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Des grenouilles suivies par radio pour la première fois à Madagascar


Un spécimen de grenouille Scaphiophryne gottlebei du site de Zahavola portant un émetteur radio. Photo de Gonçalo Rosa.


Des chercheurs ont suivi des grenouilles par radio pour la première fois à Madagascar.



La démarche, entreprise par un groupe de scientifiques européens, est détaillée dans l’édition actuelle de Herpetologica.



En implantant de petits transmetteurs radio de 0,3 à 0,35 gramme sur 36 grenouilles arc en ciel (Scaphiophryne gottlebei), l’équipe de recherche a suivi les mouvements des grenouilles colorées dans les canyons escarpés du massif malgache Isalo. Ils ont découvert que ces grenouilles avaient une période de reproduction courte ayant lieu après les premières pluies intenses au début de la saison des pluies. Les chercheurs ont aussi remarqué que les deux sexes se comportaient de façon similaire en termes de niveaux d’activité, et ont pu confirmer l’habitat de prédilection de l’espèce, qui est considérée en danger par l’UICN, en raison des prises excessives destinées au marché des animaux de compagnie.



« Nos données confirment que la S. gottlebei est une espèce farouche, qui se cache dans le sable ou dans les trous des parois du canyon » indiquent les auteurs. « Nos observations confirment aussi que cette espèce est active après les premières fortes pluies, et montre une activité de reproduction rapide, les spécimens adultes poursuivant leurs activités dans le canyon. Nous n’avons pas constaté de comportement territorial, mais les petites distances couvertes pendant la dispersion suggèrent une grande fidélité à leur habitat d’origine.




Un spécimen de grenouille Scaphiophryne gottlebei du site de Zahavola portant un émetteur radio. Photo de Gonçalo Rosa.



Alors que l’identification des tendances comportementales de la grenouille en danger est une réussite en soi, l’étude a avant tout démontré l’efficacité de l’utilisation de la radio télémesure sur les petits amphibiens.



« C’est la première application documentée de radio télémesure sur un amphibien malgache » notent les auteurs. Bien que le suivi radio ait déjà été effectué préalablement sur des amphibiens en Europe, ces études sont basées sur des émetteurs implantés, un procédé qui présente selon les auteurs des risques inutiles dans une zone éloignée du sud-ouest de Madagascar.



« Nous considérons cette « autre » technique invasive difficile à appliquer sur le terrain, dangereuse là où les conditions d’hygiène sont insuffisantes (ce qui augmente alors la susceptibilité de l’animal à la septicémie) et inappropriée lorsque les espèces ont une période de reproduction courte, telle que celle de la S. Gottlebei. »



Le co-auteur Gonçalo M. Rosa a déclaré à Mongabay que cette approche semblait avoir un faible impact sur les grenouilles, qui ont été surveillées pendant plusieurs heures avant d’être relâchées dans la nature équipées des émetteurs.



« Selon la documentation disponible et les études précédentes, le ratio recommandé est un émetteur qui représente 5-10 pour cent de la masse corporelle, ce que nous avons respecté dans notre étude » a-t-il indiqué. « Bien qu’on ne puisse pas exclure la possibilité que ces émetteurs externes et l’antenne puissent affecter la dispersion des animaux, ils ne semblent pas avoir compromis les résultats. »



« Ce n’est pas une technique parfaite mais elle fournit des données précieuses pour mieux comprendre l’écologie de l’espèce et contribuer à sa conservation de façon plus efficace. »



M. Rosa a poursuivi en disant que l’étude avait révélé les prédateurs de l’espèce – trois ont été mangés par des serpents et quatre par des mammifères.



« En tant qu’amphibien, la S. gottlebei est une source de nourriture importante (au moins pendant la période de reproduction lorsqu’elles sont rassemblées en grand nombre) pour de nombreuses espèces, particulièrement les serpents. Cet appareil nous a permis de découvrir quelques nouveaux prédateurs de l’espèce, et en même temps, quelques espèces qui [profitent de] ces rassemblements liés à la reproduction. »



Globalement 14 des 36 grenouilles marquées sont mortes ou ont disparu au cours de la période d’étude. Le taux de mortalité normal pour les adultes est inconnu, mais des études avec d’autres espèces de grenouilles ont rapporté des taux oscillant entre 8 et 60 pour cent des spécimens durant une seule période de reproduction.



Les chercheurs affirment qu’ils prévoient d’appliquer cette technique à d’autres espèces sauvages de Madagascar, notamment à une espèce de lézard.



« La télémesure a été majoritairement effectuée sur de gros animaux tels que les loups, les ours et les chats, mais nous parlons de l’appliquer à des animaux de 2 cm de long indique M. Rosa. « Cela donne une bonne idée de l’écologie spatiale, des habitudes migratoires et d’activités de l’espèce suivie. Toutes ces informations aident à mieux comprendre non seulement l’écologie de l’espèce et son histoire naturelle, mais fournit également des connaissances utiles qui permettent de mettre en place des mesures de conservation plus efficaces, en identifiant par exemple les zones clés dans lesquelles nous devrions concentrer nos efforts. »





CITATION: Franco Andreone, Paolo Eusebio Bergo, Vincenzo Mercurio, and Goncalo M. Rosa. Spatial Ecology of Scaphiophryne Gottlebei in the Canyons of the Isalo Massif, Madagascar. Herpetologica, 69(1), 2013, 11–21


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