Nouvelles de l'environnement

Le géant de l’huile de palme fait à nouveau l’objet d’un examen concernant des plantations gabonaises

  • Le mouvement World Rainforest affirme que les opérations d’huile de palme d’Olam ne respectent pas les engagements volontaires de zéro déforestation et constituent un manquement vis-à-vis des communautés locales.
  • Olam répond que ses plantations sont entièrement durables et ont été mises en place en étroite coopération avec les populations locales.
  • Cette année, le Forest Stewardship Council (FSC) s’apprête à enquêter sur la durabilité des plantations, à la suite d’une plainte distincte déposée en 2016.

Le World Rainforest Movement (WRM) a accusé l’entreprise d’agroalimentaire basée à Singapour Olam de prendre des engagements de « zéro déforestation » sans fondement en ce qui concerne une exploitation majeure d’huile de palme au Gabon, et de négliger les droits des communautés locales.

Dans un rapport publié le mois dernier, le WRM avance par ailleurs qu’Olam ne remplit pas ses engagements pris envers les villageois dans la province centre-sud de Ngounié, avant le développement de dizaines de milliers d’hectares de nouvelles plantations d’huile de palme.

Oil Palm Gabon, une joint-venture entre Olam et le gouvernement du Gabon mise sur pied en 2011, possède au total 144 000 hectares ; 56 000 ha ayant été plantés pour l’huile de palme et 72 000 ha étant protégés de manière permanente. Aucune nouvelle plantation n’a été développée depuis 2017 et il n’existe actuellement aucun projet dans ce sens explique Olam.

Recent forest clearance for oil palm by Olam, Kango, Gabon. Photo by: Alexander De Marcq.
Déboisement de forêt pour l’huile de palme à Kango au Gabon. Image d’Alexander De Marcq.

Le WRM affirme que les déclarations d’Olam, selon lesquelles l’entreprise aurait protégé les forêts de haute conservation ou à forte valeur carbone, installant des plantations uniquement sur des lieux cartographiés comme « prairies, forêts secondaires ou zones d’exploitation forestière dégradées », sont fausses.

« En fait, Olam a embauché une entreprise d’exploitation forestière pour abattre du bois ayant une valeur commerciale », a expliqué le WRM, « [et] les profits générés ont ensuite été partagés entre l’entreprise d’exploitation forestière, l’État gabonais et les communautés. » Des plantations d’huile de palme ont ensuite pu être développées sur ces terres « dégradées ».

Selon Olam, les allégations formulées dans le rapport sont « dans les faits inexactes et fausses. »

Selon Steve Fairbairn, directeur du groupe des affaires externes d’Olam, le WRM semble avoir pris, à tort, ce qu’il décrit comme une « opération de sauvetage bénéficiant aux communautés » pour de l’exploitation forestière.

La dégradation est le fruit de cycles répétés de récolte de bois sur plusieurs décennies par d’autres entreprises, a-t-il expliqué à Mongabay, bien qu’Olam ait récupéré des bois « commercialisables de faible qualité qui avaient été ignorés par les exploitants de forêts. » Selon Steve Fairbairn, Olam n’a fait aucun bénéfice sur ces ventes.

D’après le WRM, il est impossible de vérifier le compte rendu d’Olam concernant quand et par qui les terres étaient exploitées à l’origine, car l’entreprise refuse de divulguer les documents qui peuvent en établir la preuve irréfutable.

Le rapport du WRM, produit en association avec l’ONG gabonaise Muyissi Environnement, fait également référence à de nombreux villageois anonymes qui décrivent des impacts tels que : la destruction de zones où ces derniers s’approvisionnaient auparavant en fruits et plantes médicinales, la fragmentation des habitats menant à des conflits accrus avec les éléphants et la contamination de sources d’eau en raison des produits agrochimiques utilisés sur les plantations.

Selon le rapport, l’accès à une forêt a été restreint après l’adoption de la politique de zéro déforestation d’Olam en 2017. D’autres villageois ont raconté aux chercheurs que les routes étaient équipées par des postes de contrôle, où les gardes ne laissent passer que ceux qui ont des permis délivrés par l’entreprise. « Si un agent de sécurité d’Olam découvre que vous transportez un produit de la chasse ou des outils utilisés pour la pêche, ils confisquent la viande ou nous expulsent des endroits que nous utilisons habituellement », a expliqué un villageois.

Selon le rapport, les femmes en particulier sont négativement affectées, la pêche étant pour elles une activité traditionnelle. « Les individus d’Olam ont porté atteinte à nos eaux, et nous les surprenons constamment en train de déféquer dans les lacs qui subsistent », a révélé une femme aux chercheurs.

Selon le WRM, il est nécessaire de maintenir l’anonymat des contributions des villageois afin de protéger leur identité. « Nous suivons cette procédure depuis plusieurs années lorsque nous produisons des rapports qui exposent une entreprise particulière comme Olam », explique la coordinatrice Winnie Overbeek.

Steve Fairbairn a indiqué à Mongabay qu’il a maintenu un dialogue régulier avec les habitants de 60 villages situés à proximité des plantations. Ces dernières s’inscrivent dans un processus visant à équilibrer avec soin les besoins de développement du Gabon et la nécessité de préserver les forêts uniques du pays, affirme l’entreprise.

« Vu le nombre de villages et les milliers de personnes dans la région, certains individus se sentent peut-être frustrés par les décisions prises à la majorité ; il se peut également que certains reprennent des enjeux et des questions qui ont déjà été résolues. Et bien entendu, certains membres de la communauté vont légitimement soulever ces questions », a indiqué Steve Fairbairn. « Toutefois, nous sommes d’avis que les opinions de ce rapport ne sont pas une représentation équilibrée des vues de toute la communauté ».

Lee White, ministre gabonais des Eaux et des Forêts a lui aussi rejeté les découvertes du WRM, avançant qu’Olam s’est conformé aux normes de la Table ronde sur l’huile de palme durable (RSPO) et devrait recevoir une certification complète d’ici l’année prochaine. Des études revues par des pairs ont montré que les plantations de palme d’Olam sont neutres du point de vue des émissions de carbone, tandis que le Gabon, dont la couverture forestière représente 88 %, présente un taux de déforestation global de seulement 0,025 % a-t-il ajouté.

Ce n’est pas la première fois que les activités d’Olam au Gabon font la une. Un rapport produit en 2016 par Mighty Earth et par l’ONG basée au Gabon Brainforest a accusé l’entreprise de s’approvisionner depuis 2012 en huile de palme auprès de fournisseurs qui avaient défriché 20 000 ha de forêts pour créer des plantations. Mighty Earth a déposé une plainte à l’encontre du Forest Stewardship Council (FSC), avec lequel Olam a une « politique d’association », mais celle-ci a été mise en attente lors de discussions en cours entre les deux parties.

« Au départ, Olam n’était pas très satisfait du rapport », a déclaré Phil Aikman, directeur de campagne de Mighty Earth, « mais après divers échanges avec l’entreprise et ses parties prenantes, ils ont convenu d’un moratoire sur tout nouveau défrichage dans les exploitations de palme et de caoutchouc ».

Phil Aikman explique que la plainte du FSC va faire l’objet d’une enquête dans les mois à venir. Un panel nommé par le FSC examinera la quantité de forêts défrichées, et s’il s’agissait bien de forêts d’une grande valeur sur le plan de la conservation ou de forêts secondaires dégradées comme l’indique Olam. Il se penchera par ailleurs sur la question de l’impact sur les communautés locales. Ce dernier aspect sera difficile à démontrer objectivement, ajoute-t-il.

« Ces questions sont courantes au Congo », affirme Phil Aikman. « Ce n’est pas parce qu’ils ont conclu un accord avec un chef de village que tout le monde est satisfait. Certaines communautés pensent que le développement de l’huile de palme est une bonne idée, sans toutefois se rendre compte des impacts que cela va avoir. Le WRM a produit un rapport utile qui devrait être réévalué par le panel de l’enquête ».

Selon le WRM, les promesses de déforestation volontaires telles que celles prises par Olam, sont rarement efficaces, car elles donnent l’impression qu’une industrie est correctement réglementée et que des mesures sont prises pour en amoindrir l’impact sur l’environnement. « Elles permettent la poursuite et l’expansion d’activités destructrices, divisent les communautés, affaiblissent la résistance et laissent les responsables de la déforestation et de l’accaparement des terres agir en toute impunité », a indiqué dans un e-mail le WRM à Mongabay.

 

Image de bannière: Fruits de palmier à huile. Image de Dave Barce. Wikicommons (CC BY-SA 4.0)

Article original: https://news.mongabay.com/2020/03/palm-oil-giant-olam-under-scrutiny-again-over-gabon-plantations/

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