- L'étude a rassemblé des informations sur les marchés, les prix et les méthodes de la chasse aux pangolins dans 14 pays d'Afrique.
- Dans certains pays africains, les pangolins sont chassés pour leurs chairs et dans plusieurs pays asiatiques, dont la Chine, leurs écailles sont utilisées dans la médecine traditionnelle, à la fois locale et internationale.
- Les chercheurs ont trouvé que l'on tue, chaque année, dans six pays d'Afrique centrale jusqu'à 2,71 millions de pangolins, originaires de trois espèces, une augmentation d'au moins 145 % depuis 2000.
- Ils recommandent un renforcement plus efficace de l'application de l'interdiction CITES de 2016 sur l'ensemble de la chaîne de distribution en Afrique et en d'Asie.
Selon une toute nouvelle étude publiée en ligne le 11 juillet par le journal Conservation Letters, la demande grandissante d’écailles et de chairs de pangolins a conduit à une augmentation d’au moins 145 % de la chasse de ces animaux “armurés” en Afrique Centrale depuis les années 2000. Les pangolins ont été classés “comme le mammifère sauvage le plus chassé illégalement, en masse, dans le monde”, souvent pour ses plaques de kératine qui le protègent et qui sont utilisées en Afrique et en Asie dans la médecine traditionnelle. Mais, jusqu’à présent, les scientifiques n’avaient pas mesuré l’impact du commerce illégal sur la chasse en Afrique Centrale.
Jorn Scharlemann, écologiste à l’Université du Sussex au Royaume-Uni a déclaré : “la surexploitation est une des pressions principales qui pèse sur la faune sauvage et conduit des espèces tels les pangolins à pratiquement disparaître; mais les données pour évaluer ce niveau de pression mettant en évidence leur déclin sont encore rares.”
Pour comprendre l’étendue du problème, Scharlemann et ses collègues, représentant 22 universités et institutions à travers l’Afrique, l’Asie, l’Europe et l’Amérique du Nord ont rassemblé des informations sur les marchés, les prix et les méthodes de chasse aux pangolins à partir de recherches effectuées dans 14 pays africains.
Scharlemann nous a dit : “Rassembler des données à partir d’études locales effectuées par des centaines de chercheurs nous a permis de fournir des informations vitales sur l’exploitation régionale des pangolins d’Afrique à un moment critique pour la survie de cette espèce”. “Mettre en commun ces études individuelles nous permet d’avoir une photo d’ensemble qui peut être utile au législateur sur la conservation et fournir des preuves nécessaires aux gouvernements à travers le monde pour qu’ils agissent et prennent des mesures”.
Ils ont trouvé que l’on tue, chaque année, jusqu’à 2,71 millions de pangolins originaire de trois espèces dans six pays d’Afrique Centrale : le Cameroun, la République Centre Afrique, la Guinée Equatoriale, le Gabon, la République Démocratique du Congo et la République du Congo. Qu’ajouter de plus : la proportion de pangolins chassés comparée à celle de centaines d’autres animaux chassés est cinquante fois plus grande qu’il y a quarante ans.
Mais la signification de ce chiffre reste un peu un mystère, en partie parce que les pangolins sont difficiles à étudier.
Fiona Maisels, une écologiste du Wild Life Conservation a dit : “les pangolins sont très difficiles à voir, de surcroît à étudier. Ils sont nocturnes; dans la journée, ils sont soit enterrés, soit perchés haut dans les arbres; ils n’appellent pas, ne font pas de nids visibles et leurs tas d’excréments ne sont pas reconnaissables.”
Maisel a ajouté : “Ces obstacles ont gêné la découverte d’informations importantes à leur propos”; à ce jour, nous n’avons aucun moyen d’estimer le nombre de pangolins qui subsistent dans les forêts de l’Afrique centrale.”
Les auteurs ont trouvé que 45 % des pangolins chassés, objet de la recherche n’étaient pas complètement adultes, les conduisant à conclure que le niveau actuel de leur chasse est intolérable.
À l’heure actuelle, les trois espèces de pangolins découvertes dans les forêts en Afrique centrale, en plus de celles découvertes en Afrique australe sont toutes désignées comme vulnérables par IUCN. Mais plus près de l’épicentre de la demande, en Asie, leurs cousins ne sont pas tellement éloignés du même sort; le nombre de pangolins chinois a décliné de 90%, et IUCN considère les quatre espèces asiatiques soit en danger, soit menacées d’extinction.
Daniel Ingram, à la tête de cette étude et biologiste à l’Université du Sussex a déclaré : “notre nouvelle étude montre que les pangolins africains sont menacés. Nous avons cependant la chance de s’assurer que ces espèces ne suivent pas le déclin sévère des pangolins asiatiques.”
Les chercheurs supposent que l’augmentation de la demande pour faire face à l’absence de cette espèce sur les marchés asiatiques pourrait expliquer la flambée du prix du pangolin que les auteurs ont découvert. Dans les marchés de villes, en 2014, le prix du pangolin géant terrestre (Smutsia gigantea) était 5,8 fois plus élevé que son prix en 1993.
En 2016, la Convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d’extinction, ou CITES, a interdit le commerce international des pangolins. Mais, comme les auteurs le soulignent, cette directive n’est pas accompagnée des outils pour assurer son renforcement. Celui-ci est laissé à la charge des pays où le commerce se déroule.
Ingram nous a dit : “il est crucial que nous examinions comment l’augmentation de la chasse est liée avec le commerce illégal d’animaux sauvages. L’engagement des gouvernements et des locaux sera critique pour la conservation des pangolins africains.”
L’étude recommande entre autres de commencer par s’attaquer aux marchés locaux des pangolins en identifiant les endroits où la chasse est intolérable. Mais les chercheurs notent aussi, avant qu’il ne soit trop tard, que le renforcement et la surveillance doivent se produire à travers la chaîne d’approvisionnement, incluant l’Asie et la Chine en particulier où la demande du consommateur est à son maximum.
Ingram a dit : “si nous n’agissons pas maintenant pour mieux comprendre et protéger ces animaux charismatiques, nous risquons de les perdre dans le futur.”
CITATIONS
- Challender, D. W., Waterman, C., & Baillie, J. E. (2014). Scaling up pangolin conservation. IUCN SSC Pangolin Specialist Group Conservation Action Plan. Zoological Society of London, London, UK.
- Ingram, D. J., Coad, L., Abernethy, K. A., Maisels, F., Stokes, E. J., Bobo, K. S., … & Holmern, T. (2017). Assessing Africa‐Wide Pangolin Exploitation by Scaling Local Data. Conservation Letters.
Image en tête ©Tim Lewthwaite, WCS.