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Les aires protégées dans le monde manquent de connexions, affirme une récente étude

  • Une récente étude, publiée dans la revue Nature Communications, a découvert que 9,7 % des aires protégées dans le monde étaient connectées par des terres que l’on considère comme intactes.
  • L’étude a utilisé la base de données de l’empreinte des activités humaines, laquelle cartographie l’impact des activités comme les routes et les terres agricoles, partout sur la planète.
  • D’après la recherche, alors que certains pays ont protégé 17 % de leurs zones terrestres — objectif indiqué dans les objectifs d’Aichi de la Convention des Nations Unies sur la diversité biologique — d’autres, y compris des réserves de biodiversité comme le Vietnam et Madagascar, sont à la traîne, affichant peu ou aucune connectivité dans leurs réseaux de réserves.
  • Les auteurs suggèrent que la recherche pourrait aider à orienter les décisions concernant les zones à protéger et la manière de les relier entre elles, de sorte à donner aux espèces la meilleure chance de survie.

Selon une récente étude, les aires protégées dans le monde sont essentiellement un méli-mélo de refuges séparés les uns des autres par l’empiètement de l’activité humaine.

Moins de 10 % de ces parcs et réserves sont connectés par un habitat intact, a révélé la recherche, publiée le 11 septembre dans la revue Nature Communications, même s’il existe des possibilités de connexion : plus de 40 % de la surface de la Terre reste intacte.

« Ces découvertes m’ont extrêmement alarmée », a indiqué dans un e-mail Michelle Ward, auteure en chef de l’étude et candidate au doctorat à l’université australienne de Queensland. « Ces résultats [signifient] que plus de 90 % des aires protégées sont isolées dans une mer d’activités humaines. Ceci devrait servir d’avertissement pour bon nombre de pays. »

A global map shows the discontinuity of the world’s protected area network. Image courtesy of Ward et al., 2020.
Une carte du monde montrant la discontinuité du réseau des aires protégées dans le monde. Image de Ward et al., 2020.

Certains pays ont augmenté la proportion de leurs terres protégées. Lorsque les terres sont intactes, c’est une bonne chose pour les espèces qui les peuplent, a expliqué Michelle Ward, car elles font office de sanctuaire soustrait à la vague d’exploitation des sols, à l’image de l’agriculture qui peut décimer des habitats critiques et des écosystèmes sains. Pour appuyer ces efforts, un grand nombre de gouvernements s’engagent à suivre l’objectif de conserver, d’ici 2020, 17 % de leurs zones terrestres et 10 % de leurs zones côtières, ainsi que certaines parties de l’océan sous leur contrôle, comme exposé dans les objectifs d’Aichi de la Convention des Nations Unies sur la diversité biologique.

Mais toutes les aires protégées ne sont pas sur un pied d’égalité. Si elles ne sont pas reliées à d’autres aires intactes, les écologistes craignent que ces aires ne soient rien de plus qu’une statistique et, qu’à ce titre, elles n’atteignent pas l’objectif d’aider les plantes et les animaux à surmonter les problèmes auxquels ils sont confrontés dans une planète en transformation.

« Les paysages connectés garantissent le déplacement des espèces dans un écopaysage », a expliqué Michelle Ward à Mongabay. « Les espèces se déplacent pour de nombreuses raisons, qu’il s’agisse de migrations, d’accouplement, d’éloignement de ses proches pour assurer la diversité génétique, ou encore de fuir une catastrophe naturelle comme un incendie ou suivre leurs climats préférés (surtout avec les changements climatiques actuels induits par l’homme). »

A black and white ruffed lemur in Madagascar. Image by skeeze via Pixabay.
Un vari, ou lémur à crinière, noir et blanc à Madagascar. Image de skeeze via Pixabay.

Avec ses collègues, elle a cherché les liens entre les aires peu impactées par l’homme sur l’écopaysage à l’aide de la base de données de l’empreinte des activités humaines. La carte de l’empreinte des activités humaines rassemble des données sur la myriade de manières dont les activités humaines affectent les habitats naturels, des routes et voies de chemin de fer aux villes et terres agricoles. L’analyse de l’équipe a révélé que 41,6 % de la surface de la Terre étaient intacte. Mais elle a également découvert que seuls 9,7 % des aires protégées dans le monde étaient connectées par des étendues relativement exemptes d’impacts humains et ainsi considérées comme intactes.

Ceci ne signifie pas que la connectivité est une panacée pour toutes les espèces, a fait observer Michelle Ward.

« La connectivité est difficile à mesurer, car les espèces utilisent l’écopaysage de différentes manières », a-t-elle poursuivi. « Certaines espèces, comme les lions d’Afrique, utilisent les routes pour se rendre dans des habitats avoisinants [et] d’autres ont besoin de zones loin de toute modification humaine pour pouvoir se déplacer à travers le paysage. »

Pourtant, « à l’âge du big data », il n’a jusqu’à présent pas été possible de mesurer globalement la qualité des paysages, a-t-elle précisé.

La recherche a identifié plusieurs pays, dont le Brésil et le Pérou, ainsi que le Groenland, territoire autonome du Danemark, qui ont atteint l’objectif d’Aichi, à savoir plus de 17 % de zones terrestres protégées et plus de 50 % de connectivité.

A Vietnamese mossy frog. Image by Rhett A. Butler/Mongabay.
Une grenouille mousse vietnamienne. Image de Rhett A. Butler/Mongabay.

Néanmoins, d’autres lieux, comme le Vietnam et Madagascar, tous deux des bastions d’espèces uniques et affichant de hauts niveaux de biodiversité, sont à la traîne, a déploré Michelle Ward. L’analyse a montré que seuls 8 % des zones terrestres du Vietnam étaient protégées et qu’aucune des réserves n’était connectée aux autres.

À Madagascar, les chiffres sont encore inférieurs : 4,2 % de la zone terrestre bénéficie d’une certaine protection, mais aucune aire protégée n’est « entièrement connectée », s’est-elle lamentée. Et Ward d’ajouter que les animaux qui gîtent dans les arbres comme plus de cent espèces de lémurs vivant dans cette île nation sont particulièrement sensibles à la perte de forêts connectées.

Selon Michelle Ward, l’étude pourrait être un outil précieux pour les scientifiques et les gouvernements, afin de les aider à déterminer les zones d’habitat irremplaçables restantes ainsi que les objectifs de protection et de restauration.

« Nous avons désespérément besoin de conserver nos dernières zones intactes et connectées », a-t-elle ajouté. « Afin de pouvoir conserver ces zones, elles doivent être formellement reconnues (grâce au statut d’aire protégée ou à d’autres mesures de conservation efficaces basées sur certaines zones), acceptées par la société, priorisées avec des planifications spatiales, viables sur un plan économique, puis gérées avec efficacité, pour qu’elles puissent être protégées des activités humaines. »

Image de bannière : ours polaires au Groenland d’Andreas Preusser.

John Cannon est un rédacteur d’articles de fond chez Mongabay. Suivez-le sur Twitter @johnccannon

Citation:

Ward, M., Saura, S., Williams, B., Ramírez-Delgado, J. P., Arafeh-Dalmau, N., Allan, J. R., … & Watson, J. E. (2020). Just ten percent of the global terrestrial protected area network is structurally connected via intact land. Nature Communications, 11(1), 1-10. doi:10.1101/2020.01.28.920488

 
Article original: https://news.mongabay.com/2020/10/worlds-protected-areas-lack-connections-recent-study-finds/

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