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Une nouvelle espèce de lézard qui imite les feuilles pourrait déjà être victime du trafic d’animaux

  • Depuis les forêts du parc national de Marojejy à Madagascar, des chercheurs ont décrit une nouvelle espèce de gecko à queue de feuille qui a un corps légèrement comprimé, une petite tête triangulaire, et une queue en forme de feuille.
  • À ce jour, le gecko, nommé Uroplatus finaritra, se trouve uniquement à Marojejy, dans une petite zone à basse altitude. Les forêts de cette zone disparaissant rapidement en raison de l’exploitation forestière illégale dans le parc et dans les alentours, les chercheurs recommandent que le gecko soit inscrit en tant qu’espèce en danger sur la Liste rouge de l’UICN.
  • Le gecko pourrait d’ores et déjà être apparu dans le commerce international d’animaux sous le nom du plus commun gecko satanique à queue de feuille, Uroplatus phantasticus.

Un gecko à queue de feuille peut être extrêmement dur à trouver. Ces lézards de type Uroplatus, présents uniquement dans les forêts de Madagascar, peuvent habilement se camoufler parmi les feuilles mortes, avec parfois une patte qui dépasse, semblable à une brindille. « Nous recherchons littéralement une feuille parmi les feuilles », explique Mark D. Scherz, doctorant à l’université Ludwig et Maximilian de Munich (Allemagne).

Alors que les chercheurs qui étudient le parc national de Marojejy, dans la partie nord-est de Madagascar, viennent tout juste de décrire une nouvelle espèce de gecko à queue de feuille, cette dernière pourrait déjà être menacée d’extinction en raison de la perte d’habitat et du trafic illégal d’animaux.

Cette nouvelle espèce, appelée Uroplatus finaritra et décrite dans une étude publiée sur Zootaxa, est localement connue sous le nom de tahafisaka, selon l’auteure principale Fanomezana Ratsoavina, herpétologiste à l’université d’Antananarivo, à Madagascar. « Les guides locaux connaissent l’existence de ce gecko à queue de feuille, mais ne sont pas au courant de ce récent changement dans la taxonomie », explique Ratsoavina. « Marojejy est l’un des parcs nationaux les plus visités par les touristes, et ce gecko est apprécié pour sa superbe apparence. »

Parc national de Marojejy, au nord-est de Madagascar. Image par Mark D. Scherz.

Ratsoavina a aperçu U. finaritra pour la première fois en 2003, lorsqu’elle menait sa première étude de terrain à Marojejy dans le cadre de son master. À ce moment-là, elle ne savait pas que le gecko était nouveau pour la science.

Des années plus tard, en mai 2016, Achille Raselimanana, également herpétologiste à l’université d’Antananarivo, a recueilli des spécimens du gecko à Marojejy, suspectant qu’il s’agissait d’une nouvelle espèce. Dans un email, Scherz, l’un des co-auteurs de l’étude, explique que « bien que son apparence soit très proche d’une espèce similaire, le “gecko satanique à queue de feuille” (Uroplatus phantasticus), il semblait nouveau car la taille de son corps est bien plus grande par rapport à cette espèce. […] Je suis revenu en tant que membre de l’équipe du professeur Miguel Vence en novembre 2016, et j’ai eu la chance de trouver deux individus supplémentaires, tous deux à une distance considérable du sol. »

Les chercheurs ont ensuite emmené les spécimens au laboratoire, et après avoir analysé l’ADN du gecko, ont confirmé qu’il s’agissait bien d’une espèce nouvelle pour la science.

À l’instar des autres geckos à queue de feuille, U. finaritra a également un corps légèrement comprimé, une petite tête triangulaire et une queue en forme de feuille. Mais selon les chercheurs, la caractéristique la plus distinctive de cette nouvelle espèce est sa taille. Bien que U. finaritra appartienne à un groupe de geckos à queue de feuille de petite taille, il fait figure de géant dans ce groupe. De plus, l’intérieur de la bouche du U. finaritra est rouge foncé, explique Scherz, ce qui le distingue de ses congénères tels que le gecko satanique à queue de feuille, dont l’intérieur de la bouche est noir.

Les chercheurs ont nommé cette nouvelle espèce en référence au mot malgache finaritra, qui signifie « en bonne santé et heureux », en raison de leur « joie de décrire cette espèce splendide et exceptionnellement grande parmi un clade de geckos à queue de feuille généralement de petite taille. »

Mais cette nouvelle espèce pourrait déjà être menacée d’extinction. À ce jour, le gecko n’est connu que dans une petite zone dans les basses altitudes du parc national de Marojejy. Étant donné que les forêts de cette zone disparaissent rapidement en raison de l’exploitation forestière illégale, tant à Marojejy que dans les alentours, les chercheurs ont recommandé que le gecko soit inscrit comme espèce en danger sur la Liste rouge de l’UICN.

Uroplatus finaritra. Image par Mark D. Scherz.

Erreur d’identité

Ce n’est pas seulement la perte d’habitat qui menace la nouvelle espèce. Selon les chercheurs, le gecko pourrait également déjà être victime de trafic illégal d’animaux. Le gecko satanique à queue de feuille est un animal prisé de par le monde, et les chercheurs pensent que U. finaritra pourrait déjà être apparu dans le commerce international d’animaux sous le nom Uroplatus phantasticus « géant » (ou gecko satanique à queue de feuille de plus grande taille), inscrit à un prix plus élevé que l’U. phantasticus « normal ».

« Un jeune individu de U. finaritra peut uniquement être différencié d’un U. phantasticus adulte en vérifiant la couleur de sa bouche », explique Scherz. « C’est une tâche difficile à réaliser, qui nécessite de stresser les animaux et qui peut potentiellement les blesser irrémédiablement si cela est effectué par un non-expert. »

Selon les chercheurs, une manière de réduire le risque que cette nouvelle espèce ne soit confondue avec le plus commun gecko satanique à queue de feuille est d’inclure des informations précises sur l’origine géographique du gecko. Selon les informations actuelles, par exemple, la nouvelle espèce se trouverait au nord de l’aire de répartition du gecko satanique à queue de feuille, dans la région malgache de Sava. Dès lors, tout gecko qui apparaît comme « U. phantasticus région Sava » à l’exportation pourrait immédiatement être signalé comme un U. finaritra mal identifié, explique Scherz.

Rasoavina explique que la vente d’espèces en danger sous couvert d’espèces plus communes reste un grand problème dans le commerce d’animaux à Madagascar.

« Bien que la découverte d’une nouvelle espèce soit très excitante, nous devons également penser à sa conservation », explique Rasoavina. « Si la population naturelle d’Uroplatus finaritra du parc national de Marojejy reste intacte, sans perte d’habitat supplémentaire et sans activités d’exploitation illégale pour approvisionner le marché d’animaux, cette espèce restera en sécurité. »

La nouvelle espèce Uroplatus finaritra n’est connue que dans le parc national de Marojejy. Image de Mark D. Scherz.

Référence:

Ratsoavina, F. M. et al. (2019). Finaritra! A splendid new leaf-tailed gecko (Uroplatus) species from Marojejy National Park in north-eastern Madagascar. Zootaxa. DOI: http://dx.doi.org/10.11646/zootaxa.4545.4.7

Article original: https://news.mongabay.com/2019/01/new-species-of-leaf-mimicking-lizard-could-already-be-victim-of-pet-trade/

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