Nouvelles de l'environnement

Les baleines bleues mémorisent l’endroit et le moment les plus adéquats pour trouver leurs proies

Photograph of blue whale taken during Oregon State University Marine Mammal Institutes 2016 tagging field season off southern California.

  • Une récente étude montre que les baleines bleues vivant dans le nord de l’océan Pacifique se servent de leur mémoire plutôt que des éléments de leur environnement pour trouver les meilleures sources de nourriture.
  • Les chercheurs se sont appuyés sur des données collectées pendant 10 ans pour analyser les mouvements de 60 baleines bleues.
  • Ils ont comparé l’emplacement des baleines à des zones à forte concentration de proies sur la même période.
  • L’importance qu’accordent les baleines à leur mémoire à l'heure de chasser pourrait les rendre vulnérables aux changements de l’océan liés au changement climatique.

D’après une étude parue récemment, les baleines bleues vivant dans le nord de l’océan Pacifique se servent de leur mémoire pour trouver les meilleurs endroits pour se nourrir, au lieu de chercher des zones où la concentration de proies est plus élevée sur le court terme.

« D’après nous, les baleines bleues ont évolué afin d’exploiter les itinéraires et les périodes de migration historiques de façon à se trouver à proximité des zones où la production de nourriture sera, selon toute vraisemblance, élevée, puis modifient légèrement leur destination en fonction des conditions locales », a déclaré Daniel Palacios, un océanographe de l’Université de l’État de l’Oregon, qui a contribué à la rédaction de l’étude.

La baleine bleue est le plus imposant de tous les animaux ; elle peut mesurer jusqu’à 33 mètres de long. Image trouvée sur la bibliothèque d’images de la NOAA via Wikimedia Commons (domaine public).

Mais, d’après les auteurs, la dépendance de la baleine bleue (Balaenoptera musculus) envers les migrations historiques qu’elle a mémorisées pourrait bien rendre l’espèce vulnérable puisque l’océan évolue à vitesse grand V. Les résultats de ces recherches, publiés le 25 février dernier dans la revue Proceedings of the National Academy of Sciences, indiquent que la hausse de la température des eaux due au changement climatique pourrait mener le plancton (un crustacé semblable à la crevette qui constitue l’essentiel du régime alimentaire des baleines bleues) dans des zones qui ne correspondent pas aux souvenirs des baleines.

Diverses études ont montré que d’autres animaux se fondent également sur des moyennes à long terme pour comprendre où et quand ils pourront trouver de la nourriture en abondance, a expliqué Briana Abrahms, l’auteur principal de l’étude.

« On sait déjà que de nombreuses espèces qui effectuent des migrations terrestres, des caribous en Arctique aux gnous au Serengeti, parviennent à survivre en adaptant minutieusement la fréquence et la période de leurs migrations de façon à trouver de la nourriture tout au long de leur chemin, lorsque c’est la saison. », a indiqué Abrahms, une chercheuse du Southwest Fisheries Science Center de la NOAA (l’administration nationale océanique et atmosphérique américaine) en Californie.

Crâne de baleine bleue mesurant 5,8 mètres de haut. Photo prise par Sklmsta via Wikimedia Commons (CC0 1.0).

Les baleines bleues, quant à elles, migrent généralement vers le nord au printemps, délaissant les eaux estivales du Golfe de Californie ou de la côte costaricaine pour atteindre celles du courant de Californie ou du Golfe d’Alaska, où la nourriture est plus abondante en cette saison. Cependant, les scientifiques étaient auparavant bien en peine de dire si les baleines s’étaient rappelé les itinéraires qui s’étaient avérés les plus favorables, ou si elles cherchaient simplement une zone abondante en plancton en cette saison particulière.

Afin de mieux comprendre ce qui pousse les baleines à emprunter tel ou tel itinéraire migratoire, Abrahms et ses collègues ont retracé les déplacements quotidiens de 60 baleines bleues pistées par satellite entre 1999 et 2008 dans la partie nord du Pacifique, où réside près d’un quart des 10 000 baleines bleues présentes sur Terre. Les chercheurs ont ensuite comparé l’emplacement des baleines avec la concentration en un composé appelé chlorophylle a, relevée via imagerie satellite.

Photographie d’une baleine bleue prise en 2005. Image fournie par l’Université de l’État de l’Oregon.

La chlorophylle a est le pigment verdâtre qui permet aux petites plantes et à d’autres organismes vivant dans l’océan, connus sous le nom de phytoplancton, de produire de la nourriture grâce à la lumière du soleil. Une autre étude a montré que les points verts visibles sur les images sont une bonne indication des endroits où l’on trouvera du plancton (et, par conséquent, des baleines).

L’équipe qui a étudié la question a découvert que les baleines avaient tendance à graviter près des zones où l’on a pu observer de fortes concentrations de plancton par le passé globalement au moment où ces concentrations atteignaient leur plus haut historique. Les données ont ainsi révélé que les baleines ne se servent pas uniquement des éléments de leur environnement pour dénicher des zones où abonde le plancton en cette saison.

En effet, les baleines bleues peuvent vivre jusqu’à plus de 80 ans, et leur mémoire est comme une base de données qui compile leur expérience. Ce sont ces informations qui les aident ensuite à trouver des sources de nourriture les années suivantes, tant que les conditions ne subissent pas de changement trop abrupt.

L’évent d‘une baleine bleue. Image fournie par la NOAA via Wikimedia Commons (domaine public).

Cependant, le fait que le réchauffement climatique altère l’écosystème océanique pourrait dérouter tant les spécialistes du plancton que les baleines bleues. Les baleines à bosse (Megaptera novaeangliae), par exemple, se nourrissent elles aussi de plancton, mais ont tendance à se rabattre sur de petits poissons en banc comme le hareng lorsqu’elles ne trouvent pas de plancton. En revanche, les baleines bleues, considérées comme une espèce en danger par l’Union internationale pour la conservation de la nature (IUCN), ne sont pas aussi accommodantes, ce qui place le plus grand animal au monde dans une situation précaire.

« Nous avons encore beaucoup à apprendre sur la façon dont les grands animaux se déplacent dans l’océan, trouvent un habitat adapté et sont affectés par les activités humaines et les changements de l’environnement », a indiqué Abrahms.

Image de bandeau : baleine bleue en train de plonger, fournie par l’Université de l’État de l’Oregon. 

Références

Abrahms, B., Hazen, E. L., Aikens, E. O., Savoca, M. S., Goldbogen, J. A., Bograd, S. J., … Mate, B. R. (2019). Memory and resource tracking drive blue whale migrations. Proceedings of the National Academy of Sciences, 201819031.

Cooke, J.G. (2018). Balaenoptera musculus. The IUCN Red List of Threatened Species 2018: e.T2477A50226195. Downloaded on 26 February 2019.

Visser, F., Hartman, K. L., Pierce, G. J., Valavanis, V. D., & Huisman, J. (2011). Timing of migratory baleen whales at the Azores in relation to the North Atlantic spring bloom. Marine Ecology Progress Series, 440, 267-279.

Article original: https://news.mongabay.com/2019/02/blue-whales-base-migration-route-on-memories-of-where-to-find-prey/

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