Nouvelles de l'environnement

La solution au problème des plastiques dans les océans « réside dans la conception des produits »

  • Les solutions visant à traiter le problème du plastique dans les océans doivent être orientées sur la conception même des produits de plastique, affirmait un groupe de chercheurs à la conférence ESOF 2018 de Toulouse, en France.
  • Selon la chimiste Alexandra Ter Halle, certaines des solutions proposées s’avèrent « inquiétantes », comme l’utilisation de filets pour retirer les déchets de plastique des océans, qui peuvent également nuire à la vie marine.
  • Même si les produits de plastique représentent un réel danger pour la vie marine, ceux-ci peuvent toutefois aider à limiter notre empreinte écologique, affirmait le biologiste de la vie marine, Richard Thompson. Nous devrions faire en sorte de les rendre réutilisables et facilement recyclables.

TOULOUSE, France — Afin de résoudre le problème de la quantité croissante de plastique dans les océans nous devons repenser notre utilisation des produits plastiques ainsi que leur fabrication, affirmait un groupe de chercheurs à la conférence ESOF 2018 du 10 juillet dernier.

Afin de traiter ce problème, il nous faut « évaluer correctement le cycle de vie du produit dès le départ, à partir de sa phase de conception » estime Richard Thompson, biologiste de la vie marine à l’Université de Plymouth, au Royaume-Uni.

Que ce soit le nettoyage des océans, l’interdiction des produits jetables à usage unique, la biodégradation ou même le recyclage : aucune de ces solutions ne peut à elle seule venir à bout du problème, concluent les chercheurs. Un intérêt s’est développé récemment pour ce qui est de trouver des solutions à cet enjeu, mais les chercheurs étudient le problème depuis déjà plusieurs années.

Microplastiques observés à l’intérieur d’une larve de perche. Image par Oona M. Lönnstedt via Wikimedia Commons (CC BY-SA 3.0).

Thompson ajoute qu’au début de sa formation en biologie marine, jamais il n’aurait cru que les déchets seraient la principale préoccupation de son travail. Cependant, au cours de son exploration des océans de la planète, il a trouvé des ordures, surtout du plastique, partout et de toutes les tailles.

« De nos jours, il est très difficile d’aller n’importe où dans le monde marin sans trouver des tas de déchets », renchérit Thompson. Son équipe et lui ont publié un premier article sur les microplastiques en 2004, confirmant la présence de particules de plastique dans le sable qui étaient « plus petites que le diamètre d’un cheveu. »

Depuis, le milieu de la recherche compte des centaines d’articles qui répertorient les dommages potentiels que les déchets à la dérive peuvent causer aux quelques 700 espèces marines, allant de l’emmêlement dans les « filets fantômes » jusqu’à s’immiscer dans l’alimentation du zooplancton. Toutefois, les produits de plastique demeurent fort utiles pour de nombreuses utilisations, dans le domaine industriel et celui de la santé par exemple, ou encore pour l’entreposage des aliments.

« Ils comportent de nombreux avantages qui nous permettent de diminuer notre empreinte écologique sur Terre », ajoute le scientifique.

Le problème est qu’une grande quantité du plastique généré chaque année est produite à partir d’un « modèle commercial désuet et inefficace », un modèle n’étant pas destiné à une réutilisation du plastique, explique Thompson.

Résidus de plastique échoués sur le littoral californien à la suite d’une tempête. Image par Kevin Krejci via Wikimedia Commons (CC BY 2.0).

« Le plastique dans les océans est le symptôme d’un problème beaucoup plus important, celui de l’utilisation linéaire des ressources qui finissent en déchets » selon Thompson.

Même si l’on y retrouve autant de restes de plastique, « tous s’entendent pour dire que ce n’est pas l’endroit où réside la solution » expliquait Jean-François Ghiglione, microbiologiste à l’Observatoire Océanographique de Banyuls-sur-Mer, en France.

Certaines des propositions amenées ont sidéré les chercheurs en raison de leur non-sens. Les projets de collectes de déchets dans les océans utilisant des filets sont « réellement inquiétants », affirmait Alexandra Ter Halle, chimiste à l’Université Paul-Sabatier, à Toulouse, en France. Un projet du nom de Ocean Cleanup prévoit d’utiliser des sortes de « tamis» accrochés à des tuyaux flottants allant jusqu’à 2 kilomètres de longueur (1,2 mile) afin de recueillir le plastique du vortex de déchets du Pacifique Nord.

« Il est impossible de séparer la vie [marine] du plastique, explique Ter Halle. Les pêcheurs doivent détenir un permis pour aller pêcher en mer. Mais ces projets de nettoyage n’ont besoin d’aucune autorisation pour mettre leurs énormes filets dans les océans. »

Ter Halle a mené l’Expédition 7e Continent qui a eu lieu dans l’Atlantique Nord, en 2015. L’étude menée par elle et son équipe révèle, pour la première fois, la présence de microscopiques nanoplastiques dans l’océan. Leurs données prouvent une fois de plus l’omniprésence du plastique dans l’environnement.

Déchets accumulés sur une plage de Msasani Bay, en Tanzanie. Image par Loranchet via Wikimedia Commons (CC BY 3.0).

Pour sa part, Ghiglione continue d’étudier les bactéries capables de dégrader le plastique. Il semble que pour certaines, ce soit une source de nourriture de choix.

« Elles adorent le plastique », dit-il.

Alors s’attaquent-elles avec appétit aux tonnes d’ordures qui polluent les océans? « Ce n’est pas le cas », ajoute le chercheur.

Thompson insiste sur l’idée qu’il nous faut penser à la source même de tous ces déchets. Selon lui, il est impératif de nous débarrasser de tous les emballages et matériaux superflus. Par exemple, Starbucks annonçait le 9 juillet dernier une élimination complète des pailles de plastiques de ses succursales à partir de 2020.

« Il existe certains produits plastiques dont nous n’avons jamais vraiment eu besoin », dit Thompson. Il va jusqu’à ajouter qu’au-delà de l’engagement volontaire des entreprises, « il pourrait y avoir une loi qui interdit leur utilisation. »

Microfibres de plastique au microscope. Image par M.Danny25 via Wikimedia Commons (CC BY-SA 4.0).

Toutefois, des changements de politiques ou d’ordre juridique ne sont pas possibles pour tout type de plastique, de même que pour ses multiples utilisations. La prolifération de ces différentes formes de plastique complexifie la tâche de l’individu moyen lorsqu’il est temps de les jeter, ce qui s’avère être une partie du problème, selon Thompson.

Nous pourrions recycler beaucoup plus de plastique que nous ne le faisons en ce moment, ajoute-t-il. Environ 10 % seulement des produits plastiques générés sont recyclés en nouveaux produits.

« Pourquoi aussi peu? » demande Thompson.

Faut-il le répéter, on en revient encore à la réflexion qui doit avoir lieu avant même la production du plastique, explique-t-il. « Si ces produits ne sont pas conçus dans le but d’être recyclés, nous perdons notre temps. »

Note de la rédaction : John Cannon s’est vu attribuer une bourse de la part de Nature Research afin d’assister à la conférence ESOF 2018. Nature Research ne détient aucun contrôle sur le choix de sujet de l’article ni sur son contenu.

Image en bannière : Plage en Tanzanie, par Loranchet via Wikimedia Commons (CC BY 3.0).

Citations

Gigault, J., Pedrono, B., Maxit, B., & Ter Halle, A. (2016). Marine plastic litter: the unanalyzed nano-fraction. Environmental Science: Nano, 3(2), 346-350.

Thompson, R. C., Olsen, Y., Mitchell, R. P., Davis, A., Rowland, S. J., John, A. W., … & Russell, A. E. (2004). Lost at sea: where is all the plastic? Science, 304(5672), 838-838.

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