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La grippe aviaire décline chez les pingouins de Namibie après avoir fait près de 500 victimes

• Plus de 450 pingouins africains, animal menacé d’extinction classé sur la liste rouge de l’Union internationale pour la conservation de la nature (IUCN), ont péri lors d’une épidémie de grippe aviaire sur trois îles au large de la côte de Namibie.

• On pense que le virus de souche H5N8 a été introduit dans les colonies de pingouins — qui renferment 96 pour cent des pingouins namibiens — par un autre oiseau provenant d’Afrique subsaharienne, où une épidémie de ce type s’était produite en 2018.

• La maladie semble régresser et les chercheurs ont bon espoir que les pingouins du pays récupéreront.

• Toutefois, ces derniers continuent à faire face à des menaces de pénuries alimentaires causées par la surpêche et le changement climatique.

Depuis plus de trois mois, les pingouins vivant au large de la côte namibienne sont en proie à une épidémie de grippe aviaire. Le pire semble désormais passé, mais des centaines d’oiseaux ont péri, déplore Jessica Kemper, biologiste de la conservation indépendante basée à Lüderitz, en Namibie.

« Il se peut que nous déplorions encore des décès, mais avec un peu de chance l’épidémie sera terminée dans les prochaines semaines », a déclaré Jessica Kemper dans un e-mail adressé à Mongabay. « Heureusement, le virus n’a pas pris des proportions incontrôlables et à moins qu’il ne resurgisse ou qu’un événement potentiellement catastrophique ne survienne (comme une marée noire), la population devrait s’en remettre. »

Une colonie de reproduction de pingouins sur l’île d’Halifax près du phare de Dias Point. Image © Jessica Kemper.

Le ministère namibien de la Pêche a alerté le public de l’épidémie le 13 février. Mi-avril, le virus avait causé la mort d’au moins 459 pingouins sur les îles d’Halifax, d’Ichaboe et de Mercury au large de la côte du Sud-Ouest de la Namibie. Il se peut que davantage d’animaux aient péri, leurs carcasses charriées vers la mer avant que les scientifiques n’aient pu les compter. Jessica Kemper et ses collègues ont brûlé les cadavres de pingouins décimés par le virus de la grippe aviaire H5N8. Selon elle, c’est une mesure de sécurité pour empêcher le virus de se propager, apprise de biologistes du Cap en Afrique du Sud, qui ont été confrontés à une épidémie épidémie.

Traiter les oiseaux n’est pas une option viable, car la maladie progresse rapidement une fois que les pingouins commencent à être malades avant de tomber dans le coma, a expliqué Jessica Kemper. En fait, relâcher les oiseaux qui se sont remis du virus peut aider ce dernier à s’implanter dans la colonie.

« Il est difficile de ne pas pouvoir aider les oiseaux, mais cela ne sert à rien d’en sauver quelques-uns s’ils peuvent ensuite propager la maladie », a-t-elle ajouté.

Les scientifiques ont brûlé des carcasses de pingouins victimes de grippe aviaire sur l’île d’Halifax. Image © Jessica Kemper.

Le H5N8 présente peu de risques pour les humains, comme le confirment de récentes recherches scientifiques.

« Je pense en être la preuve vivante. Cela nous a pris plusieurs semaines de comprendre la cause du décès de ces pingouins et j’ai dû toucher des oiseaux malades pendant plusieurs semaines », se souvient Jessica Kemper, ajoutant qu’elle avait pris la précaution de porter des gants et un ciré pour les manipuler.

Mais cette maladie est « fortement contagieuse » chez les oiseaux, a-t-elle révélé. Elle suggère qu’un fou de Bassan, une sterne ou un autre pingouin auraient pu transporter le virus en 2018 d’une colonie du Cap affectée par la maladie jusqu’à Halifax.

Des pingouins d’Halifax et, en fond, un feu incinérant les carcasses. Image © Jessica Kemper.

« Les épidémies de grippe aviaire chez les animaux sauvages, en particulier chez les oiseaux aquatiques, sont très rares », nous a appris dans un e-mail Umberto Molini, vétérinaire et maître de conférences dans le service de pathologie de l’université de Namibie. Les oiseaux sauvages sont plus souvent porteurs de la maladie, a-t-il précisé. Umberto Molini cherche actuellement à savoir si le virus est de la même souche que le H5N8 qui a infecté la colonie d’Afrique du Sud.

D’après lui, la maladie peut par ailleurs dévaster les volailles domestiques, décimant jusqu’à 90 pour cent d’oiseaux dans une population atteinte.

« Heureusement, les îles sont éloignées de toute exploitation avicole et pour l’instant, l’épidémie semble avoir être circonscrite à l’île et aux pingouins », a expliqué Jessica Kemper.

Un pingouin victime de la grippe aviaire H5N8 qui a frappé les pingouins de Namibie, sans doute à partir de décembre 2018. Image © Jessica Kemper.

Les pingouins d’Afrique (spheniscus demersus), présents uniquement en Afrique du Sud et en Namibie, sont considérés menacés par l’IUCN et en danger critique d’extinction par le gouvernement namibien. Alors que le nombre de sardines atteignait son plus bas niveau, en raison de la surpêche des années soixante, les populations de pingouins, qui dépendent de cette alimentation, ont elles aussi décliné. Quand Jessica Kemper a débuté ses travaux à Halifax en 1999, quelque 450 couples de palmipèdes y vivaient, alors que des dizaines de milliers peuplaient autrefois l’île.

Halifax qui, avec les îles d’Ichaboe et de Mercury abrite 96 pour cent de la population de pingouins namibiens, comptait au dernier recensement de 2018 1400 couples reproducteurs de pingouins. Le photographe Thomas Peschak a bien saisi ce contraste sur l’île d’Halifax en juxtaposant des photos, l’une datant des années 1890 et l’autre de 2017.

« Le fait de perdre de 400 à 500 pingouins sur l’île va donc coûter cher à la population locale », s’est lamentée Jessica Kemper. Il s’agit pourtant d’une menace à laquelle les pingouins africains de Namibie sont susceptibles de survivre. Mais ces derniers évoluent dans un monde totalement différent de ce qu’il était il y a un siècle ou même quelques décennies de cela. Les chocs cumulés provoqués par la maladie et les pénuries alimentaires causées par le changement climatique et la surpêche pourraient bien être insurmontables pour ces espèces.

Un pingouin africain en train de mourir de la grippe aviaire. Image © Jessica Kemper.

Les pressions de la pêche n’ont pas permis aux sardines de se reconstituer, en dépit d’un plancton riche présent dans le courant Benguela, qui remonte les côtes de Namibie jusqu’à l’Antarctique. Une récente modélisation du système Benguela du sud a découvert que des températures plus chaudes auraient de fortes chances de diminuer la biomasse de bon nombre de types de vie marine attirée par les remontées de substances nutritives dans cette partie de l’Océan atlantique, du zooplancton jusqu’aux baleines, aux oiseaux marins et aux phoques. Les résultats, parus en 2018 dans la revue Fisheries Oceanography, indiquent que le poisson-forage, tel que les sardines, les harengs et les anchois — source essentielle de nourriture pour de nombreux animaux dont les pingouins — est susceptible d’être le plus touché.

Le nombre de sardines continue d’être bas ; par conséquent, le gouvernement namibien a stoppé la pêche commerciale à la sardine en 2017 pour trois ans. Selon Jessica Kemper, il s’agit d’un pas en avant pour permettre au stock de sardines de se reconstituer, mais il reste encore beaucoup à faire.

Un pingouin malade sur l’île d’Halifax. Image © Jessica Kemper.

« À mon avis, trois ans ne suffisent pas pour reconstituer un stock de sardines complètement épuisé », nous a confié Jessica Kempler.

« Après tout, la sardine est la CLÉ du bon fonctionnement de l’écosystème marin de Benguela », a-t-elle ajouté. « Si on élimine la sardine, plus rien ne fonctionne. Et c’est tout à fait ce qui se passe. Cela va bien plus loin que l’état de la population des pingouins. »

Image de bannière : pingouins africains sur l’île d’Halifax © Jessica Kemper.

John Cannon est un rédacteur de Mongabay basé au Moyen-Orient. Suivez-le sur Twitter : @johnccannon

Citations

BirdLife International. (2018). Spheniscus demersusThe IUCN Red List of Threatened Species2018: e.T22697810A132604504. doi:10.2305/IUCN.UK.2018-2.RLTS.T22697810A132604504.en. Downloaded on 23 April 2019.

Tate, M. D. (2018). Highly pathogenic avian H5N8 influenza viruses: should we be concerned? Virulence, 9(1), 20–21. doi:10.1080/21505594.2017.1386832

Ortega‐Cisneros, K., Cochrane, K. L., Fulton, E. A., Gorton, R., & Popova, E. (2018). Evaluating the effects of climate change in the southern Benguela upwelling system using the Atlantis modelling framework. Fisheries Oceanography27(5), 489-503. doi:10.1111/fog.12268

Article original: https://news.mongabay.com/2019/04/bird-flu-in-namibian-penguins-wanes-after-killing-nearly-500/. Traduction: Emmanuelle Groom.

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