Nouvelles de l'environnement

Saisie de milliers de tortues radiées des mains de trafiquants à Madagascar

  • Le 24 octobre à Madagascar, plus de 7 000 tortues radiées en danger critique d’extinction ont été confisquées par les autorités à de présumés trafiquants de faune sauvage.
  • Cette saisie est survenue dans une région où un semblable coup de filet avait été mené en avril, impliquant près de 10 000 tortues de la même espèce.
  • L’ONG Turtle Survival Alliance travaille avec le ministère de l’Environnement de Madagascar pour soigner les tortues survivantes.

Le 24 octobre, les autorités malgaches ont confisqué 7 347 tortues radiées (astrochelys radiata) des mains de trafiquants de faune sauvage, quelques mois seulement après la saisie de près de 10 000 tortues de la même espèce dans une ville voisine, lors d’un semblable coup de filet.

« Le pays se vide de ses tortues » a déclaré lors d’une interview accordée à Mongabay Jordan Gray, coordinateur de communication et de proximité pour l’organisation Turtle Survival Alliance (TSA) basée en Caroline du Sud. Celles-ci sont en effet retirées de leur environnement naturel pour satisfaire la demande nationale et internationale de viande ainsi que le marché des animaux de compagnie.

Un soigneur inspecte l’une des tortues confisquées. Image de Turtle Survival Alliance.

Ny Aina Tiana Rakotoarisoa, vétérinaire en chef de la TSA, et trois des soigneurs de l’organisation s’attachent à soigner le tout dernier arrivage de tortues près de la ville de Betioky dans le sud-ouest de Madagascar.

Les tortues saisies en avril avaient été enfermées dans une maison abandonnée sans eau ni nourriture ; avant l’arrivée des secours, elles vivaient dans leurs excréments, a expliqué Jordan Gray. Les animaux secourus cette fois-ci sont en meilleure santé, a-t-il ajouté, relayant des informations de Ny Aina Tiana Rakotoariso. Les trafiquants les avaient gardés à l’extérieur où ils avaient accès à de l’ombre et de la nourriture.

Pourtant, au 31 octobre, plus de 200 tortues avaient péri et certaines des survivantes étaient déshydratées et en sous-poids.

« Nous sommes encore en phase critique de cet effort de secours » a souligné Jordan Gray.

La vétérinaire Ny Aina Tiana Rakotoarisoa, spécialiste de petits animaux, en train d’examiner une tortue près de Betioky. Image de Turtle Survival Alliance.

Le commerce de tortues radiées est interdit en vertu de la Convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d’extinction, ou CITES. Mais la demande croissante de viande et d’animaux de compagnie, principalement en provenance d’Asie, semble conduire au braconnage d’espèces en danger critique d’extinction originaires des formations arbustives sèches de Madagascar. Ceci exerce une pression accrue sur cette tortue qui a d’ailleurs perdu une partie de son habitat au cours des dernières décennies, en raison de l’agriculture et des ranchs.

Une enquête de 2018 menée par l’ONG TRAFFIC a révélé une recrudescence du nombre de tortues radiées et d’autres espèces vendues sur des marchés indonésiens, où elles peuvent atteindre plus de 7 300 $ pièce.

Des officiels de Madagascar ont réussi à suivre la piste de braconniers jusqu’à chez eux. Dans ce tout récent cas, le ministère de l’Environnement, de l’Écologie et des Forêts a appréhendé trois trafiquants présumés. Trois autres ont été jugés et condamnés à une peine d’emprisonnement pour leur implication dans la saisie du mois d’avril, bien que les accusés aient un court laps de temps pour faire appel, a déclaré Jordan Gray.

Les soigneurs ont créé des habitats temporaires pour les tortues dans l’établissement situé près de Betioky. Image de Turtle Survival Alliance.

La préoccupation immédiate de TSA est de savoir comment prendre en charge les soins de ce nouvel arrivage de tortues, qui vient s’ajouter aux plus de 18 000 tortues déjà présentes. Dès le 31 octobre, l’organisation prévoit de déplacer les survivantes vers le centre pour tortues Lavavolo de TSA, près de la ville d’Itampolo, qui abrite actuellement 8 600 tortues saisies en avril, et vers le village des tortues, géré par SOPTOM, organisation partenaire de TSA. Jordan Gray a fait remarquer que le besoin le plus criant de l’organisation était le financement du transport, de la nourriture et des soins une fois que ces tortues seront arrivées. TSA embauchera probablement quatre nouveaux soignants qui s’occuperont des nouvelles arrivantes. Par conséquent, les dépenses mensuelles de l’organisation pourraient augmenter de 1 000 $, nous a confié Jordan Gray.

C’est au village des tortues que s’est déroulé le précédent effort de sauvetage. Pendant de nombreux mois après le coup de filet, sept vagues de vétérinaires et de soignants venus des quatre coins du monde se sont rendus au centre pour aider à sauver autant d’animaux que possible.

Cette fois-ci, TSA a l’intention de prendre du recul et de laisser des vétérinaires tels que Ny Aina Tiana Rakotoarisoa prendre les choses en main.

« Nous voulons vraiment responsabiliser les Malgaches » a affirmé Jordan Gray. « Notre principal objectif cette fois est le soutien logistique et financier de sorte que le peuple de Madagascar puisse mieux protéger sa faune sauvage. »

À long terme, a poursuivi Jordan Gray, pour résoudre cette question, une collaboration internationale sera nécessaire en vue d’accroître les peines pour le braconnage et le trafic tant à Madagascar qu’à l’étranger.

TSA prévoit de commencer à déplacer les tortues vers des refuges dès le 31 octobre. Image de Turtle Survival Alliance.

Selon TRAFFIC, les tribunaux indonésiens ont récemment reconnu coupables deux trafiquants de faune sauvage qui avaient été pris la main dans le sac avec des tortues radiées.

« Ces cas marquent un nouveau départ pour l’Indonésie et sa lutte contre les atteintes à la faune sauvage ; nous félicitons les autorités indonésiennes de se charger de cette tâche » a déclaré Kanitha Krishnasamy, directrice de TRAFFIC pour l’Asie du Sud-Est. « Nous nous réjouissons qu’un plus grand nombre de cas fasse l’objet d’enquêtes et de suivi. »

Toutefois, la loi indonésienne n’interdit pas la possession d’espèces non natives du pays ; par conséquent, ces hommes ont uniquement été accusés d’enfreindre les lois en matière de quarantaine. Les tribunaux les ont condamnés à des peines avec sursis et les ont astreints à régler des amendes d’un peu plus de 300 dollars seulement.

« Ces peines sont très décevantes. » s’est indignée Kanitha Krishnasamy. « Elles ne dissuaderont pas les individus activement impliqués dans le commerce illégal et lucratif de ces espèces extrêmement menacées. »

Jordan Gray voit cet effet se répercuter jusqu’à Madagascar. Selon lui, avant qu’un « environnement plus sûr ne soit en place pour les tortues », il ne sert à rien de les relâcher dans la nature.

D’après Jordan Gray de TSA, avec l’arrivage des tortues récemment saisies, il faudra sans doute compter avec quatre soigneurs supplémentaires pour prendre en charge les milliers de tortues dont s’occupe l’organisation. Image de Turtle Survival Alliance.

« Le braconnage est un phénomène endémique », a-t-il ajouté.

Ce problème s’explique en partie par la pauvreté généralisée qui sévit à Madagascar, où 86 % de la population vit avec moins de 3,10 dollars par jour, selon le programme des Nations unies pour le développement. Le fait de recueillir des tortues dans la nature permet de gagner de l’argent rapidement. Pour régler cette question, il faudra aider les gens à trouver d’autres sources de revenus et changer les attitudes envers le braconnage.

En outre, Jordan Gray a avancé que la TSA prévoyait de redoubler ses efforts pour faire pression sur les gouvernements des pays confrontés au problème du commerce illégal de faune sauvage.

Selon lui, « Cette lutte doit vraiment intervenir à des niveaux bien plus élevés afin de s’attaquer aux racines du problème ».

Image de bannière — tortues radiées confisquées le 24 octobre — de Turtle Survival Alliance.  

John Cannon est un rédacteur de Mongabay basé au Moyen-Orient. Suivez-le sur Twitter : @johnccannon

COMMENTAIRES : utilisez ce formulaire pour envoyer un message à l’auteur de ce post. Si vous voulez poster un commentaire public, ceci peut être fait au bas de la page.

Quitter la version mobile