- Selon une nouvelle étude, le microbiote intestinal de certaines espèces de lémuriens est spécialisé dans la digestion d’aliments trouvés dans leur habitat.
- Les lémuriens se trouvent uniquement à Madagascar et dans les îles Comores dans l’océan Indien. Ils représentent l’un des groupes de primates les plus menacés au monde.
- Cette étude suggère que le groupe de lémuriens principalement folivore, connu comme les Sifakas, du genre Propithecus, est porteur de micro-organismes intestinaux particuliers à son régime et, par conséquent, moins adaptables aux sources alimentaires d’autres habitats.
- Madagascar rapporte des taux alarmants de déforestation, avec une perte de 2 pour cent de sa forêt tropicale vierge juste en 2018, le taux le plus important comparé à n’importe quel pays.
Imaginez la détresse d’une personne intolérante au lactose qui verrait son magasin d’alimentation local commencer à ne vendre que des produits laitiers. C’est ainsi que Lydia Greene, une écologue de l’université de Duke, aux États-Unis, décrit la situation délicate des Sifakas, un genre de lémuriens (Propithecus) qu’elle étudie.
Dans un article publié récemment dans le journal Biology Letters, Lydia Greene et ses collègues mettent en lumière ce qui détermine les chances de survie de ces primates.
Une partie de la réponse se trouve dans leurs intestins. L’étude a découvert que les lémuriens tels que les Sifakas, dont le régime alimentaire et le microbiote intestinal sont adaptés à leur habitat, sont plus menacés par le rétrécissement de la couverture forestière. « Les animaux qui sont contraints à des aliments donnés, des régions géographiques particulières ou des habitats spécifiques sont probablement plus susceptibles de disparaître que des animaux avec des stratégies plus flexibles et des distributions géographiques plus larges », explique Lydia Greene.
Les lémuriens trouvés à Madagascar et dans les îles Comores voisines dans l’océan Indien sont l’un des groupes de primates les plus menacés au monde : sur 111 espèces connues, 105 sont en voie de disparition. La perte d’habitat menace toutes les espèces de lémuriens, car leur aire de répartition est limitée à cette zone du monde et les forêts de Madagascar disparaissent à un rythme alarmant. En 2018, deux pour cent des forêts tropicales vierges du pays ont été rasées — le taux le plus élevé par rapport à n’importe quel pays. Chaque espèce de lémurien occupe sa niche écologique forestière propre, ce qui amplifie encore davantage leur risque d’extinction.
Dans quelle mesure la perte d’habitat affecte-t-elle une espèce constitue un domaine de recherche en pleine expansion. Les scientifiques s’intéressent de plus en plus au lien entre les environnements microbiens et les écologies plus larges.
Le Sifakas, un nom courant donné aux lémuriens de neuf espèces différentes qui appartiennent au genre Propithecus, est principalement folivore. Son microbiote intestinal, les micro-organismes qui recouvrent le tube digestif et aident à la digestion, sont spécialisés dans la décomposition de fibres dures et l’extraction de nutriments.
Pour comprendre comment cette association de régime et de microbiome affecte les facultés d’adaptation des primates, Lydia Greene et son équipe ont recueilli des échantillons fécaux de 128 lémuriens de 12 espèces, aussi bien folivores que frugivores, pour examiner ce mélange microbien intestinal. L’équipe a découvert que le Lémur fauve (du genre Eulemur) frugivore est porteur d’un mélange similaire de micro-organismes, quelle que soit la partie de l’île sur laquelle ils vivent. Pour les espèces de Sifakas, l’ensemble du microbiote intestinal varie selon leur habitat : les lémuriens vivant dans des forêts sèches présentent un mélange différent de micro-organismes par rapport à ceux qui vivent dans des forêts équatoriales.
L’étude suggère que lorsque les forêts fournissant le bon mélange de plantes pour leur régime sont rasées, les lémuriens ne peuvent pas simplement sauter dans la forêt d’à côté.
« La perte de forêt est une menace grave qui détermine le futur de tous les lémuriens à Madagascar, et la spécialisation écologique contribue à la réponse des lémuriens face à la perte de forêt passée, actuelle et future », conclut Lydia Greene.
Citations
Greene, L. K., Clayton, J. B., Rothman, R. S., Semel, B. P., Semel, M. A., Gillespie, T. R., … Drea, C. M. (2019). Local habitat, not phylogenetic relatedness, predicts gut microbiota better within folivorous than frugivorous lemur lineages. Biology Letters, 15(6), 20190028. doi:10.1098/rsbl.2019.0028
Image de la bannière : Un Propithèque de Coquerel (Propithecus coquereli) avec son bébé à Madagascar. Photo de Rhett A. Butler.
Article original: https://news-mongabay-com.mongabay.com/2019/06/food-choice-leaves-some-lemurs-more-vulnerable-to-loss-of-forest-habitat/