Nouvelles de l'environnement

La pression humaine en bordure du Serengeti menace les espèces sauvages en son sein

  • Étendu sur plus de 40 000 kilomètres carrés, l’écosystème du Serengeti-Mara en Afrique de l’Est est l’une des plus grandes aires protégées au monde.
  • Une nouvelle étude révèle que les activités humaines au bord de l’écosystème affectent les migrations des espèces sauvages et poussent les animaux plus au cœur de l’aire protégée.
  • Les espèces sauvages déplacées ont moins de terres disponibles, ce qui déclenche une cascade d’évènements impactant les sols et la végétation, mettant en danger l’ensemble de l’écosystème.
  • Les auteurs de l’étude réclament des stratégies de conservation plus larges qui s’adressent non seulement aux aires protégées mais également à leurs abords et aux communautés locales.

Chaque année, des millions de gnous, de gazelles et de zèbres migrent entre le Parc National du Serengeti en Tanzanie et la Réserve Nationale de Maasai Mara au Kenya, dans l’un des spectacles naturels les plus emblématiques de la planète. La préservation de cette grande migration a été l’une des raisons pour laquelle près de 40 000 kilomètres carrés en Afrique de l’Est ont été désignés comme aires protégées dans les années 1950. Des communautés telles que les Maasai, qui vivaient dans la région depuis des centaines d’années, ont été expulsées et forcées à déménager. Aujourd’hui, les conséquences de cette mesure controversée se font encore sentir.

De nouvelles recherches montrent actuellement que la simple création d’aires protégées et l’éloignement des Hommes de celles-ci ne suffiraient pas à préserver la biodiversité.

Une étude publiée en mars dans la revue Science révèle que la présence de bétail au bord de l’écosystème du Serengeti-Mara pousse les espèces sauvages à s’éloigner de la frontière. En conséquence, les espèces sauvages sont de plus en plus « serrées » au cœur des aires protégées. Dans l’une des aires analysées, dans un rayon de 15 kilomètres de la frontière, par exemple, le nombre d’espèces sauvages a chuté de 50 à 75 % entre les années 1970 et 2000.

Les activités humaines ont déjà un impact sur la grande migration. Les données GPS recueillies au cours de ces 20 dernières années indiquent que les gnous évitent maintenant les limites des aires protégées. À la place, ils ont commencé à paître dans davantage d’espaces intérieurs avec des conséquences désastreuses pour l’écosystème.

Nouvelle dynamique

Creatures much smaller than baby lions still give off heat that can be detected at night by thermal imaging.
Lions en Tanzanie. Photo de Sue Palminteri/Mongabay.

La végétation, les saisons sèches et humides, les incendies et la migration des animaux de pâturage sont quelques-uns des éléments interconnectés de l’écosystème du Serengeti-Mara. Les changements dans l’un peuvent potentiellement affecter les autres. Par exemple, les feux naturels à la fin de la saison sèche consomment les vieux pâturages et enrichissent les sols, faisant place aux nouvelles herbes luxuriantes qui attirent les herbivores en migration.

Mais, aujourd’hui, la présence de bétail aux abords provoque un pâturage intensif dans ces aires et un déplacement des gnous. Avec moins de terres disponibles, les espèces sauvages sont également dans des zones de surpâturage au cœur des aires protégées. En conséquence, la superficie annuellement brûlée par les feux naturels a diminué, l’herbe n’est plus aussi verte et le sol s’appauvrit et devient moins efficace pour retenir le dioxyde de carbone.

« C’est un exemple important sur la façon dont les humains peuvent modifier et potentiellement réduire les mouvements des animaux, ce qui peut ensuite impacter le fonctionnement de l’écosystème. » a indiqué Robert Fletcher, chercheur au Département d’écologie et de conservation de la faune à l’Université de Floride, qui n’a pas participé à cette étude. Fletcher a déclaré que ces « effets de lisière » aux frontières étaient omniprésents dans le monde.

De récents travaux montrent que 70 % des forêts restantes dans le monde sont situées à moins d’un kilomètre de la lisière d’une forêt déboisée » ajoute-t-il.

Au-delà des aires protégées

Elephants in the brush of northern Tanzania.
Éléphants dans les broussailles du nord de la Tanzanie. Crédit photo : Sue Palminteri

L’une des conclusions de cette étude est que les stratégies de conservation doivent dépasser les limites des aires protégées.

« Cette découverte modifie notre vision de ce qui est nécessaire pour protéger la biodiversité » a déclaré Michiel Veldhuis, de l’Université de Groningen aux Pays-Bas, auteur principal de cette étude. « Il est urgent de repenser notre façon de gérer les limites des aires protégées pour pouvoir préserver la biodiversité ».

Dans leur article, les auteurs soutiennent que les accords mutuels entre les populations locales et les gouvernements sont la voie à suivre.

La croissance démographique dans la région, qui n’a cessé d’augmenter au cours des dernières décennies, est un point crucial auquel il faut s’attaquer. Le problème n’est pas nouveau dans le Serengeti et les chercheurs le mettent en garde depuis longtemps. Jafari Kideghesho, chercheur à l’Université d’Agriculture de Sokoine en Tanzanie, a soulevé la question dès 2010. « Les politiques de conservation [du Serengeti] accordent à peine une attention suffisante à la [population]. Ce facteur est souvent négligé, ce qui rend donc le traitement des problèmes de conservation similaire au traitement des symptômes plutôt qu’à la cause réelle de la maladie ».

Image en bannière : La savane et les prairies des conservatoires de Mara abritent une abondance spectaculaire d’espèces sauvages, situées à l’extrémité nord du grand écosystème du Serengeti. Crédit photo : Maasai Mara Wildlife Conservancies Association.

Ignacio Amigo est un journaliste et rédacteur environnemental basé au Brésil, titulaire d’un doctorat en biologie moléculaire de l’Université de Sao Paulo et spécialiste multimédia au sein de Climate Tracker. Suivez-le sur Twitter : @IgnacioAmigoH.

Article original: https://news.mongabay.com/2019/04/human-pressure-on-the-serengetis-fringes-threatens-the-wildlife-within/

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