Nouvelles de l'environnement

Le changement climatique pourrait mettre en danger la germination des plantes tropicales : Etude

  • Selon une analyse des données sur la germination des graines réalisée par le Royal Botanic Gardens Kew (Royaume-Uni), dans le pire des cas, plus de 20 % des espèces végétales des tropiques pourraient connaître des températures trop élevées pour que leurs graines puissent germer d'ici 2070.
  • Selon ce même scénario catastrophe, plus de la moitié des espèces tropicales pourraient également voir leur taux de germination diminuer d'ici 2070, tandis que de nombreuses espèces des zones tempérées situées sous des latitudes élevées se rapprocheront de leur température optimale et pourraient ainsi connaître une hausse du taux de germination.
  • L'analyse montre que 26 % des espèces tropicales et 10 % des espèces des zones tempérées connaissent déjà des températures supérieures à leur optimum. Certaines plantes vivent dans des lieux où les températures sont déjà supérieures à leur maximum, ce qui laisse supposer que leur filiation à ces endroits pourrait véritablement s’éteindre.
  • Les plantes se trouvant en dehors des plages de températures optimales ou tolérables peuvent migrer vers des latitudes ou des altitudes plus élevées, et la diversité existante peut offrir un réservoir de variation génétique permettant aux espèces de s'adapter, mais malgré les limites physiologiques et les longues périodes de génération, même les espèces les plus diverses luttent.
La germination des graines est déjà affectée par le changement climatique, un impact qui devrait s’aggraver au cours du 21e siècle. Image de Susan Everingham, offerte par Alexander Sentinella.

Selon une analyse de plus de 10 000 études de laboratoire enregistrées dans l’entrepôt de données du Partenariat pour la banque des semences du millénaire, les plantes tropicales sont plus menacées par le réchauffement climatique car la température du sol peut devenir trop élevée pour qu’elles puissent germer. Les chercheurs ont constaté un risque plus élevé d’échec de germination pour les espèces vivant plus près de l’équateur.

L’étude, publiée dans la revue Global Ecology and Biogeography, a utilisé les données des expériences de germination des graines compilées par le Royal Botanic Gardens Kew pour calculer les caractéristiques de tolérance à la germination telles que la température maximale, minimale et optimale pour plus de 1 300 espèces de plantes, couvrant tous les continents sauf l’Antarctique. Ils ont constaté que de nombreuses espèces, en particulier celles des tropiques, vivent déjà en dehors de leur optimum et souffrent probablement d’un taux de germination réduit.

Les chercheurs ont combiné ces résultats avec la modélisation du climat pour prévoir le risque d’échec de germination d’ici 2070. “Plus de 20 % des espèces végétales des tropiques pourraient connaître des températures supérieures à leur température maximale de germination … [et] plus de la moitié des espèces tropicales pourraient avoir des taux de germination réduits”, a signalé l’auteur de l’étude, Alexander Sentinella, doctorant à l’Université de Nouvelle-Galles du Sud à Sydney (Australie). A titre comparatif, seuls 8% des espèces hors des tropiques dépasseraient leur température maximale de germination au cours des 50 prochaines années selon les prédictions actuelles.

Les espèces vivant sous des latitudes élevées ont tendance à se rapprocher de leur température minimale, ce qui signifie que le changement climatique pourrait en fait les rapprocher de leur optimum. “Pour les espèces vivant sous des latitudes plus élevées, l’augmentation des températures peut augmenter leur taux de germination”, a expliqué Sentinella.

Lauren Buckley, une écologiste évolutionniste de l’Université de Washington n’ayant pas contribué à l’étude, a qualifié les résultats de passionnants. Elle a déclaré que l’étude “comble un manque de données pour prouver que les plantes tropicales pourraient [comme les animaux] être plus menacées par le réchauffement”.

“La température influence souvent particulièrement les premières étapes de la vie. La germination est donc un bon point de départ pour examiner la sensibilité au changement climatique”, a-t-elle ajouté.

Illustration tirée d’un manuel de botanique, datant de 1860, sur la structure complexe des plantes. Avec l’intensification du changement climatique, les températures vont modifier les environnements à température optimale pour les plantes, ce qui signifie que ce qui poussait dans un environnement tel que dessiné dans ce manuel de 1860 pourrait déjà avoir disparu ou disparaître de cet environnement d’ici 2070. Image du domaine public.

Les plantes se trouvant en dehors des plages de températures optimales ou tolérables peuvent migrer vers des latitudes ou des altitudes plus élevées pour éviter les températures torrides. “L’étude souligne la nécessité de conserver les habitats tropicaux intacts afin que les organismes puissent trouver des refuges thermiques et modifier leur répartition en raison du réchauffement climatique”, a déclaré Buckley. La fragmentation des biomes tropicaux résultant de la déforestation généralisée, de l’agro-industrie, de l’exploitation minière et de la construction d’infrastructures pourrait réduire considérablement le potentiel de réussite de la migration des plantes.

Sentinella a déclaré que la diversité des espèces peut offrir un réservoir de variation génétique, fournissant une résilience qui peut être cruciale pour que les espèces s’adaptent aux changements climatiques, ce qui rend d’autant plus important la conservation des écosystèmes tropicaux existants. Cependant, les limites physiologiques et les longues périodes de génération peuvent signifier que même les espèces les plus diverses ont du mal à s’adapter.

En fait, l’étude a montré que certaines espèces ont déjà dépassé leur température maximale de germination, elles pourraient donc être en “dette d’extinction”. Les espèces à longue durée de vie qui poussent dans un environnement où leurs graines ne sont plus capables de germer verront leur lignée s’éteindre à cet endroit. La mesure dans laquelle de telles extinctions locales pourraient perturber les écosystèmes tropicaux dépasse le cadre de l’étude.

La germination marque le premier point d’échec potentiel d’une plante, et elle est aussi relativement facile à étudier. Mais les recherches mondiales sur les effets du climat à d’autres étapes du cycle de vie ont été limitées en raison des défis à relever.

“Même si une graine germe, elle doit survivre au stade de plantule et ensuite s’établir comme une plante mature. Ces dernières étapes sont beaucoup plus difficiles à mesurer, mais elles sont essentielles pour comprendre exactement comment les écosystèmes réagiront au changement climatique”, a déclaré Sentinella.

Cependant, les études réalisées jusqu’à présent laissent croire que le changement climatique pourrait pousser les plantes à leurs limites physiologiques. Par exemple, une étude de 2018 a révélé que dans les forêts tempérées et tropicales, les plus grands arbres connaissent régulièrement des températures suffisamment élevées pour entraver la photosynthèse. D’autres menaces auxquelles sont confrontés les écosystèmes tropicaux, notamment la déforestation et les feux de friches, peuvent également faire augmenter la température du sol, ce qui pourrait aggraver les effets négatifs de la chaleur sur les forêts et les savanes du 21e siècle.

Les expériences de germination des graines peuvent fournir des données sur les températures de germination maximales, minimales ou optimales et sont relativement rapides et faciles à réaliser. Image de Susan Everingham, offerte par Alexander Sentinella.

L’équipe de recherches a utilisé les données de la phase 5 du Projet d’intercomparaison de modèles couplés (CMIP5) du Programme mondial de recherches sur le climat dans le cadre d’un scénario de fortes émissions, faisant de ces prévisions le pire scénario que les plantes pourraient subir d’ici 2070.

Si nous prenons des mesures maintenant pour atténuer le changement climatique futur, “la réalité ne sera pas aussi désastreuse que le prévoit notre étude”, déclare Sentinella.

Depuis 50 ans, les scientifiques ont émis l’hypothèse que les plantes et les animaux vivant dans les climats tropicaux, où les variations annuelles de température sont relativement faibles, auraient évolué pour tolérer une plage de températures plus courte que les espèces des climats tempérées, qui doivent faire face à de grandes variations saisonnières de température.

La preuve de cette relation de vulnérabilité par rapport aux températures entre les régions a été jusqu’à présent largement appuyée par des études sur les animaux. Mais de nombreux chercheurs s’attendent à ce que les espèces végétales tropicales soient tout aussi vulnérables que les espèces des régions tempérées, car même une augmentation modérée des températures du sol et de l’air peut les faire sortir de leur plage de tolérance.

La nouvelle étude représente le premier test mondial de cette hypothèse de variabilité climatique pour la tolérance à la température du règne végétal. Mais contrairement à cette hypothèse, les résultats montrent que les graines de 443 espèces différentes dans les zones tropicales et tempérées peuvent tolérer une amplitude de température similaire (environ 15 degrés Celsius) bien que centrée autour de différentes températures optimales.

“Les espèces tropicales sont plus menacées par le réchauffement, non pas parce qu’elles ont des tolérances plus limitées, mais car elles sont simplement plus proches de leur limite supérieure”, a expliqué Sentinella. Un gradient latitudinal dans les tolérances de température est une hypothèse clé utilisée dans de nombreuses autres théories écologiques, donc ce résultat “peut avoir des implications pour les modèles d’évolution et les gradients latitudinaux de la biodiversité”, a déclaré Buckley.

Citation : 

Sentinella AT, Warton DI, Sherwin WB, Offord CA, Moles AT. Tropical plants do not have narrower temperature tolerances, but are more at risk from warming because they are close to their upper thermal limits. Global Ecol Biogeogr. 2020;00:1–12.

Image de bannière : La germination des graines est déjà affectée par la hausse des températures du sol. Image de morningchores.com trouvée sur Pinterest.

 
Article original: https://news-mongabay-com.mongabay.com/2020/08/climate-change-could-put-tropical-plant-germination-at-risk-study/

Quitter la version mobile