Nouvelles de l'environnement

Déforestation en Colombie-Britannique : le gouvernement semble hésiter à prendre des décisions fortes

  • Le parti majoritaire de Colombie-Britannique, le Nouveau parti démocratique (NPD), s’est engagé l'automne dernier à protéger près de 335 000 hectares de forêts anciennes. Le NPD n'a cependant toujours pas donné suite, alors que l’industrie du bois s’empresse d’obtenir des droits d’exploitation sur les forêts anciennes de la province canadienne.
  • D’après les militants écologistes, les forêts anciennes de Colombie-Britannique disparaîtront d’ici 5 à 10 ans si le gouvernement n’agit pas rapidement. Cette déforestation intensive pourrait également empêcher le Canada d’atteindre les objectifs de réduction des émissions de CO2 fixés par l’Accord de Paris sur le climat.
  • Le NPD a promis une nouvelle politique de préservation des forêts réduisant leur exploitation. Les critiques ne faiblissent pourtant pas, dénonçant le conflit entre les promesses du gouvernement et sa volonté de protéger l’industrie forestière, en déclin, pour fournir des emplois aux communautés rurales.
  • Bien qu’il ne soit pour l’instant pas question de couper les forêts anciennes de Colombie-Britannique, les militants s’inquiètent. En effet, le groupe britannique Drax a récemment racheté le plus gros producteur de granulés de bois de la province et ses sept usines. Le groupe fournit jusqu'à 12 % de l'électricité du Royaume-Uni grâce à la plus grande centrale thermique à bois au monde. Une augmentation des exportations de granulés vers le Japon est également attendue.

L’année dernière semblait pourtant marquer un tournant politique pour les défenseurs des forêts anciennes en Colombie-Britannique. Dans la course à la conservation des forêts, le gouvernement provincial avait promis d’agir et de préserver certains des grands arbres les plus rares et menacés d’Amérique du Nord.

Dans sa lettre publiée en octobre dernier, John Horgan, Premier ministre de Colombie-Britannique et chef du NPD, déclarait : « Début septembre, nous avons pris des mesures afin de protéger près de 353 000 hectares de forêts anciennes. […] Mais ce n’est qu’un début. Beaucoup de nos vieux peuplements ont plus de valeur debout qu’ils n’en auraient une fois abattus. Ils en ont d’autant plus […] si nous considérons les avantages à plus grande échelle, pour les communautés et l’environnement. »

J. Horgan est même allé plus loin, annonçant que toutes les recommandations du rapport de 71 pages commandé par le parti en 2020 avaient été acceptées. Les auteurs, Garry Merkel et Al Gorley, y présentent un plan d’utilisation des terres détaillé, expliquant pourquoi et comment préserver les forêts primaires et anciennes, côtières et intérieures, qui disparaissent en Colombie-Britannique.

Parmi les 14 recommandations du rapport se trouve la suspension immédiate de l’exploitation « dans les forêts anciennes où les écosystèmes présentent un risque de perte de biodiversité irréversible très élevé ou à court terme ».

Pour la Colombie-Britannique, dont l’économie a longtemps été basée sur l’exploitation forestière, au détriment de la conservation, la déclaration de J. Horgan et l’adoption des recommandations du rapport représentent un changement radical.

Les forêts anciennes productives sont des écosystèmes complexes. Selon un autre rapport publié en 2020, BC’s Old Growth Forest : A Last Stand for Biodiversity [Les forêts anciennes de Colombie-Britannique : dernier combat pour la biodiversité] : « Les forêts anciennes combinent la lumière et la pénombre. Leur complexité structurelle peut inclure de grands arbres anciens vivants, des chicots morts sur pied, de longs troncs abattus, une canopée à plusieurs couches avec des trouées qui permettent la croissance du sous-bois, et une microtopographie accidentée. » Image par Jakob Dulisse.

« Talk and log » : des promesses audacieuses et des coupes rases

À peine six mois plus tard, les défenseurs des forêts, auparavant pleins d’espoir, qualifient les déclarations de John Horgan de « talk and log ».

Environ 50 % de la zone qui devait être préservée selon le Premier ministre demeure ouverte à l’exploitation forestière pour la fabrication de bois d’œuvre et de granulés destinés à la production d’électricité. Le reste a en effet été protégé et l’exploitons y a été suspendue, ainsi que recommandé par le rapport. Néanmoins, ces peuplements sont bien différents de ceux, intactes et biodiversifiés, initialement visés. On constate de plus que les entreprises du secteur forestier, qui ne se privent pas d’abattre toujours plus d’arbres, se sont lancées dans une course à l’acquisition de droits d’exploitation.

« L’avenir meilleur qui avait été promis à la Colombie-Britannique s’éloigne doucement de nous », déplore Tegan Hansen, militante de Stand.earth, une organisation de protection de l’environnement. « Au lieu de cela, on double la mise sur un modèle forestier qui rase les forêts primaires et menace davantage des espèces et des écosystèmes déjà en danger. »

Partout dans le monde, chercheurs et politiques reconnaissent qu’une réglementation stricte aux niveaux régional et national est indispensable. Car sans cela, il sera impossible de mettre en place les mesures de protection de l’environnement nécessaires pour préserver les forêts et la biodiversité et ainsi freiner le changement climatique.

Malheureusement, le protocole Kyoto, l’Accord de Paris ou encore les 25 dernières conférences des Nations Unies sur le climat nous ont montré que les paroles des gouvernements se changent rarement en actes concrets et significatifs. L’industrie, elle, continue de réchauffer la planète.

En interview, toutes les figures politiques et écologistes interrogées sur le sujet évoquent les conséquences désastreuses que l’échec de la gestion durable des forêts aura pour leur province et pour le monde.

Les forêts à faible productivité comme celle-ci sont loin d’avoir la même capacité de séquestration du carbone que les forêts anciennes. Image par T. J. Watt pour Ancient Forest Alliance.

« Nous allons manquer de forêts anciennes »

Il y a un an, l’écologiste forestière Karen Price et ses collègues, Rachel Holt et Dave Daust, ont publié un rapport alarmant qui reprend des données concernant les forêts de Colombie-Britannique. Les chiffres présentés révèlent que les forêts anciennes riches en biodiversité ne comptent que pour 1 % des peuplements forestiers de la province, contre 23 % selon les affirmations du gouvernement. Cet unique pour cent comprend notamment des forêts pluviales intérieures de cèdres rouges de l’Ouest et de pruches occidentales pluricentenaires.

Dans l’année qui a suivi, beaucoup de ces grands arbres ont été perdus aux mains de l’industrie du bois.

« Si le NPD n’agit pas, nous serons à court de forêts anciennes d’ici cinq à dix ans », a expliqué K. Price lors d’un entretien avec Mongabay. « Nous avons besoin des reports [promis par J. Horgan] pour que nous puissions dialoguer et planifier concrètement l’utilisation des terres. Et ce, avant que les forêts anciennes concernées n’aient disparu. »

Aux arguments de l’écologiste, le gouvernement a chaque fois répondu que sauver les arbres prend du temps. Le rapport Merkel/Gorley recommandait, par exemple, que 200 tribus des Premières Nations britanno-colombiennes soient consultées au sujet des terres qu’elles souhaitent protéger avant la rédaction des réglementations. Selon le NPD, ces discussions sont en cours.

Karen Price, écologiste forestière. Image par Dave Daust.

Mais « dans toute la Colombie-Britannique, il y a des Premières Nations qui ont déjà demandé un moratoire sur l’exploitation des forêts anciennes qui se trouvent sur leurs terres. […] Certaines communautés [autochtones] ont établi des cartes prêtes à être partagées avec le gouvernement. Seulement, l’industrie forestière a pris ces cartes et semble privilégier l’exploitation de ces zones […] Et le gouvernement ne fait rien pour protéger ces forêts anciennes », s’inquiète K. Price.

Conservation North, un groupe de défense des forêts, a mis au point une carte interactive intitulée Seeing Red : Bc’s last primary forests [Voir rouge : les dernières forêts primaires de Colombie-Britannique]. La carte, en couleur, couvre l’ensemble de la province. Elle permet de constater l’étendue de la déforestation en Colombie-Britannique face à la proportion, infime, de forêts primaires et anciennes encore intactes.

Karen Price et d’autres écologistes de premier plan se disent exaspérés par l’inaction du gouvernement. Selon eux, les rapports de terrain alarmistes sur la déforestation, les lettres aux ministres des Forêts provinciaux et les déclarations publiques alarmantes ne reçoivent que de vagues réponses officielles du NPD.

« Nous sommes frustrés parce que les enjeux sont élevés », explique-t-elle. « C’est un gouvernement qui est censé être à l’écoute de la science. Il y a des gens bien au sein du NPD [réélu par des marges historiques en novembre]. Mais l’exploitation des forêts en Colombie-Britannique ne ralentit pas, environ 200 000 hectares sont coupés chaque année. Une grande partie de cette forêt est ancienne. »

« Si nous ne les protégeons pas », poursuit-elle, « le Canada n’atteindra pas les objectifs de réduction des émissions de carbone fixés par l’Accord de Paris. Nous devons préserver nos forêts pluviales intérieures et côtières. Il est essentiel de travailler à l’atténuation des effets du changement climatique au Canada et dans le monde. »

Les militants écologistes craignent que les dernières forêts anciennes de Colombie-Britannique ne soient transformées en granulés de bois brûlés à l’étranger pour produire de l’électricité. Image provenant de Flickr.

Industrie contre la nature ?

Garry Merkel, co-auteur du rapport A New Future for Old Forests [Un autre avenir pour les forêts anciennes], a confié à Mongabay que l’adoption des recommandations ne le surprenait pas. Après tout, Al Gorley et lui ont été choisis par le NPD. Le duo a travaillé plusieurs mois à recueillir les commentaires des parties prenantes et jouit d’une bonne réputation d’environnementalistes apartisans.

Outre leur recommandation d’un moratoire immédiat sur l’exploitation des forêts anciennes, A. Gorley et G. Merkel ont appelé à un changement de politique radical dans une province dont l’économie s’est construite sur l’exploitation forestière et les exportations de bois d’œuvre. Leur recommandation : la nature doit passer avant l’industrie. Ainsi, écrivent-ils, « la conservation de la santé de l’écosystème et de la biodiversité des forêts de Colombie-Britannique [devient] une priorité absolue », et des lois sont promulguées pour assurer la protection des forêts plutôt que celle des intérêts forestiers.

En Colombie-Britannique, les lois actuelles semblent protéger les forêts, leur faune, leur impact visuel et les loisirs en milieu sauvage. Le problème ? Ces lois ne peuvent réduire la « coupe annuelle autorisée » de bois d’œuvre que de 10 %. Selon les militants, les actions de J. Horgan et du NPD montrent que le mantra « traditionnel » tient toujours : l’industrie du bois d’abord, la nature ensuite.

« Nous devons changer fondamentalement de paradigme pour gérer la santé de l’écosystème et celle de la terre », a déclaré G. Merkel. « Nous ne pouvons pas continuer à nous engager sur la voie d’une gestion des ressources [ligneuses] soumise à des contraintes. Ce modèle ne fonctionne pour personne. »

« Notre tâche consistait à formuler des recommandations sur la manière d’adopter une approche beaucoup plus scientifique de la gestion des forêts anciennes de Colombie-Britannique », a-t-il ajouté. « C’est [maintenant] au gouvernement de trouver un équilibre. »

Il considère par ailleurs que c’est effectivement ce que fait le NPD, « aussi vite qu’il le peut ». Il reconnaît toutefois que les reports d’exploitation n’ont pas été mis en place comme promis. Selon lui, il faudra deux à trois ans pour mettre en œuvre les nouvelles réglementations adoptées par le NPD, et les forêts anciennes actuellement menacées auront probablement disparu d’ici là.

D’autres doutent que le NPD puisse modifier le modèle économique historique de la Colombie-Britannique, centré sur la sylviculture. Ils soulignent que le secteur conserve un poids politique certain bien qu’elle ne représente aujourd’hui plus que 3 % du PIB de la province.

Ce qui, selon G. Merkel, doit également changer : « La Colombie-Britannique s’est construite sur le dos de l’industrie forestière, elle fait partie intégrante de notre culture. » Dans cette province de deux fois la taille de la France et autrefois couverte de forêts, le bois devait sembler inépuisable. Mais « il n’y en a pas à l’infini. C’est la direction que nous prenons : [vers] un modèle plus durable pour tous. »

L’usine de Pinnacle Renewable Energy de Strathnaver, qui produit des granulés de bois exportés pour la production d’électricité. Lorsqu’il est brûlé, le bois rejette plus de dioxyde de carbone par unité d’électricité produite que le charbon ou le gaz. Même en remplaçant l’arbre abattu, plusieurs dizaines d’années seront nécessaires à la réabsorption de ce CO2. Un temps dont le monde ne dispose pas alors qu’il est engagé dans une course à la réduction des émissions de gaz à effet de serre. Image par Mary Booth.

La ministre des Forêts provinciale de Colombie-Britannique s’exprime

Mongabay a demandé un entretien avec Katrine Conroy, ministre des Forêts nommée par le NPD. Bien qu’elle ait décliné par l’intermédiaire d’un porte-parole, la ministre s’est exprimée sur les forêts anciennes. Elle n’a toutefois répondu à aucune question spécifique.

« Nous souhaitons que chacun puisse apprécier les arbres anciens dans les années à venir. Nous nous devons également de soutenir un secteur forestier qui soit durable pour les travailleurs et pour les communautés », a-t-elle déclaré. « En septembre, nous avons travaillé avec les Premières Nations, de gouvernement à gouvernement, pour protéger neuf des forêts anciennes les plus à risque de Colombie-Britannique. Il s’agit d’une étape cruciale dans l’application de deux des recommandations du rapport [Merkel/Gorley] sur les forêts anciennes. »

« Nous savons qu’il y a encore beaucoup à faire. Et pour cela, nous suivrons les conseils du rapport sur les forêts anciennes. Nous engagerons pleinement les dirigeants autochtones, les industriels, les travailleurs, les communautés et les organisations de protection de l’environnement afin de trouver la bonne marche à suivre pour les forêts anciennes de Colombie-Britannique. »

Pour l’écologiste forestière Karen Price, il s’agit là du parfait exemple de « talk and log ». Les rapports publiés indiquent que ces « neuf forêts anciennes à risque » sont actuellement exploitées par l’industrie du bois. Elle considère que certaines des recommandations les plus cruciales de G. Merkel et A. Gorley n’ont toujours pas été appliquées.

Dans une tribune libre qu’elle a coécrite pour le Vancouver Sun en octobre, K. Price a estimé que la superficie de la majestueuse forêt ancienne nouvellement protégée ne représente en réalité que 36 kilomètres carrés le long de la côte et à l’intérieur des terres.

Pinnacle Renewable Energy exploite sept usines de granulés en Colombie-Britannique et est le plus grand producteur de granulés de la province. Ci-dessus : l’usine de Burns Lake. En février, le groupe britannique Drax a annoncé le rachat de Pinnacle, contribuant ainsi à assurer l’approvisionnement en bois de sa gigantesque centrale électrique. Image provenant de Google Earth, CNES-Airbus 2021.

Billet vert contre politique verte

Kevin Kriese, président du Comité des Pratiques forestières et expert en foresterie, a été témoin de plusieurs décennies de politiques qui ont toutes entraîné une augmentation de l’exploitation forestière dans la province.

« Je pense que le gouvernement s’est engagé politiquement, mais qu’il ne sait pas vraiment à quoi. Lorsque vous lisez le rapport Merkel/Gorley, vous vous rendez compte qu’il laisse une grande place à l’interprétation. Certains pensent que son propos est évident, d’autres vous diront que le diable est dans les détails. Quoi qu’il en soit, le gouvernement doit engager des ressources importantes pour mener à bien ce plan, et pour l’instant, nous n’en avons pas vu la couleur », a-t-il dit à propos du NPD.

Ce déséquilibre économique entre la foresterie et la conservation est en partie dû à l’industrie des granulés de bois. À travers l’exportation de granulés, le secteur a créé plusieurs centaines d’emplois, là où des milliers ont disparu dans les scieries. Selon les experts, la production de pellets représente 10 % de la consommation de bois de la province sous forme de déchets de bois, d’arbres malades ou d’arbres en bonne santé peu intéressants pour la production de bois d’œuvre. Ces derniers sont toutefois précieux pour l’environnement en ce qu’ils sont des puits de carbone et des havres de biodiversité.

Et cette industrie est bien loin de perdre en puissance : en février, Drax a annoncé qu’il rachetait le plus grand producteur de pellets de Colombie-Britannique et sept des usines de la province. Drax fournit jusqu’à 12 % de l’électricité du Royaume-Uni dans la plus grande centrale thermique à bois du monde. Une installation que le Royaume-Uni prétend neutre en carbone, bien que la science ait démontré à plusieurs reprises que ce n’était pas le cas. Le groupe est aussi présent dans le sud-est des États-Unis, également à des fins d’exportation. L’un des objectifs déclarés de l’entreprise est de garantir l’approvisionnement de granulés de bois destinés à la production d’électricité, un marché en pleine expansion au Japon.

Le caribou prospère dans les forêts anciennes canadiennes. Image reproduite avec l’autorisation du gouvernement canadien / © John A. Nagy.

Pour K. Kriese, le NPD fait face à un dilemme politique entre deux objectifs contradictoires : soutenir l’industrie du bois et mieux protéger les forêts. « [Pour] ceux qui ont un programme fort en matière de conservation, la moindre brindille de forêt ancienne compte », a-t-il déclaré. « Et de l’autre côté, vous avez ceux qui pensent qu’on peut protéger une partie des forêts anciennes et couper le reste. […] C’est le défi [au sein du NPD]. »

La croissance fulgurante de l’industrie des granulés n’aide pas à arranger le problème. En effet, la quantité de déchets du bois utilisés pour la fabrication de granulés va en diminuant, rendant l’abattage d’arbres nécessaire au maintien de la production. Ainsi, la pression exercée sur les hautes forêts anciennes provient encore aujourd’hui principalement de l’industrie du bois, le gouvernement cherchant à sauvegarder un marché du travail à bout de souffle dans les communautés rurales.

« Nous nous sommes engagés dans quelque chose que l’administration n’a jamais fait auparavant : changer l’équilibre actuel entre conservation et exploitation forestière », explique K. Kriese. « La balance va-t-elle pencher vers l’écologie, ou vers l’économie ? Le temps nous le dira. »

Alors que l’horloge tourne, une question cruciale demeure qui est commune à toutes les régions et nations : y a-t-il une véritable volonté politique de prendre les décisions qui profiteront à une planète qui se réchauffe dangereusement avant de s’inquiéter des conséquences économiques ?

Des coupes rases dans la forêt pluviale boréale de la vallée de l’Anzac, en Colombie-Britannique. Image par Taylor Roades, reproduite avec l’autorisation de Stand.earth.

Fairy Creek : « l’épreuve décisive »

Cette volonté, Sonia Furstenau en a fait la preuve depuis son entrée sur la scène politique locale en 2014. Ce qu’il lui manque, c’est le pouvoir de changer les choses : le Parti vert de Colombie-Britannique, dont elle est à la tête, n’a que deux sièges au parlement provincial.

« Je sais ce qui est dit [au NPD], mais j’ignore qu’elle est la vision à long terme de ce gouvernement pour la foresterie », a-t-elle déclaré à Mongabay. « Ils adhèrent au statu quo qui nous donne les mêmes résultats depuis des décennies. »

Tous les gouvernements provinciaux qui se sont succédé ont pratiqué une politique de déforestation sur les « terres de la Couronne », dit-elle. « Cette terre appartient à l’État. C’est un bien public. Et le NPD permet que des décisions soient prises à son sujet, tout en ne tenant pas ses promesses. »

Ainsi, peuplements forestiers et industrie sylvicole continuent d’entrer en conflit. L’exploitation forestière est autorisée à moins de 100 mètres du sentier de la Côte-Ouest, sur l’île de Vancouver, jusqu’ici intact. Un projet d’usine de granulés de bois à Fort Nelson menace la plus grande étendue de forêt primaire et ancienne intérieure du nord de la Colombie-Britannique.

Et à Fairy Creek, qui ne fait que 1 200 hectares, le dernier bassin versant de forêt ancienne intact du sud de l’île de Vancouver est en danger. Des manifestants y ont bloqué les routes pendant des mois pour empêcher l’activité d’une société sylvicole, jusqu’à ce que la Cour Suprême de Colombie-Britannique intervienne et ordonne l’évacuation des manifestants début avril.

S. Furstenau compare les cèdres rouges de l’Ouest et les cyprès de Nootka de Fairy Creek, massifs et séculaires, aux grands animaux en danger d’extinction à travers le monde (rhinocéros, éléphants et lions).

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Cette vidéo présente un échange litigieux lors d’une session du Parlement de Colombie-Britannique le 25 mars. La chef du Parti vert de Colombie-Britannique, Sonia Furstenau, demande à la ministre des Forêts provinciale, Katrine Conroy, si le gouvernement néo-démocrate a l’intention d’éloigner les bûcherons de Fairy Creek, dernier bassin versant de forêt ancienne intact qui subsiste dans le sud de l’île de Vancouver.

« Nous reconnaissons le rôle, la rareté et la valeur qu’ont les grands animaux dans les écosystèmes africains », a-t-elle déclaré. « C’est la même chose ici, en Colombie-Britannique. Ces arbres sont les derniers géants. Les abattre juste pour produire du bois d’œuvre ou des granulés est désolant et montre une absence de vision à long terme. »

Parmi les majestueuses forêts anciennes en grand besoin de protection décrites pas le rapport Merkel/Gorley, Fairy Creek est en première ligne, disent les militants. Mais lorsque Mongabay lui a demandé si le NPD allait la protéger, la ministre des Forêts s’est refusée à tout commentaire.

« Je suis allée à Fairy Creek il y a quelques semaines. Pour y arriver, il faut traverser des zones de coupes à blanc. Et puis vous vous retrouvez dans cette forêt vierge. Ça change quelque chose en vous d’être dans un tel endroit. Vous êtes entouré d’une abondance de vie. Mais pour y arriver, vous devez traverser un paysage mort », raconte S. Furstenau.

Les forêts anciennes restantes de Colombie-Britannique ne sont pas seulement précieuses pour le stockage du carbone. Elles sont également appréciées pour leur caractère unique, la biodiversité qu’elles abritent et l’admiration qu’elles suscitent. Image par Jakob Dulisse.

Sonia Furstenau comprend les réalités économiques. Elle est consciente que la conservation des forêts britanno-colombiennes doit coexister avec leur exploitation. Elle ajoute toutefois : « Ce n’est pas en coupant le plus de bois possible en un minimum de temps que nous allons protéger les emplois […] Si nous voulons à la fois des emplois et de la durabilité, il faut arrêter de faire passer les profits à court terme avant tout le reste. »

Le NPD, avec sa majorité parlementaire provinciale incontestée, a largement les moyens d’intervenir à tout moment à Fairy Creek, a souligné S. Furstenau. Il pourrait, s’il le souhaitait, racheter les permis d’exploitation et protéger ces arbres anciens en voie de disparition.

« Ils ont le pouvoir de le faire », a-t-elle insisté. « Ils sont le gouvernement et c’est une terre de la Couronne. C’est donc l’épreuve décisive, celle qui montrera s’ils pensent vraiment ce qu’ils disent. S’ils n’agissent pas pour protéger la totalité de Fairy Creek, nous aurons confirmation que leur discours est creux. »

 
Justin Catanoso, contributeur régulier de Mongabay, est professeur de journalisme à l’université Wake Forest en Caroline du Nord. Suivez-le sur Twitter : @jcatanoso.

Image de bannière : Forêt ancienne près de Prince George, en Colombie-Britannique. Image reproduite avec l’autorisation de Stand.earth.

 
Article original: https://news-mongabay-com.mongabay.com/2021/04/with-british-columbias-last-old-growth-at-risk-government-falters-critics/

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