Nouvelles de l'environnement

Note de terrain : des scientifiques cherchent à trouver la cause du stress à long terme qui affecte les hyènes d’Afrique

  • Les scientifiques analysent fréquemment les hormones de stress se trouvant dans les excréments des animaux pour évaluer les effets que les éléments perturbateurs présents dans l’environnement ont sur leur santé. Ils observent, par exemple, les conséquences du trafic maritime sur les baleines noires, de l’exploitation forestière sur les hiboux tachetés et de l’écotourisme sur les gorilles des montagnes.
  • Une ancienne hypothèse maintenait que le taux d’hormones de stress trouvé dans les animaux était représentatif de leurs espèces. Des études permettent cependant de montrer que des facteurs tels que le sexe, l’âge et la phase de reproduction des animaux peuvent avoir une incidence sur le taux d’hormones de stress trouvé dans les glucocorticoïdes.
  • Julia Greenberg se sert de données rassemblées sur 20 ans par le Mara Hyena Project pour mettre à l’épreuve les limites des mesures du taux d’hormones de stress se trouvant dans les glucocorticoïdes présentes dans les excréments dans le but de trouver des modèles se répétant à long terme. Elle voulait répondre à question suivante : les glucocorticoïdes peuvent-elles servir à montrer la tendance présente chez la population animale à souffrir de stress généralisé pour pouvoir ensuite améliorer la
  • Elle a trouvé jusqu’à maintenant que l’espérance de vie d’une hyène ayant un taux élevé de glucocorticoïdes dans ses selles était très courte. D’un autre côté, elle n’a pas été en mesure d’établir une corrélation entre la présence précoce élevée de glucocorticoïdes et l’efficacité à se reproduire plus tard dans sa vie.
In the field, spotting for spotted hyenas, Julia Greenberg (right) and research assistant Wilson Kilong (left). Photo courtesy of the MSU Mara Hyena Project
Julia Greenberg (à droite) qui cherche des hyènes tachetées dans les champs, accompagnées de son assistant de recherche Wilson Kilong (à gauche). Photo utilisée avec l’autorisation du MSU Mara Hyena Project.

Excréments : Une façon de déterminer le taux de stress chez les animaux est de ramasser et d’analyser leurs excréments.

Ce ne sont pas des outils idéals : Julia Greenberg, une candidate au doctorat à la Faculté de zoologie à l’Université du Michigan à East Lansing, nous a confié qu’elle a « rapidement appris qu’interpréter des mesures venant des hormones fécales était bien plus compliqué que cela ne paraissait! » Elle étudie le taux d’hormones de stress des hyènes tachetées d’Afrique.

Les excréments peuvent, sans se tenir trop près au grand bonheur de tout le monde, être analysés pour déterminer s’il y a présence de glucocorticoïdes, une hormone qui est sécrétée par les glandes surrénales afin de répondre aux nombreux stress de la vie courante. À court terme, cette augmentation d’hormone est bénéfique, car elle aide à augmenter le taux de sucre dans le sang, empêchant ainsi la fatigue musculaire de survenir pendant un combat ou une fuite.

An adult female from the Mara Hyena Project clan provides some of the poop that researchers collected to study stress hormone levels. Photo by Dr. Jeffrey French
Une femelle adulte du clan du Mara Hyena Project en train d’évacuer des excréments que les chercheurs et chercheuses pourront ramasser pour étudier le taux d’hormones de stress. Photo prise par le Dr Jeffrey French.

Un taux chronique élevé de glucocorticoïdes engendré par un taux constant très bas de stress peut cependant affaiblir le système immunitaire et fatiguer l’organisme; un effet qui a déjà été observé chez les humains souffrant de stress post-traumatique. Chez les animaux sauvages, cette réponse chronique pourrait réduire leur espérance de vie ou leur efficacité à se reproduire.

L’idéal serait de suivre le taux d’hormone présent dans les excréments puisque c’est une manière non évasive d’évaluer les répercussions du stress sur un éventail de variété d’espèces. Cette information permet d’aider les défenseurs et défenseures de l’environnement à évaluer les effets de l’activité humaine gênants ou d’autres facteurs stressants les animaux. Des études ayant mesuré les hormones de stress stress dans les excréments ont permis d’observer les effets du trafic maritime sur les baleines noires, de l’exploitation forestière sur les hiboux tachetés et l’écotourisme sur les gorilles des montagnes.

Cette technique n’est cependant pas infaillible. Ce ne sont pas toutes les personnes ou les espèces qui expriment le stress de la même manière.

Selon Julia, « il y avait un point où tout le monde a commencé à utiliser ce puissant outil et c’est peut-être après dix ans que nous avons pu constater quelques problèmes concernant celui-ci. Nous n’avons toujours pas été en mesure de nous servir des marques de stress pour comprendre les tendances générales de l’ensemble d’une espèce ».

Les scientifiques et les gestionnaires de la faune et la flore sauvage continuent toutefois d’investir beaucoup de temps et d’argent pour enregistrer le taux d’hormones de stress chez les espèces. Julia se demande « s’il existe une manière de se servir de ces tests pour projeter les tendances des populations afin de créer des plans de gestion de la faune et de la flore sauvage optimaux.

Julia Greenberg with an anesthetized adult female, Clovis, in June 2012. This was a routine anesthetization to deploy a GPS collar, visible around her neck, to collect blood samples, and to take morphological measurements. Clovis was up and back in action as alpha of the South clan later that day, says Greenberg. Photo courtesy of the MSU Mara Hyena Project
Julia Greenberg aux côtés d’une femelle adulte anesthésiée appelée Clovis, en juin 2012. C’était une habitude d’anesthésier l’animal pour déployer un collier GPS qui était visible autour de son cou servant à collecter des échantillons de sang et à enregistrer des mesures morphologiques. Julia nous a dit que Clovis s’est réveillé plus tard dans la journée et est retournée vaguer à ses occupations en tant que membre alpha du clan du sud. Photo utilisée avec l’autorisation du MSU Mara Hyena Project.

Mongabay: Pourquoi avez-vous décidé d’enregistrer les hormones de stress chez les hyènes tachetées?

Julia Greenberg: La réponse des hyènes tachetées (Crocuta crocuta) à s’empiéter sur le territoire en augmentant le bétail en pâturage comparativement aux autres gros carnivores au Kenya a attiré mon attention. Si on les compare aux lions et aux guépards, elles n’ont pas eu de baisse démographique significative. Je voulais donc savoir comment elles réussissaient à s’adapter dans ce monde qui change constamment.

Je parie que le fait que les hyènes ont une période de développement très longue joue un rôle dans le façonnement de leur flexibilité et de leur résistance. Il faut 14 mois pour sevrer les bébés et ils ne chassent pas efficacement jusqu’à l’âge de 5 ans. Nous pensons que c’est pour cette raison qu’ils restent longtemps auprès de leur mère parce que leurs puissantes mâchoires prennent des années à se développer et jusque-là, ils ont besoin de quelqu’un afin de les défendre contre les agresseurs, dépouiller les grosses carcasses et tuer des proies.

Les hyènes ont aussi une espérance de vie très longue. Dans notre étude de clan, Navajo qui est âgée de 24 ans détient le record de vieillesse chez les hyènes. Les glucocorticoïdes constituent des biomarqueurs fondamentaux qui, je pense, pouvaient m’aider à observer le rôle que jouent les aptitudes à élever le taux de concentration des hormones de stress.

Je pensais aussi naïvement que ce laboratoire fonctionnerait et que tout se déroulerait comme prévu : je me disais que j’aurais tout simplement des mesures biologiques très objectives… Mais j’ai rapidement appris qu’interpréter des mesures venant des hormones fécales était bien plus compliqué que cela ne paraissait.

A hyena den, Photo by Lily Johnson-Ulrich from the MSU Hyena Research blog.
Une tanière d’hyènes. Photo prise par Lily Johnson-Ulrich du blogue du MSU Hyena Research.

Mongabay: De quelle manière les hormones de stress sont-elles liées à la survie et à l’efficacité de reproduction des hyènes?

Julia Greenberg: Tout d’abord, j’ai eu l’humble privilège de consulter un ensemble de données s’étendant sur une trentaine d’années. Le Mara Hyena Project a débuté en 1988 au Masai Mara National Reserve dans le sud-ouest du Kenya avec la professeure de la Faculté de biologie intégrative de l’Université du Michigan. Depuis, beaucoup de personnes prêtes à observer et à ramasser les excréments de ces animaux ont travaillé sur ce projet.

Chaque jour, nous avons suivi des hyènes sur le terrain à l’aide des motifs de leurs taches, de leurs oreilles endommagées ou de leur collier en utilisant un télémètre ou un GPS. Nous pouvons donc bien comprendre les relations et la hiérarchie sociale matrilinéaire se trouvant au sein du clan. Le pouvoir de ces longues histoires signifie que nous pouvons faire un lien avec le comportement des animaux et le taux d’hormones présent dans les excréments que nous ramassons. C’est seulement à partir d’aujourd’hui, après toutes ses années, que nous pouvons commencer à observer comment ces facteurs jouent un rôle dans l’espérance de vie à long terme de ces espèces.

Nous avons particulièrement analysé les excréments collectés des animaux que nous avions en notre possession depuis leur naissance de 1994 à 2013. Notre hypothèse serait que leurs comportements et leurs fonctions physiques présents dès le début auraient un effet prononcé majeur sur qui risque de vivre ou de mourir plus tard. Cette période correspond aussi au moment où approximativement 50 % de nos hyènes meurent.

J’ai fait une corrélation entre le taux d’hormones de stress, la longévité de chaque hyène ainsi que de cerner les femelles qui avaient au minimum deux portées. Nous avons trouvé que les animaux ayant un haut taux de glucocorticoïdes dès le début de leur vie ne vivaient pas très longtemps. D’un autre côté, il n’y avait aucun couple qui se reproduisait efficacement. Dans cette étude, ces valeurs ne semblent pas être utiles pour prédire le nombre de bébés qui naîtront, mais cela pourrait aider les gestionnaires à établir leur longévité.

Two young subadult hyenas taking a nap in classic hyena style. Photo by Lily Johnson-Ulrich from the MSU Hyena Research blog.
Deux jeunes hyènes adolescentes se reposant en adoptant la pose classique de leur race. Photo prise par Lily Johnson-Ulrich du blogue de MSU Hyena Research.

Mongabay: Quelle est la suite?

Julia Greenberg: Le taux de stress de l’animal est un trait. Cela signifie que le taux de concentration de glucocorticoïdes que nous obtenons lundi sera le même que nous obtiendrons pour les autres jours est un facteur que nous pensons souvent qu’il sera vrai. Dans notre ensemble de données, j’aimerais voir si ces « métriques de stress » peuvent être répétées. Y a-t-il des animaux très stressés? Nous ne le savons pas vraiment.

Nous avons aussi le privilège d’avoir une autre manière de mesurer le taux de concentration de glucocorticoïdes en anesthésiant nos hyènes pour obtenir des analyses sanguines. Certaines personnes préfèrent les échantillons de sang aux échantillons d’excréments. J’aimerais comparer des motifs entre ces deux techniques. Nous pourrons par la suite savoir si nous passons à côté de quelque chose dans des études où nous pouvons seulement obtenir des échantillons d’excréments.

Au fur et à mesure que davantage d’études sont menées, nous espérons que des tendances générales émergeront, ce qui nous aidera à faire davantage de prédictions utiles avec ces tests.

Pour davantage de sujets :

Le blogue d’étude sur les hyènes de Kay Holekamp:

http://msuhyenas.blogspot.com/

La page sur Internet du travail des hyènes de Kay Holekamp :

http://hyenas.zoology.msu.edu/research/crocuta.html

Le blogue de Julia Greenberg :

http://juliargreenberg.wix.com/juliagreenberg

1280px-Hyena FEATURED Photo by Marieke Kuijpers posted on flickr
Hyène tachetée. Photo prise par Marieke Kuijpers, publiée sur Flickr

 

Quitter la version mobile