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Le domaine vital des girafes en expansion à cause de la proximité avec les villes

  • Une étude récente suggère que le domaine vital des girafes femelles qui vivent à proximité des villes est plus étendu que celui des girafes qui vivent dans des endroits moins peuplés.
  • Les auteurs de l’étude émettent l’hypothèse selon laquelle les grandes agglomérations limiteraient l’accès de ces grands animaux à l’eau et à la nourriture.
  • L’équipe insiste sur l’importance de connaître la taille de la zone dont ils ont besoin pour survivre afin de combattre le déclin inquiétant de leur nombre survenu ces trente dernières années sur le continent africain.

Selon une étude récente, lorsque des humains vivent à proximité, les girafes sont forcées d’élargir leur zone de recherche d’eau et de nourriture.

« Les girafes sont de grands herbivores qui vivent dans la savane africaine, où elles doivent trouver tout ce dont elles ont besoin pour se nourrir et se reproduire tandis que leur écosystème est de plus en plus perturbé par les activités humaines », explique Derek Lee, co-auteur de l’étude et biologiste de l’Université d’État de Pennsylvanie et du groupe Wild Nature Institute. « L’être humain transforme peu à peu les savanes naturelles en villes et en exploitations fermières, coupe les arbres pour les industries du bois de chauffage et du charbon, et détériore ainsi peu à peu l’habitat des girafes. »

Le nombre de girafes a chuté de quelque 40 % depuis les années 1980. Il s’élève aujourd’hui à moins de 100 000. Image de John C. Cannon/Mongabay.

D’autres recherches avaient déjà montré que la taille de la zone dont ont besoin les girafes pour se nourrir et s’abreuver, pour trouver un partenaire et pour élever leurs petits varie considérablement d’une région à l’autre de l’Afrique. Les écologistes pensent qu’un ensemble complexe de facteurs, comprenant la disponibilité de l’eau et la présence des hommes, doit déterminer la taille de ces domaines vitaux. Jusqu’à présent, toutefois, ils ne s’étaient pas intéressés au rôle spécifique de chaque facteur.

Derek Lee et ses collègues ont commencé par prendre des photos des girafes de la région du Tarangire et du lac Manyara, dans le nord de la Tanzanie. La zone d’étude se situe à cheval sur deux parcs nationaux et une réserve privée, et englobe des routes, des fermes et des agglomérations. Entre 2011 et 2016, l’équipe a suivi les déplacements de 132 girafes Masaï (Giraffa camelopardalis tippelskirchi) et, grâce aux données récupérées, a pu créer un modèle statistique indiquant l’influence de divers facteurs environnementaux sur le domaine vital des grands mammifères tachetés. D’ailleurs, il convient de noter que certains scientifiques avancent que quatre espèces peupleraient les régions boisées arides et les savanes d’Afrique. L’UICN considère toutefois la girafe comme une seule et même espèce, classée comme vulnérable dans la liste rouge du groupe, avec neuf sous-espèces.

Les chercheurs estiment que les zones très peuplées peuvent limiter l’accès des girafes à l’eau et à la nourriture. Image de John C. Cannon/Mongabay.

Contre toute attente, le type de végétation ainsi que le nombre d’individus, des éléments qui jouent un rôle prépondérant sur la taille du domaine vital d’autres grands herbivores, n’ont pas une incidence significative sur celui des girafes. En revanche, la proximité avec les grandes villes, du moins pour les girafes femelles, semble constituer un facteur important. Plus elles vivent près de la civilisation, plus leur domaine vital est susceptible d’être étendu.

« La perturbation anthropique et la fragmentation de l’habitat au sein et autour des zones densément peuplées réduisent apparemment les ressources en eau et le fourrage local des girafes, ce qui les force à se déplacer davantage et à utiliser plus d’espace pour trouver ces ressources », explique Mara Knüsel, étudiante en Master en génétique évolutive à l’Université de Zurich, en Suisse, et auteure principale de l’étude.

Celle-ci a été publiée dans l’édition de mars 2019 du journal Animal Behavior.

Des girafes d’Afrique de l’Ouest (G. c. peralta), une espèce en danger, au Niger. L’étude a également mis en lumière les différences en matière de précipitations, qui expliquent pourquoi la taille du domaine vital des girafes varie autant sur l’ensemble du continent africain. Image de John C. Cannon/Mongabay.

Le facteur décisif s’est révélé être la densité de la population humaine, et pas simplement la présence d’êtres humains dans une zone. Les chercheurs n’ont pas décelé de corrélation entre la taille du domaine vital des herbivores au long cou et la présence de bomas maasaï. Ces agglomérations, souvent temporaires, abritent une population plus faible que les villes, et seraient donc mieux tolérées par les girafes, expliquent les auteurs. Il se peut également que les troupeaux de bétail des Maasaï ne les empêchent pas de trouver de la nourriture.

L’équipe de chercheurs a également étudié la taille des domaines vitaux de huit populations de girafes en Afrique pour observer l’effet des précipitations moyennes. Les niveaux de précipitations seuls étaient responsables de près des trois quarts de la différence de taille entre les domaines vitaux de ces huit groupes. Derek Lee estime que ce résultat n’a « rien de surprenant ».

« Une meilleure disponibilité des ressources vitales comme l’eau et la nourriture favorise les domaines vitaux de plus petite taille », précise-t-il.

Une girafe Masaï du parc national du Tarangire. Image de John C. Cannon/Mongabay.

Les auteurs soutiennent qu’il est crucial de mieux comprendre de combien d’espace les girafes ont besoin, d’autant plus que leur nombre est tombé en dessous de 100 000 au cours des dernières années à cause de la chasse, des affrontements humains et de la perte de leur habitat.

« Les girafes sont une espèce vulnérable après un déclin de 40 % de la population au cours des trois dernières décennies », déplore Mara Knüsel. « En identifiant les facteurs qui influent sur l’utilisation de l’espace, les défenseurs de la faune sont à même de prendre de meilleures décisions pour les espèces en danger comme les girafes. »

Image d’en-tête d’une girafe Masaï du parc national du Tarangire en Tanzanie, de John C. Cannon/Mongabay.  

Citations

Knüsel, M. A., Lee, D. E., König, B., & Bond, M. L. (2019). Correlates of home range sizes of giraffes, Giraffa camelopardalis. Animal Behaviour, 149, 143-151. doi: 10.1016/j.anbehav.2019.01.017

Muller, Z., Bercovitch, F., Brand, R., Brown, D., Brown, M., Bolger, D., Carter, K., … & Wube, T. 2018. Giraffa camelopardalis (amended version of 2016 assessment). The IUCN Red List of Threatened Species 2018: e.T9194A136266699. doi: 10.2305/IUCN.UK.2016-3.RLTS.T9194A136266699.en. Téléchargé le 6 mars 2019.

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Article original: https://news.mongabay.com/2019/03/towns-and-cities-force-giraffes-to-ply-larger-home-ranges/

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