- En 2018, aucun éléphant n’a été tué par le braconnage dans le parc national de Luangwa Nord en Zambie, et la zone environnante a connu une baisse de 50 % des carcasses trouvées.
- Le North Luangwa Conservation Programme, un partenariat entre la Société zoologique de Francfort (Frankfurt Zoological Society – FZS) et le Département des parcs nationaux et de la faune sauvage, existe depuis la fin des années 1980 et a concentré ses activités sur l’engagement communautaire visant à empêcher les braconniers de s’attaquer aux éléphants, aux rhinocéros et autres animaux sauvages du parc.
- Le personnel du programme affirme que la participation des communautés habitant près des limites du parc est critique à la protection des éléphants de Luangwa Nord.
- L’écosystème global de Luangwa abrite plus de 63 % des éléphants de Zambie.
L’épidémie de braconnage d’éléphants continue à déferler sur le continent africain. Ces dernières années, elle a même atteint des refuges isolés, tels que la vallée de la Luangwa en Zambie, où les morts par braconnage ont commencé à augmenter brusquement en 2014.
Cependant en 2018, une équipe de protection de l’environnement coopérant avec les communautés locales afin d’enrayer ces pertes a atteint une étape importante dans le parc national de Luangwa Nord.
« Nous n’avons perdu aucun éléphant à cause du braconnage en 2018 », déclare Solomon Chidunuka, le gardien de la province de Muchinga, qui travaille avec le North Luangwa Conservation Programme. C’est une réussite qui, selon Solomon Chidunuka et ses collègues, n’aurait pas été possible sans la participation et le soutien de dizaines de milliers de personnes qui vivent autour du parc.
Vidéo fournie par le North Luangwa Conservation Programme/Société zoologique de Francfort.
Les braconniers ont tué plus de 90 pour cent des éléphants de Zambie depuis les années 1950. Quelque 250 000 éléphants arpentaient jadis la savane du pays, mais après la crise du braconnage des années 1980, ce nombre est tombé à juste 18 000 individus en 1989. Malgré une certaine récupération au cours des années d’intervention, une forte demande d’ivoire durant les dix dernières années a maintenu la pression sur les éléphants de Zambie, suivant un déclin plus large sur tout le continent de 8 pour cent par an, selon une étude.
La vallée de la Luangwa, une partie du Grand Rift de l’Afrique orientale dans le nord-est de la Zambie, est depuis longtemps un sanctuaire pour des milliers d’éléphants (Loxodonta africana). En 1975, des chercheurs ont découvert qu’il y avait environ 86 000 éléphants dans les 40 000 kilomètres carrés de la vallée. Bien que n’égalant pas les pics historiques, une enquête récente menée par le Département des parcs nationaux et de la faune de Zambie a découvert environ 14 000 éléphants dans l’écosystème de Luangwa, presque deux tiers des éléphants restants en Zambie.
Il y a cinq ans, le braconnage s’est fortement intensifié dans la vallée de la Luangwa. Dans le parc national, 14 éléphants ont été tués en 2014 et 16 en 2015, ainsi que des dizaines de plus dans l’écosystème de 22 000 kilomètres carrés de Luangwa Nord qui inclut les zones de gestion du gibier qui entourent le parc. Avant 2014, trouver ne serait-ce que 10 carcasses d’éléphants tués par les braconniers par an dans tout l’écosystème de Luangwa Nord auraient été un choc, déclare Ed Sayer, le chef de projet pour le North Luangwa Conservation Programme, qui est dirigé conjointement par la Société zoologique de Francfort (FZS) et le Département des parcs nationaux et de la faune sauvage de Zambie.
Impliquer les communautés locales
La loi zambienne relative à la faune sauvage de 2015 (Wildlife Act of 2015) oblige à consulter les habitants – qui en bénéficient – pour les questions de chasse et de tourisme près de chez eux. Mais, continue Sayer, la bureaucratie et la corruption peuvent ralentir la circulation de ces fonds ; l’argent arrive souvent avec un an de retard, voire plus.
En outre, « la plupart des décisions censées être prises par la communauté sont prises à Lusaka », la capitale de la Zambie, ajoute Sayer. « Tant que [les communautés sont] coupées de l’accord, pourquoi devraient-elles s’en soucier ? »
Ayant peu de pouvoir, les membres de la communauté n’ont pas la motivation pour arrêter les braconniers, les signaler aux autorités ou les empêcher de chasser illégalement.
La demande étrangère est à l’origine de la quête pour trouver davantage d’ivoire. Et même si les registres des arrestations indiquent que les chasseurs illégaux venaient de plus loin que cette région de Zambie, les habitants étaient également parfois recrutés pour tirer sur les éléphants. Dans d’autres cas, les communautés locales « fermaient les yeux », explique Sayer.
« Si nous voulons réellement protéger ces grands espaces, nous devons garantir l’engagement complet des communautés, leur responsabilité et leur accès au revenu qui en découle » ajoute Sayer. « Notre meilleure défense, c’est la communauté locale. »
Depuis son lancement en 1986, le programme de conservation que Sayer dirige s’axait sur le contrôle du parc pour éviter les braconniers. Mais récemment, lui et ses collègues ont œuvré pour renforcer la participation communautaire. Sayer dit que le personnel s’est efforcé de combler le fossé entre les habitants et les autorités gouvernementales.
« Nous insistons auprès du gouvernement pour tenter de changer la politique relative au partage des bénéfices », indique Sayer.
Rodgers Lubilo, un conseiller technique principal pour les programmes communautaires de gestion des ressources naturelles avec la FZS a déclaré à Mongabay que leurs discussions avec les représentants du gouvernement ont contribué à améliorer la transparence et à réduire la « capture par les élites » de ces revenus réservés aux communautés.
Sur le terrain, Lubilo et son équipe de 14 agents de conservation communautaire travaillent dans cinq communautés qui comptent entre 60 000 et 70 000 personnes, continue-t-il. Avec le financement de la FZS, les projets d’apiculture, de pêche durable, de microfinancement et de gestion des forêts fournissent aux villages des alternatives essentielles à la tentation financière du braconnage.
« Nos structures communautaires autour de Luangwa Nord sont, à mon avis, les meilleurs du pays à l’heure actuelle », affirme Lubilo, et le parc est maintenant considéré comme « un centre économique pour la région ».
La société FZS attribue le déclin du braconnage au travail avec les communautés, ainsi qu’aux partenariats avec les autorités locales et les agences du gouvernement fédéral. Mais ce succès s’accompagne d’une augmentation des rencontres avec les éléphants ; l’organisation forme donc les membres de la communauté à protéger leurs maisons et leurs villages.
« Nous ne pouvons pas avoir un nombre croissant d’animaux sauvage, avec, en même temps, une communauté locale qui n’en tire aucun avantage », explique Sayer.
Par exemple, étaler de la pâte de piment sur les clôtures autour des cultures repousse les éléphants qui ont faim (et qui sont potentiellement destructeurs). Et si les animaux s’approchent trop des maisons et des fermes, les gardes formés utilisent des « lanceurs de piment » qui tirer des « bombes » remplies de piment pour faire fuir les éléphants sans leur faire de mal.
« Jusqu’à présent, cela semble bien fonctionner, » remarque Lubilo.
Gains pour l’application des lois
Les gardes de la communauté qui sont formés et équipés par la FZS viennent également renforcer les agents de police pour la faune sauvage employés par le gouvernement qui patrouillent dans le parc. À tout moment, 10 à 12 équipes composées d’un maximum de cinq agents de police pour la faune sauvage patrouillent les 4 636 kilomètres carrés du parc. Ces équipes sont chargées de protéger les éléphants et autres espèces sauvages, y compris les rhinocéros noirs (Diceros bicornis) uniques de Zambie, contre les braconniers.
« Nous ne laissons aucun trou dans le parc national », affirme Chidunuka, qui supervise les équipes.
Il explique que la FZS s’assure que les agents sont formés, équipés du matériel dernier cri et accompagnés d’une unité de chiens de détection qui peut alerter le maître-chien de la présence d’ivoire caché, de cornes de rhinocéros, de viande de gibier et de munitions. Les gardiens capitalisent également sur leurs connexions dans les communautés, recueillant des renseignements sur toute opération de braconnage potentiel qui pourrait s’organiser.
Le résultat pour l’un des espaces essentiels aux éléphants du pays est clair, annonce Chidunuka : « Le parc national de Luangwa Nord est le mieux protégé en Zambie. » En 2016 et 2017, le nombre d’éléphants tués par des braconniers a été réduit de moitié par rapport à 2014 et 2015.
Environ 150 autres agents, voire plus, patrouillent les périmètres de protection autour du parc pour tenter d’empêcher le braconnage dans ces zones également. Celles-ci ont observé une baisse de 50 pour cent du nombre d’éléphants tués illégalement en 2018.
Le gouvernement, au moyen des détenteurs de permis dans ces zones de gestion du gibier qui appartiennent à l’État, collecte des sommes importantes pour la chasse légale de gros gibier pratiquée par des chasseurs étrangers ; 30 pour cent de cet argent est reversé aux conseils pour les ressources communautaires.
Ce flux de revenus est critique pour faire fonctionner l’économie de la conservation dans le parc et l’écosystème global.
« C’est une très bonne forme de revenu pour la communauté, et c’est ce qui rend ces régions viables », explique Sayer. L’argent provient également de touristes qui partent en safari pour prendre des photos, mais ce tarif est moins élevé par visiteur. Pour les communautés, ajoute-t-il : « c’est important de ne pas se limiter à une activité et de se diversifier. »
Mais, continue Sayer, ils aimeraient que les communautés obtiennent encore plus. Sans bénéfices tangibles revenant aux communautés locales, il ajoute qu’ils auraient eu peu de chance de remporter un succès aussi important que l’élimination complète du braconnage ; ou qu’ils puissent tenir bon contre les braconniers à l’avenir.
« Les communautés doivent faire partie intégrante de toutes les décisions concernant leurs régions et être en mesure de choisir les formes d’opération qui y auront lieu, continue Sayer. Elles pourraient être notre plus grand avantage. »
Les éléphants qui arpentent actuellement la savane de Luangwa Nord sans être troublés par les braconniers semblent indiquer que les communautés sont déjà un grand avantage.
Image de bannière d’un groupe d’éléphants observés dans une rivière au coucher du soleil dans le parc national de Luangwa nord, Zambia © Daniel Rosengren/FZS.
Citations
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Article original: https://news-mongabay-com.mongabay.com/2019/04/community-buy-in-stamps-out-elephant-poaching-in-zambian-park/