gouvernement de finaliser ce projet. Cela n’a pas de sens”, a déclaré Ndobe.

 

Références

Poulsen, J. R., Koerner, S. E., Moore, S., Medjibe, V. P., Blake, S., Clark, C. J., … White, L. J. (2017). Poaching empties critical central African wilderness of forest elephants. Current Biology, 27(4), R134-R135. doi:10.1016/j.cub.2017.01.023

Image de bannière : Bébé gorille des plaines de l’Ouest, Cameroun. Image de Alan Duncan Hamilton via Flickr (CC BY-NC-ND 2.0)
 
Article original: https://news-mongabay-com.mongabay.com/2021/10/acts-of-poaching-and-other-crimes-cameroon-plans-a-new-road-in-lobeke-national-park/

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