Nouvelles de l'environnement

Des scientifiques créent une application permettant d’identifier les espèces automatiquement grâce à leurs cris

Identification de cri pour les animaux.


Une nouvelle technologie rend possible l’identification automatique des espèces grâce aux sons qu’elles émettent.



Ce système de logiciels et d’équipements, détaillé dans le dernier numéro de la revue PeerJ, a été utilisé sur des sites à Porto Rico et au Costa Rica pour identifier des grenouilles, des insectes, des oiseaux et des singes. Beaucoup des animaux identifiés par le système sont typiquement difficiles à repérer dans leur environnement naturel, mais des enregistrements sonores de leurs cris indiquent non seulement leur présence mais permettent également de connaître leurs activités. La plateforme, intitulée Automated Remote Biodiversity Monitoring Network (ARBIMON), pourrait potentiellement permettre aux scientifiques de surveiller des espèces dans des sites éloignés sans être physiquement présents au sol, selon Mitchell Aide de l’Université de Puerto Rico, auteur principal de l’étude.



« Pour comprendre l’impact de la déforestation et du changement climatique, nous avons besoin de données à long terme fiables sur la faune du monde entier, explique Aide. La méthodologie de prélèvement traditionnelle, qui implique l’envoi de biologistes sur le terrain, coûte chère et aboutit souvent à des données incomplètes et limitées car il est impossible de maintenir les biologistes sur le terrain 24h par jour tout au long de l’année, et il est impossible de cloner les biologistes experts de terrain, pour qu’ils puissent surveiller divers sites simultanément. »




La phase d’acquisition de données d’ARBIMON. Document fourni par Aide et al. (2013).




Carlos Corrade-Bravo, co-auteur de l’étude, également de l’Université de Puerto Rico, explique que cette technologie permet aux experts de tirer profits de leurs connaissances et de tester des hypothèses à plus grande échelle sur le terrain.



« Nous n’essayons pas d’éliminer le biologiste, affirme Corrada-Bravo. Au contraire, nous essayons de fournir les meilleures données et les meilleurs outils possibles, pour que les biologistes puissent utiliser leur temps pour convertir ces données en informations utiles pour la science, la préservation, la gestion et l’éducation. »



Corrada-Bravo ajoute que puisque les données sont gardées à perpétuité dans un entrepôt en ligne, elles peuvent être utilisées par des générations futures de scientifiques.



« Chaque enregistrement est l’équivalent d’un échantillon provenant d’un musée, qui peut être analysé avec la connaissance et les technologies que nous avons aujourd’hui, mais qui sera stocké de manière permanente pour que les biologistes, d’ici 20 ou 50 ans, puissent analyser ces enregistrements avec de nouvelles technologies et idées. »




Le cri de la grenouille des fraises (Oophaga pumilio) a été détecté avec une exactitude de 100% pendant les essais pratiques à la Station biologique de La Selva au Costa Rica. Photo prise par Rhett A. Butler en juin 2013.




ARBIMON utilise à la fois un logiciel et un équipement, y compris une station de contrôle alimentée à l’énergie solaire. Un rapport de l’université de Porto Rico explique :

ARBIMON pourrait potentiellement permettre le développement d’autres technologies émergentes axées sur la préservation. Par exemple, Rainforest Connection, une organisation basée à San Francisco qui travaille dans la forêt tropicale de Sumatra, a récemment installé des unités qui guettent les coups de feu et les tronçonneuses. Tous les bruits qui correspondent à ses signatures sonores déclenchent une alerte qui est relayée aux autorités locales, ce qui permet une action d’application en temps réel. Les unités de Rainforest Connection, qui sont créées à partir de téléphones Android usagés, pourraient être accordées pour guetter des cris d’animaux spécifiques – même des sons d’avertissement qui pourraient signaler une menace de braconnage.



« L’engagement d’ARBIMON pour l’ouverture est vraiment stimulant, déclare Topher White, le fondateur de Rainforest Connection, à mongabay.com. À l’avenir, les données générées par nos unités pourraient potentiellement être intégrées à la bibliothèque d’ARBIMON pour une région donnée, nous permettant de pister les cris d’alarme des animaux, et d’aider les autorités à intervenir dans le domaine du braconnage des espèces sauvages en temps réel. »



Au même moment, les Conservation Drones, qui associent des logiciels d’application avec des modèles d’avions et d’hélicoptères spécialement équipés, sont utilisés pour un éventail d’applications, y compris la surveillance, la collecte de données et les correspondances en haute résolution. Lian Pin Koh, un chercheur précurseur dans le développement des drones de préservation ces dernières années, indique que la capacité d’un drone à délivrer des charges à des régions éloignées pourrait avoir une certaine utilité pour ARBIMON.



« Une version miniaturisée du système ARBIMON a pu être fournie par un drone aux parties inaccessibles de la forêt pour surveiller les cris d’animaux », déclare Koh à mongabay.com.




Le Toucan de Swainson (Ramphastos swainsonii) est l’une des espèces qui a été détectée dans les essais pratiques à la Station biologique de La Selva au Costa Rica. Photo prise par Rhett A. Butler en juin 2013.




Les auteurs de l’étude ARBIMON sont d’accord pour dire que les nouvelles technologies joueront un rôle critique dans l’amélioration des efforts de préservation.



« Ces outils basés sur internet simplifient considérablement le processus d’extraction des résultats utiles pour les chercheurs et les gestionnaires depuis les données brutes (c.-à-d. les enregistrements), ce qui devrait aider les utilisateurs à améliorer et à étendre leurs programmes de contrôle écologiques », écrivent-ils.



En fin de compte, le but pour ces nouveaux outils est d’assurer de meilleures protections pour les espèces sauvages et les sites en danger.



« La conservation et la gestion de la biodiversité dans le monde est un défi majeur pour la société, en particulier dans les tropiques, explique Aide. Nous espérons que les outils que nous avons développés permettront à des chercheurs, à des étudiants, à des gestionnaires, et au grand public de mieux comprendre la manière dont ces menaces affectent les espèces, de sorte que nous puissions prendre des décisions informées concernant la préservation et la gestion ».




CITATION: Aide et al. (2013). Real-time bioacoustics monitoring and automated species identification. PeerJ 1:e103; DOI 10.7717/peerj.103



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