Howie Nielsen lors d’un trek en début de cette année dans un coin éloigné du Parc national de Virachey. Photo de Greg McCann.
Bordé de montagnes boisées faisant frontière avec le Laos et le Vietnam, le Nord-Ouest du Cambodge demeurait pour moi jusqu’alors un lieu fascinant, manquant encore au palmarès de mes longs voyages dans ce pays. Le Parc national de Virachey qui a été créé en 1993
niche au pied de cette frontière.
J’ai commencé à chercher un moyen d’explorer cette région il y a deux ans, espérant me mettre en relation avec des ONG environnementales pour accéder au parc, personne ne semblant savoir grand chose de ce dernier. J’ai appris que la région avait été abandonnée par ces groupes en raison des concessions foncières accordées massivement aux industries du bois et du caoutchouc. La Banque mondiale a, quant à elle, renoncé à ses huit années d’efforts pour créer un plan de gestion de Virachey après que les concessions aient été accordées en 2007. Un moratoire sur les concessions a temporairement été mis en place mais les incursions dans le parc pour abattre illégalement le bois se poursuivent.
La seule tentative pour évaluer la faune et la flore a été faite en octobre 2007 lorsque l’Organisation Conservation International a hélitroyé 10 chercheurs dans le parc pour deux semaines. Fait incroyable, personne ne s’occupa des oiseaux. Il en résulte que l’on ne sait pas grand chose sur les oiseaux du parc et que c’est ce qui m’a motivé. J’ai pensé que si j’atteignais les forêts montagneuses situées à 1200 mètres d’altitude, je découvrirais peut-être des oiseaux jamais encore répertoriés au Cambodge.
Ce trek a été la résultante de 8 mois d’échanges par courriel avec Greg McCann (voir le billet de Greg en fin d’article). Ce dernier a, durant quatre ans, exploré la région à bord d’une embarcation dans le but d’achever sa thèse consacrée aux relations entre les tribus animistes et l’écologie de la région. Il a répertorié leurs mythes et leurs histoires, cherchant à comprendre de quelle manière ceux-ci découlent de la biogéographie locale. Ses voyages dans la province de Ratanakiri l’ont entraîné à chaque fois plus loin dans la brousse. L’entreprise de cette année qui consistait à se rendre dans la prairie de Yak Yeuk, nichée au pied des montagnes sacrées, n’avait jamais encore été mise sur pied par le bureau du parc national. A sa connaissance, un seul étranger jusqu’ici a déjà visité Yak Yeuk. Greg ayant établi un réseau de contacts avec les villages tribaux lors de ses précédentes visites, il put donc s’arranger avec un groupe appartenant à la minorité Kavet qui savait comment se rendre dans ces prairies.
Le lieu
Le Mont Mera, une montagne peu visitée dans le Parc national de Virachey. Photo de Greg McCann.
La région abrite une variété de tribus montagneuses, parmi lesquelles les Kavet, les Brao, les Kreung et les Tampuan. D’après l’Histoire, elle fut la cible d’expéditions de l’Empire Kmer et du royaume du Siam, prédominants alors, pour capturer des esclaves. En 1863, le Cambodge devint un protectorat français. Les autochtones des hautes terres résistèrent au régime colonial mais lorsque la France renonça à ses droits sur le pays en 1953, celle-ci raconta qu’ils avaient été soumis. On ne peut qu’imaginer ce que ce terme impliquait…
Après la renonciation de la France, la culture dominante kmer essaya d’imposer son hégémonie sur cette région et relogea les tribus en plaines. Le gouvernement tenta d’établir des plantations de caoutchouc dans la région en recourant au travail forcé. Mais, rencontrant une vive résistance, il dut abandonner. Le ressentiment né de cette période conduisit les minorités à sympathiser ultérieurement avec les Kmers rouges.
Durant la guerre d’Indochine, la région fut bombardée par les Américains, la piste Ho Chi Minh traversant des parties du parc. Le fort ressentiment que le gouvernement cambodgien créa explique également cette sympathie ultérieure accordée par les minorités aux Kmers rouges. En 1970, Lon Nol fit évacuer de la zone toutes les troupes, la livrant de fait à ces derniers.
En 1975, la vie sous le régime Kmer rouge devint si intolérable dans le Nord-Ouest que la majorité des tribus s’exilèrent aux Vietnam et Laos voisins pour échapper aux violences.
La région fut plus tard libérée par les Vietnamiens, en 1978 – contraignant dans un premier temps plus d’habitants des hautes terres à s’installer au Laos – et finalement pacifiée.
Les minorités qui revinrent choisirent de s’installer le long des grands fleuves de la région à savoir le Sesan et le Sekong, pour des raisons de sécurité. Avec le temps, les populations se sont enfoncées dans les forêts, retournant à leur agriculture traditionnelle basée sur une rotation des culture et l’abattis-brûlis mais en y ajoutant la fourniture des marchés désormais rendu possible grâce au développement par le Cambodge de ses infrastructures.
L’expédition
Jarre de saké utilisée lors des cérémonies. Photo de Greg McCann.
En raison des difficultés de cette expédition, Greg hésitait à entreprendre ce voyage mais mon constant intérêt le poussa à prendre les dispositions nécessaires. J’ai rencontré Greg à Phnom Penh le 16 janvier et le lendemain, nous avons fait 12 heures de bus pour nous rendre à Ban Lung, capitale de la province de Ratanakiri tout autant que porte d’accès à Virachey. Le lendemain matin, nous avons rencontré Su – un ranger issu de la minorité Lao qui devait nous accompagner – et avons négocié les frais d’interprétariat. N’étant jamais allé à Yak Yeuk, Su ne pouvait faire office de guide. Ce travail revint donc à trois porteurs Kavet que nous rencontrâmes plus tard en descendant le fleuve. Après avoir payé les salaires, le transport, la nourriture et la logistique, nous nous rendîmes au marché où Su acheta toutes les provisions nécessaires à notre trek.
Du riz, des pâtes instantanées, des légumes et du porc frais pour une première moitié et du poisson séché, des sardines en boîte pour la seconde constituèrent le gros de notre approvisionnement. Greg ajouta deux litres de whisky et je m’assurai qu’il y avait assez de café instantané. Une fois prêts, nous louâmes un camion et nous fîmes transportés au Nord de la ville fluviale de Vuen Sai, sur les bords du Sesan. Là, nous rejoignîmes nos porteurs et après un repas arrosé de bière, nous remplîmes deux longs canoës en bois, remontâmes le fleuve et empruntâmes son affluent, le O Lai Lai. Nous atteignîmes le village Kavet de Khong Ngok.
Nous devions passer notre première nuit au village et séjourner chez l’un de nos porteurs.
Nous devions également rencontré durant notre soirée l’aîné du village (de 6 ans mon cadet) et en l’occurrence le “sorcier” du village. Sa famille élargie s’était réunie pour voir ces deux étrangers bizarres qui étaient arrivés chez eux. Greg fut enthousiasmé par la cérémonie nocturne et le repas, y voyant une opportunité de recueillir des histoires et des informations supplémentaires pour sa thèse. De toutes apparences, l’alcool est un outil utile pour les anthropologues. Nous avions donc apporté deux caisses de bières en signe d’amitié et de camaraderie mais aussi dans le but de déclencher quelques récits.
Partager du saké provenant d’une jarre commune fait partie de la vie de cette région et des cérémonies. Nous fûmes tous conviés à nous accroupir autour de la petite jarre. Tout en frottant le bord de la cruche avec des fétus de paille, nous demandâmes dans le même temps aux esprits de nous accorder chance et protection. Chacun à son tour aspira un gorgée d’alcool à l’aide d’une paille spéciale en bambou et sortit de la maison, la crachant sur le sol, une opération qui fut suivie par une nouvelle série d’incantations.
Les chutes de Sa-a-Na: où conduisent-elles? Personne ne le sait. Photo de Greg McCann.
Un poulet fut ensuite sacrifié pour l’occasion. Il fut assommé de trois coups sur la tête et alla, pour une grande part, à la marmite. Si la bière et le saké coulait à flot, il en fut de même des questions de Greg et des histoires des Kavet. Su fit de son mieux pour traduire du kavet à l’anglais bien qu’aucune des deux langues ne fut sa langue maternelle. Il paraissait pouvoir manier, jusqu’à un certain point, sept langues. Les histoires traitaient de tigres emportant des jeunes filles, de dragons mangeurs d’hommes et d’esprits résidant dans les montagnes qui nous surplombaient.
La plupart des minorités conservent leur habitation le long des fleuves mais établissent des rizières dans la plaine inondable. Au-delà, c’est la forêt communautaire mais, avec l’accès plus important aux marchés grâce à l’actuelle construction de la route, il y a plus de pression qu’auparavant en matière d’abattage et de chasse. Les populations se sont éloignées de leur style de vie, de l’agriculture de subsistance en un mot et l’agriculture commerciale, celle de la noix de cajou et du manioc ,entraîne à présent une perte forestière supplémentaire.
Nous effectuâmes nos premières heures de trek au travers de ce paysage utilisé de manière mixte mais dès l’après-midi, nous pénétrâmes dans la forêt qui semblait vierge. Toutefois, le vrombissement des tronçonneuses était continuel et de grossiers chemins avaient été taillés pour tracter le bois coupé. Tard dans la journée, je fus stupéfait en débouchant dans une grande et récente clairière qui se consumait encore, les grosses souches carbonisées constituant les seuls restes de la forêt. Une poignée de huttes primitives étaient éparpillées au coeur de ces ruines. Chacune était entourée de groupes d’enfants sales et nus, de cochons à la recherche de quelque nourriture et de poules. Ces familles avaient toutes quitté le village dont nous étions partis la veille tout en conservant probablement une maison sur les rives du fleuve. Le frère de Jung, notre porteur, y avait joué un rôle actif.
Nous suspendîmes nos hamacs cette nuit-là le long d’un petit ruisseau, loin de ce ravage. Tandis que Greg et moi-même nous baignions dans 15 cm d’eau, les gars nous préparèrent rapidement des assiettes fumantes de riz et de porc. Après nous être baignés, avoir mangé et nous être installés pour la nuit, nous nous sentions les plus heureux des hommes.
A demi endormi dans mon hamac, enroulé dans une couverture, je reconnus quelque peu à 20h le chant d’un oiseau qu’il valait la peine d’observer. Je m’extrayai donc du hamac, cherchai sur mon magnétophone le chant du Phodile Calong et m’éloignai dans la nuit, me déplaçant délicatement car je portais des tongs au lieu de bottes. Plus tôt dans la journée, nous avions trouvé un “cobra,” un long serpent de 1,80m qu’avait identifié notre ranger. Bien que pas tout à fait réveillé, je gardai cela à l’esprit et partis en passant l’enregistrement du chant du hibou. Je n’obtins aucune réponse. J’abandonnai au bout d’une demi-heure et remontai dans mon hamac, disposant mes couvertures afin d’avoir le plus chaud possible.
M’étant rapidement endormi, après une journée épuisante, je fus de nouveau tiré de mon sommeil par cet appel bizarre. Une fois encore, je me levai et y retournai dans l’obscurité, sans gaieté de coeur puis, abandonnai, faute de succès.
Rassemblement de papillons de nuit à Virachey. Photo de Greg McCann |
L’oiseau chanta quelques fois avant l’aube, produisant davantage de modulations. Je n’étais pas en mesure de me lever . Après un petit-déjeuner et un café qui m’éclaircit les idées, il m’apparut que je n’avais absolument pas identifié ce chant et avait par ailleurs raté une opportunité de voir le Podarge de Blyth, un oiseau nocturne à grand bec vraiment exotique que j’avais seulement observé il y a 6 ans. Je n’avais passé qu’une seule journée dans la forêt mais je prenais grâce à elle mesure de mon maigre savoir.
Le deuxième jour, nous atteignîmes les contreforts de la montagne où subsistaient quelques traces d’abattage et le son encore des tronçonneuses. A la mi de l’après-midi, les signes d’activité humaine avaient tout sauf disparus. Nous essayâmes de suivre un vieux sentier mais on pouvait apercevoir les traces des machettes des saisons antérieures. Les jeunes arbres coupés avaient repoussé, preuves par excellence du précédent passage de l’homme. Le balisage était discret mais nos guides réussirent à nous maintenir sur le sentier.
Mon coeur s’enthousiasmait tandis que nous grimpions dans cette forêt-cathédrale aux imposants lagostromias au tronc blanc, lesquels créaient une haute canopée sous laquelle poussait une végétation de sous-bois. C’était absolument magique. Malheureusement, après que nous ayons atteint la crête, nous pénétrâmes dans un nouvel habitat constitué de groupes de grands bambous dont les tiges de 15 cm environ de diamètre atteignaient plus de 2 mètres. C’était de nouveau un paysage stupéfiant mais avec le temps et les vents, les cannes n’étaient plus qu’un impénétrable labyrinthe.
Durant les deux jours suivants, nous luttâmes contre la forêt. La chute de grands arbres avait entraîné dans leur sillage un enchevêtrement de lianes et d’arbres plus petits. Les Kavet nous frayaient un chemin autour, nous permettant généralement de regagner le sentier rapidement mais souvent ceux-ci s’éloignaient en diverses directions à la recherche d’indices tandis que Greg et moi-même nous reposions, en sueur. Nos guides étaient tous plus petits que moi de 15 cm si bien qu’une fois le sentier éclairci, nous devions marcher courbés dans un tunnel et nous faufiler pour nous frayer un chemin au travers des obstacles.
Perpétuellement, nous devions grimper sur des troncs, ôter des épines et demander de l’aide lorsqu’une tige de rotang, coupante comme un rasoir, s’accrochait à nos vêtements ou à la peau. Forcer son chemin au travers de ces rotangs enchevêtrés équivalait à se retrouver en sang. En l’espace de 3 jours, je dus me débarrasser de mon pantalon léger à séchage rapide car ce n’était plus qu’un haillon. La seule compensation que nous eûmes pour être ainsi malmenés par ces plantes fut d’ordre culinaire car les porteurs en cueillirent chaque jour et nous en mangeâmes la pulpe, grillée. Elles avaient un goût très similaires à celui d’asperges bien cuites.
Janvier est le point culminant de la saison sèche: l’activité biologique se réduit à quelques fruits et fleurs, quelques insectes et d’assez maigres bandes d’oiseaux qui chantent à l’aube. On ne trouvait des sangsues que dans des zones humides le long des ruisseaux et les moustiques étaient rares. Les phasmatodeas constituèrent la seule exception. Je réussis à en trouver un nid et ils s’attaquèrent à moi. A l’image d’un tableau pointilliste de Seurat, mes jambes et mon aine furent criblés de points rouges. Aucun autre ne fut “mitraillé” comme je le fus. Après cela, je m’aspergeai d’insectifuge.
Le dîner dans la jungle était toujours délicieux. Photo de Greg McCann.
Nous découvrîmes une borne indiquant la limite du parc. Il était impressionnant d’avoir, pour ce dernier jour, marché une demi-journée sans trouver trace d’une quelconque activité humaine dans cette forêt communautaire. Je ne m’y attendais pas mais ce fut réconfortant de voir, dans cette section du parc, une zone tampon vierge.
Au soir de notre quatrième jour de trekking, nous campâmes sur les rives d’une plus grand rivière où nous pûmes totalement nous baigner et nager quelque peu. Les Kavet qui avaient installé un filet, en extrayèrent 2 douzaines de poissons de 15 cm, pour en faire une soupe et les faire cuire en brochettes sur du bambou – un met savoureux et délicat.
Le plus intéressant repas que nous fîmes fut le jour où l’on trouva à notre campement une plante comestible. Ses feuilles furent recueillies, cuites à la vapeur dans une canne de bambou vert d’un mètre puis mises à revenir sur le feu. Y furent ajoutés des piments, de l’ail et une boîte de sardines. Ce mélange fut ensuite écrasé à l’aide d’un long bâton et la bouillie épaisse et verte qui en résulta nous fut versée sur le riz. Le top de la cuisine de cette minorité!
Nous débouchâmes dans les prairies de Yak Yeuk en fin d’après-midi du cinquième jour. Après des jours de claustrophobie au sein de cette forêt tropicale, atteindre notre destination fut ressenti comme une victoire. Les montagnes frontalières que l’on voyait à présent n’étaient en fait que de grosses collines avec de très hauts pics telles l’imposante Montagne sacrée de Haling-Halang qui atteint à peine 1200 mètres. La scène n’était qu’une mosaïque de prairies et de rubans de forêts descendant des plus hautes crêtes des collines en couloirs juxtaposés.
Bien qu’heureux d’être arrivé là enfin, un dilemme se posait à moi. Les prairies se situant à un peu moins de 800 mètres, il n’était pas possible de trouver certains oiseaux dans les basses terres. Mais on pouvait s’attendre à ce que, juste à trois kilomètres, l’habitat forestier et montagneux en contienne un plus grand nombre, de plus intéressants et des espèces non encore enregistrées au Cambodge… Cette expédition était le fruit de mon caprice et déjà j’avais peiné pour avancer. Je compris que m’élever plus haut réclamerait une journée complète de coupe et d’escalade. Les porteurs avaient réussi à nous guider jusqu’à cet endroit éloigné. A présent, je me demandais si je devais en pousser un ou deux à continuer avec moi. Finalement, je choisis d’accepter de passer 3 nuits à Yak Yeuk et d’explorer autant qu’il me serait possible la zone, durant les prochains jours.
Ce fut une bonne décision. Les hommes avaient travaillé dur. Ils avaient grimpé avec de lourdes charges sur le dos tout en nous frayant un chemin. Et la nourriture tendait à s’épuiser. Ils commençaient d’ailleurs à nous servir un porridge de riz allongé d’eau, ce qui était leur façon de faire durer les vivres. Mais ce ne fut quelques jours plus tard que Greg et moi fûmes informés de la situation.
Un barbu de Hume. Image de Sharpe, RB (1891). |
Je m’autorisai alors à demeurer près des prairies et me plus à profiter de ce coin de Nature isolé. J’étais occupé à étudier les oiseaux, ajoutant un énicure à dos gris (Enicurus schistaceus) et un Colombar de Seimund (Treron seimundi) à ma liste personnelle des oiseaux du Cambodge. Le seul arbre fruitier que je réussis à découvrir se trouvait à 10 minutes de marche du camp. Il attira dans ses branches un calao bicorne (Buceros bicornis), un barbu de Hume (Megalaima incognita), un irène vierge (Irena puella) et une variété de bulbuls. C’est là que je découvris aussi ce pigeon connu du Cambodge grâce à un enregistrement déjà effectué dans le Parc national de Bokor. Bien que nous entendions hurler des gibbons presque tous les matins, ce fut le seul endroit où je réussis à en observer un groupe quelques minutes.
La zone comportait des bouses fraîches et de nombreuses traces de gaurs, le plus grand des bovidés. Il m’arriva une fois d’effrayer un grand mammifère, probablement de cette espèce. Je m’interroge sur les chances de trouver ici de grands prédateurs (oserai-je chuchoter le mot “tigre”?) car cette région où prolifèrent les proies connaît une pression humaine limitée et semble recéler, dans ses collines, des coins isolés pouvant les abriter et les protéger des chasseurs… Je n’y trouvai aucune trace d’éléphants bien que l’on m’ait dit qu’il en restait deux hardes quelque part dans le parc. Et les rhinocéros dont on parle pourraient bien n’être que ceux-ci.
J’aurais pu aisément passer des journées à explorer la région, juste pour savourer la solitude et m’accorder un répit, loin des problèmes de ce monde. Assis en silence à écouter la forêt, la seule chose qui me motivait à bouger se résumait souvent à un chant que je ne pouvais identifier. Je méditais sur cette Nature où la présence de l’homme était minimale et me demandais dans une douce amertume pourquoi si peu de gens se souciaient-ils de protéger des endroits tels que celui-ci?
Nous levâmes le camp après trois nuits et commençâmes notre descente. C’était différent cette fois. Nous connaissions le sentier et ce dernier avait été quelque peu éclairci lors de notre ascension. Greg et moi ignorions le problème de vivres rencontré par les porteurs. Etant donné l’histoire du Cambodge, l’insécurité alimentaire est un vrai problème pour de nombreux Cambodgiens. Les Kavet, qui portaient des charges plus légères, sachant que nous devions, s’ils voulaient manger, raccourcir la date de retour préalablement prévue et qui étaient par ailleurs désireux de retrouver les leurs, marchaient à une allure dont nous n’avions encore pas fait l’expérience. Ils descendaient le chemin en sautillant tandis que Greg et moi nous efforcions de ne pas les perdre de vue. En ce qui nous concerne, nous avions encore du mal à reconnaître le sentier. Su fermait toujours la marche afin de garder un oeil sur nous.
A Phnom Penh, j’utilise un bon vélo tout terrain pour me faufiler à travers la circulation, monter les trottoirs, passer les feux et affronter les véhicules aux intersections. La circulation pouvant y être vraiment chaotique, je la compare à un jeu vidéo où surgissent de toutes parts des menaces. Essayer de traverser la forêt à l’allure des porteurs y ressemblait beaucoup. Si vous vous focalisiez sur protéger vos yeux ou votre visage, il était fréquent que des lianes enlassent vos chevilles, vous faisant trébucher. A chaque fois qu’un endroit de mon corps était contusionné, je répétais ce mantra: “Je me sacrifie pour les autres!”, ce qui me remontait un peu le moral.
Cet arbre coupé partira bientôt pour le Vietnam. Photo de Greg McCann |
Nous dépassâmes notre dernier campement tôt dans l’après-midi et décidâmes que nous pousserions un peu plus loin. Nous fîmes halte dans la semi-obscurité. Greg et moi-même étions épuisés et en colère d’être allés à marche forcée toute la journée. Nous chapitrâmes Su sur la manière dont devait être gérée l’expédition et ce fut alors que nous apprîmes que nous étions en instance de manquer de riz. Je suppose que le fait qu’il n’y ait plus de whisky n’arrangeait pas les choses et que, de plus, les guides avaient fumé toutes leurs cigarettes.
Vu la nature exploratoire de ce trek et le fait qu’aucun de nous n’avait d’expérience en matière d’approvisionnement, notre colère passa lorsque nous plongeâmes, ce soir là, nos pieds dans le frais ruisseau. Nous dépendions d’eux, c’est pourquoi nous essayâmes juste de suivre le programme. Et c’est dans ces dispositions que nous débutâmes la journée suivante. Nous acceptâmes l’allure et marchâmes, encore et toujours jusqu’à ce qu’il fit trop sombre pour y voir. Nos guides après avoir brièvement hésité, finirent par décider qu’il fallait procéder à une courte coupe. Nous leur donnâmes nos lampes frontales et continuâmes à descendre la montagne en trébuchant pendant deux autres heures. Comme j’étais contraint de me focaliser sur le sentier juste devant moi, cela tendait à stopper mes pensées désobligeantes. J’étais épuisé et désorienté au point que, lorsque nous pénétrâmes sur le lieu de nouvelles plantations que nous avions dépassées il y a 8 jours, je ne reconnus pas où nous étions. J’étais tout à la fois soulagé de m’arrêter et désappointé ne ne pas avoir un campement en forêt avec un ruisseau. Nous dûmes étendre des bâches près des huttes, essayant d’éviter le lisier et les fientes. Un autre poulet fut sacrifié et nous finîmes la soirée avec du saké et une soupe de poulet au goût surprenamment riche. Greg et moi-même prîmes 10mg de Valium pour être sûrs de dormir.
Nous nous levâmes de bonne heure et dûmes nous rendre dans une proche maison pour nous y rassembler, y discuter (et y boire), évitant une autre demeure sur notre route. Les habitants de la maison interdite essayaient d’exorciser les démons qui avaient apporté maladie et souffrances sur leur foyer. Il était 6h30 du matin et l’on nous conduisit droit à une jarre de saké et à un groupe de personnes qui en avait, de toute évidence, consommé toute la nuit.
Ce fut pour Greg une nouvelle opportunité d’entendre d’autres récits d’esprits et de fantômes hantant ce territoire. Un atroce hurlement provint de chez leurs voisins affligés. Il s’avéra rapidement qu’un porc avait été sacrifié pour apaiser la colère des dieux locaux, cause du malheur de ce foyer. Je me levai et tentai tortueusement de m’approcher de la demeure accablée, feignant de prendre des photos sous plusieurs angles. Ma tentative fut remarquée et deux hommes commencèrent à crier après moi. Il ne me fut en aucun cas permis d’aller voir cette famille. Je suppose qu’en le faisant, j’étais susceptible d’attirer sur tous le courroux des esprits.
Forêt défrichée dans la zone tampon du parc. Le matin, nous entendions au loin des gibons et des calaos bicornes. Photo de Greg McCann.
A la mi de la matinée, nous réussîmes à organiser notre équipe qui était légèrement ivre et partîmes pour une dernière grande journée de marche. Nous dûmes traverser une petite rivière aux rives défrichées, avec pour seul choix celui de patauger ou de nous tenir en équilibre sur des troncs. Greg choisit de se mouiller, quant à moi, sous l’emprise du saké, je les escaladais. D’ordinaire, j’ai peur de ces situations, ce fut donc un challenge pour moi. Je n’eus aucun problème et traversai. Morale de l’histoire: si vous devez effectuer une traversée de haute voltige, portez sur vous une flasque!
Les chutes de Sa-a-Na. Photo de Greg McCann |
Des jeunes venaient juste d’arriver en moto au bord de la rivière et projetaient de continuer dans la forêt pour continuer à couper. L’alcool ayant ôté tout attrait à la randonnée, Greg voulut que Su négocie afin que ceux-ci nous emmènent. Tout le monde partit sauf Su et moi car il n’y avait pas assez de véhicules. Je rationalisai en me disant qu’une autre journée de marche me serait bénéfique mais en fait, j’éprouvai du ressentiment et le rassassai. Nous étions tous épuisés par ces journées sur le terrain et à bout. Je voulais qu’on en finisse. Après une heure de marche, des motos approchèrent. Les mêmes garçons, sachant qu’ils obtiendraient plus d’argent, s’arrêtèrent et nous partîmes. Nous fûmes déposés dans un village Kavet, de l’autre côté du fleuve O Lai Lai, le village dont était originaire notre porteur, le village de Niem où nous avions passé la nuit. Nous fûmes accueillis par un groupe d’hommes dont Greg, qui fumaient, buvaient et parlaient des lieux où nous avions été.
Après la liberté et la solitude que j’avais connues dans les montagnes, je me sentais à présent nerveux et éprouvai de l’ennui face aux interminables plaisanteries. Mais, étant encore lié à Greg, je n’avais guère d’autre choix que celui de rester car personne encore n’avait vraiment de projets. Nous partirions lorsque nous aurions atteint le moment critique. Après nous être rendus à la rivière, nous la traversâmes à gué car celle-ci était d’une certaine largeur. Il grouillait de poissons, de femmes qui lavaient le linge, d’enfants qui jouaient et de buffles qui s’y rafraîchissaient. Greg et moi atteignîmes le bord opposé et nous déshabillâmes pour nager: quel plaisir d’être dans l’eau! Puis, nous nous assîmes et regardâmes les autres pendant une autre heure, manière pour nous de savourer notre repos en ce lieu et de fêter notre expédition.
Nous terminâmes sur ses berges au milieu d’un autre îlot de maisons aboutissant à une misérable maison inachevée où vivaient plusieurs générations. Nous fûmes appelés de la route par un groupe bruyant qui voulait partager un verre avec nous. Greg et moi fûmes obligés par politesse de boire quelques gorgées puis nous excusâmes, perdant Su deux heures car celui-ci était occupé à flirter avec deux ou trois jeunes femmes. Nous continuâmes un peu plus notre route et finîmes à cette misérable maison inachevée. Poussés par la curiosité, nous poursuivîmes notre exploration, errant et observant puis, tranquillement, repartîmes. Ce fut de nouveau une soirée avec au programmedu saké, de la poule au pot, des canettes de bière, une veillée et des histoires mais je me retirais à l’étage et me couchai tôt.
Le lendemain matin, j’accomplis mes obligations sociales avant de pouvoir trouver un buisson pour me soulager. Une vieille femme m’invita à m’asseoir pour une nouvelle tournée de saké bien avant 7 heures. J’avais mes jumelles avec moi, je poursuivis donc ma route en direction des rizières et de ce qui restait de forêt pendant une heure ou deux afin d’étudier les oiseaux puis revins à la maison pour le petit-déjeuner et ma dose de riz matinale. Nous fîmes ensuite nos bagages et nous dirigeâmes vers Sesan, à une heure de distance. Deux bateaux nous attendaient et nous transportèrent à Vuen Sai. Pensant le voyage terminé, je fus surpris de voir deux vautours royaux en danger critique survoler le bateau qui nous débarqua à Vuen Sai. Nous y bûmes nos premières bières fraîches depuis près de deux semaines avant d’être ramenés en voiture à Ban Lung dans l’après-midi.
Un insecte non identifié sur le sol de la forêt. Photo de Greg McCann . |
Nous pûmes nous installer dans une adorable hutte sur terrain boisé où je ne fis pas grand chose durant un jour et demi hormis prendre des notes, boire du gin et profiter de la compagnie de ceux qui y logeaient. J’eus ainsi le plaisir de rencontrer trois personnes: un photographe, un journaliste en mission pour le National Geographic et un avocat spécialisé dans les affaires environnementales, tous intéressés par la construction affligeante d’un barrage et ses dommageables conséquences pour l’Environnement et les communautés locales. Tous, je l’espère, capable de prêter l’attention qui convient à la rapide destruction que le développement inflige à toute la région.
Des voyages tels que celui-ci me bouleversent car nous abandonnons le confort de notre monde pour entrer en contact avec des peuples très simples, des peuples intimement liés à la Nature mais en voie rapide d’extinction. Malheureusement, le monde moderne est intervenu dans cette relation au point que la plupart d’entre nous n’en faisons l’expérience que via la télé ou les jeux vidéo. C’est ce que l’on appelle un désordre psychologique par déficit de Nature. Alors, pour moi, cette expédition est une réponse, une tentative pour nous ramener à nos racines.
Néanmoins, les choses ne sont pas pour autant plus faciles. A mesure que s’accroissent mes mes expériences à travers le monde, s’accroissent également mes connaissances de sorte que je continue à avoir besoin de réévaluer ma relation au monde. L’Asie du Sud-Est est en plein changement, vouloir essayer de le maîtriser est un challenge perpétuel et une aventure continuelle.
Post-scriptum: Une fois rentré chez moi, j’ai retracé notre expédition sur Google Earth. L’application dispose d’un outil utile que l’on appelle une règle, laquelle mesure en ligne droite les distances d’un point à un autre. J’ai mesuré la distance entre Sesan, notre point de départ et Yak Yeuk et ai plusieurs fois refais le calcul, ne pouvant croire que notre voyage ne nous avait fait parcourir que 17,7 km. Il apparaît évident que nous n’avons pas marché en ligne droite!
DES PIEGES PHOTOGRAPHIQUES POURRAIENT NOUS REVELER LA PRESENCE DE TIGRES par: Greg McCann Howie s’interroge sur ce “oserai-je chuchoter le mot ‘tigre’?” Jeung, Neap et Neam, nos guides, nous avaient dit qu’ils avaient vu un tigre adulte de 3 mètres poursuivant un proie près d’une arête à environ 3 heures au Sud du Mont Mera, une colline dorée qui abrite une grotte ayant servi contre son gré et selon la légende de foyer à Mera, une jeune femme enlevée par un tigre. Ils affirmaient qu’ils avaient vu le tigre en août 2011 et comme le mentionne Howie dans son rapport, non seulement la nuisance humaine dans cette zone est faible mais il y a des proies en abondance et une quantité de montagnes où les félins peuvent se cacher. D’après eux, il y aurait également des léopards tachetés et des villageois auraient aperçu, il y a 10 ans, un rhinocéros non loin de l’endroit où l’on trouva le tigre. Le “dernier” rhinocéros de Java d’Asie du Sud-Est a été abattu pour sa corne dans le Parc de Cat Tien National au Vietnam en 2011, à environ 150 km de Virachey, dans une zone plus petite où les nuisances humaines sont plus importantes. Il existe tant de canyons et de montagnes inexplorés qui forment la frontière sauvage et naturelle du Laos et du Cambodge, qu’on ne peut exclure la possibilité que quelques-uns d’entre eux subsistent. Nul ne le sait.
Jackson Frechette, un doctorant américain qui étudie les gibbons dans la forêt protégée de Voen Sai, une forêt adjacente à Virachey, et dont les recherches sont sponsorisées par l’Organisation Conservation International, a vu l’an dernier un crocodile du Siam dans le fleuve O Lai Lai. Un villageois en a d’ailleurs effectivement attrapé un et a affirmé que beaucoup de jeunes s’étaient échappé de sa hutte. Un ancien ranger prétend, quant à lui, qu’il y a un “bassin à crocodile du Siam” près des sources du fleuve O Lai Lai, près du Haling-Halang. Il ne fait aucun doute que de grandes surprises nous attendent à Virachey! |
Les phasmatodeas aiment les chapeaux. Photo de Greg McCann.
Le Mont Mera. Photo de Greg McCann.
Notre guide, Jeung, (à gauche) et Kohng Ngok June “le sorcier”, (à droite). Photo de Greg McCann.
Pêche dans la rivière O Tan Gnow dans la prairie de Yak Yeuk. Photo de Greg McCann.
L’équipe de gauche à droite: Neam, Jeung, Su et Neap. Photo de Greg McCann.
Howie’s Bird List from the expedition (163 species total):
Scaly-breasted partridge
Red Junglefowl
Grey peacock pheasant
Chinese pond heron
Cattle egret
Little egret
Black baza
Crested serpent eagle
Red-headed vulture
Shikra
Rufous-winged buzzard
Changeable hawk-eagle
White-breasted waterhen
Spotted dove
Oriental turtle-dove
Zebra dove
Emerald dove
Yellow-vented green pigeon
Green Imperial pigeon
Red-breasted parakeet
Vernal hanging parrot
Banded bay cuckoo
Asian koel
Green-billed malkoha
Greater coucal
Lesser coucal
Collared scops owl
Collared owlet
Asian barred owlet
Brown boobook
Blyth’s frogmouth
Great eared nightjar
Large-tailed nightjar
Silver-backed needletail
Asian palm swift
Crested treeswift
Lesser adjutant
Orange-breasted trogon
Indian roller
Dollarbird
Banded kingfisher
Common kingfisher
Blue-bearded bee-eater
Little green bee-eater
Chestnut-headed bee-eater
Oriental pied hornbill
Wreathed hornbill
Great hornbill
Lineated barbet
Green-eared barbet
Moustached barbet
Blue-eared barbet
Grey-capped pygmy woodpecker
White-bellied woodpecker
Greater yellownape
Common flameback
Greater flameback
Laced woodpecker
Black-headed woodpecker
Great slaty woodpecker
Bay woodpecker on call but possibly rufous
Banded broadbill
Black and red broadbill
Blue pitta
Bar-bellied pitta
Blue-rumped pitta
White-bellied erpornis
Large cuckooshrike
Black-winged cuckooshrike
Ashy minivet
Swinhoe’s minivet
Scarlet minivet
Black-naped oriole
Black-hooded oriole
Ashy woodswallow
Large woodshrike
Bar-winged flycatcher shrike
Common iora
Great iora
Black drongo
Ashy drongo
Bronzed drongo
Crow-billed drongo
Greater racket-tailed drongo
Lesser racket-tailed drongo
Hair-crested drongo
Black-naped monarch
Asian paradise flycatcher
Southern jungle crow
Red-billed blue magpie
Rufous treepie
Racket-tailed treepie
Burmese shrike
Purple sunbird
Olive-backed sunbird
Crimson sunbird
Van Hasselt’s sunbird
Purple-naped sunbird
Black-throated sunbird
Little spiderhunter
Yellow-vented flowerpecker
Plain flowerpecker
Blue-rumped pitta
White-bellied erpornis
Large cuckooshrike
Black-winged cuckooshrike
Ashy minivet
Swinhoe’s minivet
Scarlet-backed flowerpecker
Blue-winged leafbird
Golden-fronted leafbird
Asian fairy bluebird
White-rumped munia
Plain-backed sparrow
Eurasian tree sparrow
Olive-backed pipit
Grey wagtail
Velvet-fronted nuthatch
Black-collared starling
Common hill myna
Golden-crested myna
Siberian blue robin
White-throated rock thrush
Pied bushchat
Eastern stonechat
Slaty-backed forktail
Blue whistling thrush
Hainan blue flycatcher
Tickell’s blue flycatcher
Blue-throated flycatcher
Verditer flycatcher
Mugimaki flycatcher
Taiga flycatcher
Asian brown flycatcher
White-rumped shama
Grey-headed canary flycatcher
Black-headed bulbul
Black-crested bulbul
Stripe-throated bulbul
Red-whiskered bulbul
Sooty-headed bulbul
Grey-eyed bulbul
Puff-throated bulbul
Ashy bulbul
Himalayan black bulbul
Asian house martin
Yellow-bellied warbler
Plain-tailed warbler
Buff-breasted babbler
White-browed scimitar babbler
Pin-striped tit-babbler
Grey-faced tit-babbler
Puff-throated babbler
White-crested laughingthrush
Indochinese bush lark
Brown prinia
Rufescent prinia
Sulphur-breasted warbler
Pale-legged leaf warbler
Two-barred warbler
Yellow-browed warbler
Radde’s warbler
Black-browed fulvetta