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L’agriculture de subsistance abat les forêts à proximité des exploitations commerciales au Congo

  • Une nouvelle étude a révélé que la déforestation pour l'agriculture de subsistance se produit souvent à proximité des exploitations forestières, minières et agricoles commerciales en République démocratique du Congo.
  • La culture itinérante, qui fait vivre la plupart des agriculteurs de la RDC et leurs familles, contribue en grande partie à la perte de forêts dans le pays.
  • Les opérations commerciales représentaient une perte de forêts relativement faible en RDC entre 2000 et 2015.
  • Cependant, l'étude a montré qu'environ 12 % de la forêt perdue à la suite de l'expansion de la zone utilisée pour l'agriculture itinérante se trouvait dans un rayon de 5 kilomètres de ces entreprises à grande échelle.

Selon une nouvelle étude qui se penche sur la RDC, les effets de l’exploitation forestière, minière et agricole commerciale peuvent se répercuter au-delà des limites des exploitations, entraînant une perte et une dégradation importantes des forêts voisines pour faire place à l’agriculture de subsistance.

Cette découverte, parue le 16 janvier dans la revue Land, n’est pas surprenante, a déclaré dans une interview l’auteur principal et scientifique dans le domaine géospatial Giuseppe Molinario. Lorsque de telles exploitations démarrent, les employés de ces entreprises et leur famille ont souvent recours à la culture itinérante pour subvenir à leurs besoins. D’autres études ont montré que la “perte et la dégradation contagieuses des forêts” a tendance à se produire autour des grandes plantations.

Un champ en feu pour préparer une plantation en RDC. Photo de John C. Cannon/Mongabay.

Cette étude est « la première à quantifier ce phénomène à l’échelle nationale », a ajouté Molinario, qui a récemment terminé son doctorat à l’Université du Maryland.

Avec ses collègues, il a commencé par dresser des cartes du complexe rural de la RDC – c’est-à-dire du mélange de terres agricoles et de jachères dans le cycle de l’agriculture de subsistance dont dépendent la plupart des agriculteurs du pays. Ils ont ensuite pris des centaines de points au hasard dans les zones où le complexe rural s’est étendu entre 2000 et 2015, ainsi que différentes “trouées” dans la forêt où des poussées de déforestation sont apparues au-delà du complexe.

L’équipe a utilisé une technique similaire lors d’études précédentes et a constaté que 90 à 92 % de la perte de forêts en RDC provenait de ce modèle cyclique de l’agriculture. Les cultures itinérantes représentaient 84 % du bassin du Congo. Ces chiffres sont beaucoup plus bas dans de nombreuses autres forêts du monde, a affirmé Molinario.

Une agricultrice dans son champ en RDC. Photo de John C. Cannon/Mongabay.

“Avec l’augmentation de la fertilisation, de la mécanisation et des infrastructures, il existe davantage de moyens de recourir à un autre type d’agriculture plus efficace et moins gourmand en ressources”, a-t-il déclaré. Par exemple, de vastes champs de soja et des pâturages pour le bétail sont à l’origine d’une grande partie de la perte de forêts au Brésil. En Asie du Sud-Est, les plantations commerciales de palmiers à huile continuent de supplanter la forêt tropicale.

Ces opérations industrielles ne jouent pas un rôle aussi important en RDC, même si Molinario et ses collègues affirment qu’elles sont en pleine expansion. Le complexe rural a pris de l’ampleur entre 2000 et 2015, et a consumé près de 47 000 km2 de forêts en RDC, selon les analyses de l’équipe. Les trouées isolées représenteraient plus de 25 000 km2. Au total, cela correspond à une zone de forêt primaire de la taille de la Sierra Leone, un pays d’Afrique de l’Ouest.

Images représentant les zones mises en évidence par l’étude de Molinario, adaptées de Molinario et al, 2017 CC BY-SA 3.0). Frontières nationales et images satellite fournies par Global Forest Watch et Google Earth.

Pour l’étude actuelle, les chercheurs ont également dessiné une zone tampon autour de chaque point échantillonné et ont recherché toute exploitation forestière, minière ou agricole à grande échelle dans ce secteur.

Les résultats ont montré que ces exploitations commerciales n’ont représenté à elles seules qu’une légère partie de l’expansion du complexe rural et de ces trouées forestières en RDC ; pas plus de 0,5 % entre 2000 et 2015.

Mais lorsqu’ils ont examiné cette zone tampon autour des points échantillonnés, ils ont découvert que près de 12 % de l’expansion et 9 % des trouées se sont produites, sur une période d’étude de 15 ans, à moins de 5 km de l’exploitation forestière, minière ou agricole à grande échelle ; la preuve que les travailleurs de ces exploitations industrielles et leur famille défrichent la forêt en faveur de leurs fermes. Molinario a ajouté que les analyses faisant état de la déforestation causée par ces exploitations dans leur voisinage direct sont “très limitées et probablement inexactes car elles ne prennent pas en compte cette dynamique dans son ensemble”.

Un mone de Wolf (Cercopithecus wolfi) en RDC. Photo de Rhett A. Butler/Mongabay.

Le décor est planté pour que cette perte de forêts se poursuive. En proie à une pauvreté extrême et à des infrastructures dérisoires, à des conflits et des troubles permanents et à une population croissante, les 85 millions d’habitants du pays n’ont guère le choix.

“Il semblerait que la culture itinérante soit le seul moyen de survivre, de gagner sa vie et de subvenir aux besoins de votre famille et de vos communautés”, a déclaré Molinario.

Selon les calculs de ses collègues, la forêt tropicale de la RDC, la deuxième plus grande au monde après celle du Brésil, pourrait n’être plus qu’un souvenir d’ici 2100.

“La culture itinérante continue d’augmenter et augmentera en parallèle à l’exploitation commerciale de ces terres, jusqu’à ce que la totalité de la forêt soit complètement dégradée ou dévorée” a déclaré Molinario.

Image de bannière d’un gorille des plaines de l’Ouest en RDC par Rhett A. Butler/Mongabay.

John Cannon est rédacteur en chef chez Mongabay. Retrouvez-le sur Twitter : @johnccannon

Citations:

Molinario, G., Hansen, M., Potapov, P., Tyukavina, A., & Stehman, S. (2020). Contextualizing Landscape-Scale Forest Cover Loss in the Democratic Republic of Congo (DRC) between 2000 and 2015. Land, 9(1), 23. doi:10.3390/land9010023

Molinario, G., Hansen, M. C., Potapov, P. V, Tyukavina, A., Stehman, S., Barker, B., & Humber, M. (2017). Quantification of land cover and land use within the rural complex of the Democratic Republic of Congo. Environmental Research Letters, 12(10), 104001. doi:10.1088/1748-9326/aa8680

Tyukavina, A., Hansen, M. C., Potapov, P., Parker, D., Okpa, C., Stehman, S. V., … Turubanova, S. (2018). Congo Basin forest loss dominated by increasing smallholder clearing. Science Advances, 4(11), eaat2993. doi:10.1126/sciadv.aat2993

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Article original: https://news.mongabay.com/2020/01/subsistence-farming-topples-forests-near-commercial-operations-in-congo/

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