Nouvelles de l'environnement

Au Nigéria, l’autoroute de Cross River change de route

  • Le projet initial prévoyait que l'autoroute de 260 kilomètres (162 miles) ait six voies et traverse le centre du Parc national de Cross River.
  • La région est un point chaud de biodiversité et abrite des éléphants des forêts, des drills, des chimpanzés Nigéria-Cameroun et des gorilles de Cross River.
  • Le projet déplace la route vers l'ouest, hors du centre du parc national, qui avait recueilli les félicitations du Wildlife Conservation Society.
  • La route semble toujours couper à travers des zones forestières et des terrains protégés.

La trajectoire de la majeure partie du projet d’autoroute de l’Est du Nigéria a été modifiée pour répondre aux craintes des groupes locaux et internationaux vis-à-vis de son impact sur la vie sauvage et les communautés.

La Société de conservation de la vie sauvage (Wildlife Conservation Society (WCS)), basée au zoo du Bronx dans la ville de New York, a immédiatement célébré ce changement.

“Nous l’avons fait”, déclara John Calvelli, vice-président exécutif de l’organisation pour les affaires publiques, dans une déclaration. “L’autoroute a été déplacé et la vie sauvage protégée.”

Le projet original d’autoroute de la Cross River (à gauche), celui déplacé (à droite) et le parc national de la Cross River dans le sud est du Nigéria. Carte avec l’autorisation de WCS.

Le WCS, les autres ONG ainsi que les organisations scientifiques ont mené une campagne contre la construction de l’autoroute de 260 kilomètres (162 miles) à six voies. Celle-ci coupe en effet à travers le Parc national de la Cross River au Nigéria, qui fournit un habitat remarquable à la vie sauvage, notamment à des espèces inscrites sur la liste rouge de l’UICN et des sous-espèces telles que des éléphants des forêts (Loxodonta cyclotis), des drills (Mandrillus leucophaeus) et des chimpanzés du Nigeria-Cameroun (Pan troglodytes ellioti). Identifié comme un point chaud de la biodiversité, le parc est également l’un des derniers refuges des quelques 300 gorilles de Cross River restants (Gorilla gorilla diehli).

La nouvelle trajectoire a été déplacé vers l’extérieur du parc national, comme le montre la carte produite par WCS.

“Le premier tracé de la super autoroute de 257 km (160 miles), qui inclut une zone tampon de 19 km (12 miles) de large, aurait été catastrophique pour la forêt équatoriale de la Cross River, puisqu’il aurait détruit quelques-uns des derniers habitats des gorilles de Cross River en danger”, dit Calvelli dans une déclaration.

Les officiels ont réduit la zone tampon à 140 mètres (459 pieds) en février.

Une photo d’un gorille de Cross River provenant d’une caméra cachée. Photo avec l’autorisation de WCS-Nigéria.

Bill Laurence, un écologiste tropical de l’Université James Cook à Cairns, en Australie, étudie les impacts des routes sur l’environnement et fait partie des auteurs d’un article en cours d’impression au journal Tropical Conservation Science(Sciences de la Conservation tropical) qui donne un aperçu des deux routes possibles pour cette autoroute.

De ce dernier développement, Laurance dit : “La route proposée est assurément meilleure que la première proposition.”

Mais la construction de la route selon le nouveau tracé ne semble pas une solution parfaite, ajoute-t-il.

“À mes yeux, la route proposée semble toujours couper à travers de larges zones de forêts et de zones protégées”, dit-il dans un interview. “Je retiens mon jugement dans l’attente de plus de détails, mais j’ai toujours des inquiétudes.”

Ben Ayade, le gouverneur de l’État de Cross River, a soutenu le projet depuis qu’il a pris son poste en mai 2015, considérant qu’il s’agissait d’une aubaine pour l’économie de l’état. Des sources disent que la route pourrait coûter jusqu’à plusieurs milliards de dollars pour être terminé, alors même que le prix affiché pourrait n’être que d’un milliard. Aucune estimation indiquant comment ces changements allaient affecter ces chiffres n’a été rendue publique.

Le bureau d’Ayade, contacté via différents canaux, n’a pas fait de commentaires.

“Nous avons besoin d’ouvrir l’horizon pour donner du travail aux nombreux jeunes”, dit-il dans un discours en 2015. La route est conçue pour relier le port de Calabar dans le Golfe de Guinée à la ville enclavée d’Ikom dans l’état de Cross River, ainsi qu’à l’État de Katsina Ala dans l’état du Benue. Cette autoroute goudronnée diminuerait le temps de route entre Katsina Ala et Calabar passant de 5-6 heures à 90 minutes, déclara Ayade à la foule.

Le drill est un singe menacé à courte queue trouvé dans le parc national de Cross River. Photo de John C. Cannon.

Les écologistes et les défenseurs des droits humains sont inquiets du flux de personnes qu’engendrerait la construction de la route.

Si la route avait gardé son tracé original, “vous pourriez être sûr que la forêt entière aurait disparu rapidement”, dit Odey Oyama, le directeur exécutif du Rainforest Resource and Development Centre (le Centre de développement et des ressources de la forêt équatoriale), une ONG de la Cross River, dans une interview de 2015.

The Ekuri Initiative, une organisation autochtone, qui travaille sur la gestion des forêts, a récolté 253 000 signatures de personnes opposées au projet sur la base qu’il menace les droits de la propriété à l’échelle locale. Les communautés de l’ancien Ekuri et du nouveau Ekuri, qui gèrent conjointement les 33 600 hectares (environ 83 000 acres) de forêts dans la zone tampon du parc national, définissent ce projet d’autoroute “de saisie de terrain sous couvert de super autoroute” en raison de la quantité de terrain que le gouvernement a récupéré pour le projet. Les leaders de l’initiative ont apporté la pétition au gouvernement fédéral du Nigéria en 2016.

Le président Muhammadu Buhari, élu en 2015, a semblé soutenir le projet dans un premier temps, mais a annulé sa visite à la cérémonie d’inauguration en septembre 2015 lorsqu’il a découvert que l’évaluation de l’impact environnemental pour le projet n’avait pas été classifiée.

“La réaction du Président est un signal très fort pour rappeler à tous que la loi ne peut être ignorée”, dit Nnimmo Bassey, directeur d’un think tank environnemental Health of Mother Earth Foundation dans la ville Benin, au Nigéria, lors d’une interview de 2015.

Les données visualisées sur Global Forest Watch montrent que le nouveau tracé de l’autoroute de la Cross River (en rouge) coupe toujours à travers des forêts vierges et des zones protégées au sud-est du Nigéria. Carte avec l’autorisation de Global Forest Watch.

Aujourd’hui, l’administration d’Ayade récolte les louanges pour son rôle gouvernemental dans le changement du tracé de l’autoroute.

“La route proposée fera que l’incroyable biodiversité de la nation sera préservée”, dit Calvelli. “Nous remercions le gouvernement d’avoir écouté la communauté locale Ekuri et les voix des autres communautés qui ont exprimé leurs inquiétudes vis-à-vis de l’impact de l’autoroute sur des terres essentielles aux gens.”

Calvelli souligne également le besoin d’une participation continue tant que la route est en construction.

“Nous encourageons le public à rester mobilisé sur ce problème tout au long de son développement”, dit-il. “Ensemble, nous pouvons faire ce qui est juste pour la vie sauvage du Nigéria et pour les communautés qui dépendent de forêts saines et de zones protégées fortes.

La plupart des zones entre Ikom et Calabra, les deux villes de l’État de Cross River que l’autoroute relie, sont des points chauds de la biodiversité. Carte avec l’autorisation de Global Forest.

CITATIONS:

Commentaire de l’éditeur : William Laurance est membre du bureau de conseil de Mongabay.

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