- À grande échelle la surveillance de la biodiversité de l’espace s’impose comme un enjeu de taille. Avant d’en gérer efficacement les bénéfices, les écologistes doivent faire face aux problèmes qui subsistent.
- Un obstacle en particulier s’oppose à cette quête : la nécessité d’établir des métriques consolidées et adaptées à la surveillance de la biodiversité depuis l’environnement spatial. Ces mesures incorporeraient plusieurs sortes de données. Aujourd’hui, après des décennies de débats, les scientifiques s’accordent finalement sur les mesures à prévaloir.
- D’après les experts, la période est propice pour l’avancée des analyses spatiales, car on observe de plus en plus de nouveaux satellites et de nouvelles technologies de télédétection en ligne.
La veille de Noël en 1968, peu après leur 4e orbite autour de la lune, 3 astronautes américains à bord d’Apollo 8 s’émerveillaient de voir la terre d’un angle si différent. Une tache bleue se détachant du néant. Les astronautes s’empressèrent de prendre une photo, et ce fut le tout premier cliché de la terre pris par l’homme de l’espace. « C’était la plus belle vision de toute ma vie » se le rappelle Frank Borman, le commandant de vol. « C’est ce que doit voir Dieu ».
Depuis ce célèbre cliché de lever de terre, notre capacité à aller dans l’espace s’est nettement améliorée. Les satellites enregistrent de données sous haute résolution et les clichés sont de meilleure qualité. Cela permet aux écologistes de prédire, entre autres, les schémas climatiques, de retracer la dynamique des populations de phytoplancton et de surveiller les volcans actifs.
Malheureusement encore aujourd’hui, les scientifiques ne profitent pas pleinement des systèmes d’observations par satellite pour lutter contre la perte toujours plus fracassante de biodiversité. Généralement, ils estiment la valeur de la biodiversité en compilant le nombre d’individus de différentes espèces d’une région spécifique et incorporent ceux-ci dans un modèle mathématique. Mais les résultats tendent à être limités et très variables.
Nathalie Pettorelli, écologiste de la société Zoologique de Londres, explique à Mongabay qu’un point d’observation de l’espace serait d’une valeur inestimable. Des mesures de biodiversité de l’espace à différentes échelles nous fourniraient des éléments de comparaison en matière de santé de l’écosystème. « Cela aiderait les scientifiques à mieux comprendre le rôle de chaque écosystème dans des régions spécifiques » ajoute-t-elle.
Avant d’en gérer efficacement les bénéfices, les écologistes doivent faire face aux problèmes qui subsistent. Actuellement, les organismes qui collectent les données satellitaires n’ont pas de collaboration concrète avec les scientifiques de l’environnement. L’accès à ces données est assez limité, en plus de cela, elles ne sont pas enregistrées en continue et ne concernent pas nécessairement les domaines de plus haut intérêt.
L’accès à ces données permettrait aux scientifiques d’établir des métriques consolidées et adaptées à la surveillance de la biodiversité, qui incorporeraient un ensemble de données variables. Aujourd’hui, après des décennies de débats, les scientifiques s’accordent finalement sur quelles données inclure. D’après Pettorelli, afin de parvenir à un vrai consensus, les scientifiques doivent travailler main dans la main avec les organismes de collecte de données.
Petterolli et plusieurs de ses collègues ont rédigé un article dans le journal Nature afin de relancer la discussion entre les scientifiques et les organismes. Dans leur article, ils suggèrent quelles variables pourraient être surveillées depuis l’espace. Ils escomptent à ce que ces mesures établissent des éléments de comparaison en matière de surveillance de la biodiversité.
Les variables proposées dans l’article incluent l’étude du rôle des écosystèmes et leurs structures, que les satellites documentent déjà. Par exemple, le satellite Quickbird de la société DigitalGlobe basée au Colorado et l’agence américaine d’observation océanique et atmosphérique (NOAA Animal réseau de télémesure animal) sont assez sophistiqués pour prendre des clichés de plantes ou d’animaux, et montrent alors leurs tailles et leurs répartitions.
Il semblerait que ce soient les mesures les plus intuitives en relation à la biodiversité, mais d’autres encore pourraient collecter autant d’informations pertinentes sur la fonction d’un écosystème. Par exemple, depuis 1986 la mission française SPOT a cartographié des plans de végétation, indiquant quels habitats étaient fragmentés sur la durée. Paris d’autres, Landsat,une mission conjointe à la NASA et la commission géologique américaine, ont pour mission de collecter des données sur la santé des forêts en calculant de combien la surface de la terre est recouverte de feuille
Les données sur les inondations et les incendies collectées par Global Forest Watch, un partenaire de Mongabay, aide les écologistes à identifier le fonctionnement d’un écosystème et ce qui le menace. On peut supposer que les données collectées par les satellites de ces grandes institutions – comme Google et l’agence spatiale Européenne – sont beaucoup plus précises. Comme Pettorelli et ses collègues suggèrent, ces métriques donnent un aperçu de l’état de santé d’un écosystème et des diverses espèces présentent pour le peupler.
Petterolli a expliqué à Mongabay que dans la quête de collaboration entre les scientifiques sur le sujet du réchauffement climatique – sujet proposé en 1979- elle et ses collègues proposent des processus plutôt que des solutions. Sans métrique spatiale distincte pour la biodiversité, la communication entre les communautés écologistes et celle de la télédétection ne fonctionne pas.
D’après Greg Asner, un scientifique de l’Institut des sciences de Carnegie, la période est propice pour l’avancée des analyses spatiales de la biodiversité. 15 ans auparavant, beaucoup de nouveaux satellites peu sophistiqués apparaissaient en ligne, mais les scientifiques n’avaient aucune idée de quelles métriques se servir pour calculer la valeur de la biodiversité. Aujourd’hui la situation s’est nettement améliorée. Asner considère l’article de Pettorelli comme étant la publication la plus récente ayant réussi à rallier les scientifiques à une cause commune, à savoir, quelles variables utiliser. Il mentionne que « les processus proposés dans l’article sont ceux sur lesquels les scientifiques se questionnent ».
La technologie aussi s’est nettement améliorée. Asner est capable de prendre des clichés de très haute résolution depuis un avion grâce à un spectromètre d’imagerie aéroportée (AToMS) qui peut détecter les propriétés chimiques et réflectances des plantes. Ces informations permettent de révéler la structure et la biodiversité des forêts. Le vaisseau cumule des données périodiquement, sur une base non continue comme un satellite le ferait. Asner tente d’équiper les satellites avec cette technologie d’imagerie aéroportée.
De tels progrès technologiques devraient être suffisants pour motiver les agences comme la NASA ou l’agence spatiale Européenne a consacré une partie de leurs budgets pour des projets sur la biodiversité. D’après Asner de telles conditions réunies seraient parfaites.
Pettorelli et ses collègues expliquent que d’autres débats sont nécessaires entre les scientifiques et les agences de collecte de données. Ils pensent que les organisations environnementales intergouvernementales devraient faire les premiers pas dans le but de coopérer, comme l’a fait le Secrétariat de la Convention pour la diversité biologique.
Le secrétariat convient que les groupes divergents doivent s’unir afin de partager leurs données respectives, explique Robert Hoft, un Fonctionnaire d’affaires environnementales au Secrétariat. Hoft confirme que l’utilisation des données satellitaires pour la conservation est au goût du jour : le secrétariat déploie doucement mais sûrement des efforts en accord avec les attentes de Pettorelli. Les chercheurs du secrétariat ont fait appel aux institutions telles que des universités, des agences de subventions à vocation scientifique, des associations et des organisations gouvernementales afin d’augmenter les financements mis à la disposition des projets de recherche satellitaires pour lesquels les scientifiques et les agences de collectes de données peuvent collaborer.
“Toutes ces organisations ont différentes motivations pour fournir ces fonds : les gouvernements ont besoin de ces informations de manière rentable ; les agences spatiales et Google utilisent ces données de manières concrètes et démontrent l’intérêt public qu’elles suscitent ; les agences de subventions à vocation scientifique quant à elles soutiennent les sciences du vivant” explique Hoft. Pourtant, même avec toutes les données déjà accessibles, sans financement adéquat, les écologistes ne peuvent compiler ces informations de manière à ce qu’elles soient utiles à la biodiversité, ajoute-t-il.
Asner ajoute que “l’avancée technologique est suffisamment développée pour mettre en marche ce processus, mais les preneurs de décisions ne sont pas au rendez-vous, à D.C par exemple, on ne sait pas à qui attribuer ces fonds” dit-il.
Si un jour les écologistes sont capables de surveiller la biodiversité de l’espace, ils espèrent que cela leur permettra d’établir de meilleures stratégies afin de ralentir l’extinction des espèces. En surveillant les écosystèmes les plus pertinents, ils sauront si les stratégies fonctionnent.
« Nous recevons constamment de nouveaux flux d’informations grâce aux nouvelles sondes et aux nouveaux satellites en ligne » ajoute Hoft. « Cela veut dire que nous sommes de plus en plus capables de détecter les changements à distance et sur de large zone, nous pouvons donc enregistrer plus de données pour les comparer au fil des années ».
Mais Hoft et Pettorelli avertissent que des yeux dans le ciel ne remplaceront pas des pieds sur terre. Les données satellitaires devront toujours être raccordées aux métriques terriennes, même si celles-ci seront de moins en moins utiles.
Si les écologistes et autres prenant-parties pouvaient nous souffler la solution, ils n’aideraient pas seulement à créer de plans de conservation mais aussi à déterminer les missions et données spécifiques d’autres satellites. Plusieurs nouveaux satellites de collecte de données devraient être lancés dans les années à venir. La mission GEDI de la NASA, qui devrait prendre fin en 2018, collecte des données sur la taille de plantes et leurs biomasses. La mission de l’agence ECOSTRESS, qui démarrera entre 2017 et 2019, examinera comment les plantes absorbent et relâchent l’eau. Les scientifiques de l’environnement souhaiteraient que les collaborations débutent avant le lancement de ses missions pour profiter au maximum de ces ressources.
« Si nous pouvons utiliser au mieux les données disponibles, nous pourrions établir des stratégies de développement pour de nouvelles constellations de satellites afin de maximiser notre collecte de données » dit Pettorelli. « Il y aura toujours des choses que nous ne pourrons pas faire depuis l’espace, mais pour beaucoup d’autres c’est possible ».
Citations
Skidmore, A.K. et al. (2015). Agree on biodiversity metrics to track from space. Nature 523:403–405.