Nouvelles de l'environnement

Les phoques, oiseaux et plantes alpines souffrent du changement climatique

Le nombre d’espèces identifiées par les scientifiques comme vulnérables au changement climatique continue d’augmenter avec la température de la Terre. Des études récentes ont montré qu’une planète plus chaude conduit à la mort prématurée de jeunes phoques du Groenland (Pagophilus groenlandicus) dans l’Arctique, au déclin d’espèces de canards au Canada, à la diminution des prés alpins en Europe, et à une pression indirecte sur les oiseaux chanteurs et plantes de montagne aux Etats-Unis. Les scientifiques savent depuis longtemps que le changement climatique affecte les écosystèmes du monde entier, en créant des gagnants et perdants du climat, et en menant probablement à des vagues d’extinction. Alors que l’impact du changement climatique sur les ours polaires et les barrières de corail a été longuement analysé, les scientifiques ajoutent chaque année de nouvelles espèces à la liste de celles qui sont déjà menacées par le changement climatique anthropique.



Troubles des glaces



Une nouvelle étude de PLoS ONE a révélé que les jeunes phoques du Groenland meurent de façon massive en raison d’un déclin de la banquise hivernale.



« Le type de mortalité que nous constatons dans l’est du Canada est dramatique. Des classes d’âge entières pourraient disparaitre de la population les années à faible épaisseur de glace – presque tous les jeunes phoques périssent », a expliqué David W. Johnston du laboratoire marin de l’université Duke lors d’une conférence de presse. « Cela soulève la question de la résistance de cette population ».


Phoque du Groenland . Photo de Matthieu Godbout.
Phoque du Groenland . Photo de Matthieu Godbout.

Les phoques du Groenland ont besoin d’une banquise stable et ancienne pour mettre bas et allaiter leurs petits. Les mères phoques peuvent allaiter leur petit pendant une période incroyablement courte : 12 jours. Néanmoins, étant donné la rapidité de la fonte et la faible épaisseur des glaces, même 12 jours, c’est peut être trop en demander.



« En tant qu’espèce, ils sont capables de s’adapter aux changements du climat à court terme, mais nos recherches suggèrent qu’ils ne sont peut-être pas adaptés à intégrer les effets d’une variabilité à court terme combinés à d’autres influences humaines telles que la chasse et les prises accessoires » a déclaré M. Johnston.



L’étude a révélé que les populations de phoques du Groenland fluctuaient en fonction de l’épaisseur de la banquise. Il a éte observé qu’une banquise de faible épaisseur conjuguée à une oscillation nord-atlantique (ONA) faible, qui a aussi un impact sur la glace saisonnière, correspondait à un taux de mortalité élevé chez les jeunes phoques.



« Indépendamment des conditions ONA, nos modèles montrent que la couverture de glace a diminué d’au moins 6% par décennie sur la période étudiée dans toutes les zones de reproduction de l’Atlantique nord » a indiqué M. Johnston, en ajoutant que « les pertes des mauvaises années dépassent les gains de bonnes années ». Les résultats des recherches correspondent aux observations : les chasseurs de phoques et les défenseurs de l’environnement ont déclaré avoir vu de jeunes phoques se noyer les années de faible glace.



Malgré les attaques du changement climatique sur leur écosystème, les phoques du Groenland sont actuellement inscrits comme espèce de préoccupation mineure sur la liste rouge de l’IUCN en raison de leur population importante, d’environ 8 millions d’animaux. C’est l’espèce de phoque la plus intensément chassée du monde.


Printemps précoces



Alors que de nombreuses personnes se réjouissent de voir le printemps arriver un peu plus tôt, cela peut faire des ravages chez les espèces migratrices qui dépendent du rythme naturel des saisons. Une étude récente de Global Change Biology associe le changement climatique au mystère des canards migrateurs disparus au Canada. Deux espèces de canards migrateurs, le fuligule et le macreux, qui rassemble plusieurs espèces, ont vu leur population diminuer de moitié environ depuis les années 1970, mais les chercheurs n’ont pas pu expliquer pourquoi. Néanmoins désormais, ils croient en savoir la cause : en raison des printemps précoces, les canards manquent les périodes où la nourriture est abondante.



« A cause du changement climatique, les canards ne disposent pas de la nourriture dont ils ont besoin quand ils en ont besoin » a déclaré à CBC News Stuart Slattery, un scientifique qui travaille avec Ducks Unlimited Canada..


Grand fuligule milouinant (Aythya marila). Photo de Calibas.
Grand fuligule milouinant (Aythya marila). Photo de Calibas.

Selon cette étude, le printemps arrive environ 11 jours plus tôt qu’il y a 35 ans dans les zones de reproduction des canards. Mais les fuligules et les macreux ne se sont pas ajustés à cela, et au moment où ils arrivent, ils manquent quelques un des jours où la nourriture est la plus abondante, ce qui ruine leurs chances de nicher deux fois.



« Comme ce décalage empire, les canetons sont les plus touchés » dit M. Slattery. « La nourriture n’est simplement pas là dans les quantités qu’il y avait auparavant ».



M. Slattery ajoute que tous les canards n’arrivent pas en retard. Les colverts semblent s’être ajustés aux rythmes changeants, mais il n’est pas certain que les fuligules finiront par apprendre. Il se peut que le changement soit simplement trop rapide pour eux.



« Nous découvrons le changement climatique de façon bien réelle » a t-il conclu.


Les prés alpins



Certaines plantes ont aussi du mal à s’adapter. Une étude récente publiée par Nature Climate Change a révélé, en étudiant 867 sites sur 60 sommets différents, que la végétation de montagne à travers l’Europe, a souffert des changements climatiques drastiques en sept années seulement : entre 2001 et 2008.



« Nous nous attendions à trouver un nombre plus important de plantes aimant la chaleur à des altitudes plus élevées, mais nous ne nous attendions pas à constater un changement aussi significatif dans un laps de temps aussi court » a indiqué Michael Gottfried, l’auteur principal du projet GLORIA (l’initiative pour l’observation et la recherche mondiales en environnement alpin) lors d’une conférence de presse.


Cette espèce alpine (Nevadensia purpurea) pourrait disparaitre de certains sommets européens dans les prochaines décennies. Photo de : Harald Pauli.
Cette espèce alpine (Nevadensia purpurea) pourrait disparaitre de certains sommets européens dans les prochaines décennies. Photo de : Harald Pauli.

L’étude – la plus importante du genre jamais réalisée dans le monde – a déterminé que certains prés alpins pourraient disparaître entièrement en seulement quelques décennies. Les températures estivales plus élevées poussent les espèces alpines vers le haut et permettent aux espèces d’altitude plus faible de coloniser de nouvelles zones. Les chercheurs ont nommé ce processus la « thermophilisation ».



« De nombreuses espèces qui aiment le froid sont litéralement à court de montagne. Sur les montagnes les moins hautes d’Europe, on a pu observer des prés alpins disparaitre et des petits arbustes prendre leur place au cours des dernières décennies » avertit M. Gottfried.



Quelle est la solution ? Comme les plantes qui aiment le froid ne vont pas s’adapter à un climat plus chaud, il n’y a qu’une seule réponse selon M. Gottfried : « nous devons nous efforcer d’atténuer le changement climatique afin de préserver notre trésor biogénétique ».


Conséquences indirectes



Le changement climatique a également un impact indirect sur les espèces. Les écosystèmes sont par nature complexes, et un changement, tel que des températures plus élevées, peut provoquer des modifications inattendues. Des scientifiques aux Etats-Unis ont été particulièrement surpris de voir les plantes et oiseaux de montagne affectés directement, non seulement par les températures plus élevées, mais aussi par les élans qui en ont profité.



Les élans sont considérés comme des « superprédateurs » ; en d’autres termes, ils ont un impact très important sur leurs écosystèmes. La présence d’un élan peut modifier les peuplements végétaux, qui, à leur tour ont une influence sur le reste de la chaine alimentaire.



Dans le cas du changement climatique, des chercheurs ayant publié dans Nature Climate Change, ont constaté que des températures plus élevées et des variations dans les précipitations ont conduit à une réduction des chutes de neige dans certaines chaines de montagnes américaines. Cette réduction de la couche neigeuse a eu pour conséquence que les élans sont restés plus longtemps dans les écosystèmes montagneux, où ils ont brouté à volonté. Mais ce broutage excessif des élans a affecté la survie des feuillus et dégradé l’habitat des oiseaux chanteurs. Les chercheurs ont reproduit l’impact d’un broutage plus long des élans et l’ont comparé à l’absence d’élans dans des zones clôturées contrôlées, afin d’évaluer leur impact sur les oiseaux chanteurs et les arbres.



« Cette étude démontre que les effets indirects du changement climatique sur les peuplements végétaux peuvent être au moins aussi importants que les décalages entre les oiseaux migrateurs et l’abondance de nourriture dus au changement climatique ; puisque les plantes, notamment les arbres, fournissent l’habitat dont les oiseaux ont besoin pour survivre » a expliqué Marcia McNutt, la directrice de US Geological Survey (USGS : Institut d’études géologiques des Etats-Unis).


Changement climatique et extinction



Le changement climatique est provoqué par la combustion de carburants fossiles tels que le pétrole, le gaz et le charbon, et par d’autres activités émettrices de dioxyde de carbone, comme la déforestation. Les températures mondiales sont actuellement 0,8°C plus élevées que pendant la Révolution Industrielle. Les 13 années les plus chaudes ont été enregistrées au cours des 15 dernières et la décennie 2000-2010 a été la plus chaude jusqu’à maintenant. Les scientifiques affirment depuis des décennies que la seule façon de freiner le changement climatique est de réduire les émissions de gaz à effet de serre.



Des études antérieures indiquaient qu’une planète plus chaude affecterait toutes les espèces, des lézards aux grands singes africains, et des poissons-clowns aux koalas. Même s’il n’est pas surprenant qu’un globe plus chaud entraine des changements drastiques des écosystèmes terrestres, les scientifiques ont été continuellement alarmés par la rapidité à laquelle ils se produisent. A une époque où de nombreuses espèces luttent déjà contre les attaques des sociétés humaines sur la nature, notamment la perte d’habitat, la déforestation, la pollution, la surexploitation à des fins alimentaires et médicales, et les espèces envahissantes ; de nombreux biologistes craignent que le changement climatique soit la goutte qui fait déborder le vase et conduise à des extinctions de masse.



« Chacun d’entre-nous peut faire quelque chose pour mettre un terme à ces pertes tragiques » a déclaré en 2009 Simon Stuart, président de la Commission de la survie des espèces à l’UICN, à propos des menaces du changement climatique sur la biodiversité terrestre. « Nous pouvons réduire nos émissions de CO2 et manifester notre soutien en faveur d’actions fortes de la part des gouvernements pour changer le diagnostique climatique désespéré auquel nous sommes actuellement confrontés. »









Variations de la température de la surface terrestre au cours…

– des 140 dernières années

– du dernier millénaire (dans l’hémisphère nord)


Quatre différents enregistrements de la température mondiale montrent que la Terre se réchauffe. Image du GIEC. Cliquer pour agrandir.






CITATIONS:



Drever, M.C., R.G. Clark, C. Derksen, S.M. Slattery, P. Toose, and T.D. Nudds. 2011. Population vulnerability to climate change linked to timing of breeding in boreal ducks. Global Change Biology AIP.



Michael Gottfried, Harald Pauli, Andreas Futschik, Maia Akhalkatsi, Peter Barancok, José Luis Benito Alonso, Gheorghe Coldea, Jan Dick, Brigitta Erschbamer, María Rosa Fernández Calzado, George Kazakis, Ján Krajci, Per Larsson, Martin Mallaun, Ottar Michelsen, Dmitry Moiseev, Pavel Moiseev, Ulf Molau, Abderrahmane Merzouki, Laszlo Nagy, George Nakhutsrishvili, Bård Pedersen, Giovanni Pelino, Mihai Puscas, Graziano Rossi, Angela Stanisci, Jean-Paul Theurillat, Marcello Tomaselli, Luis Villar, Pascal Vittoz, Ioannis Vogiatzakis & Georg Grabherr (2012). Continent-wide response of mountain vegetation to climate change.
Nature Climate Change. DOI:10.1038/nclimate1329.



Johnston DW, Bowers MT, Friedlaender AS, Lavigne DM (2012) The Effects of Climate Change on Harp Seals (Pagophilus groenlandicus). PLoS ONE 7(1): e29158. doi:10.1371/journal.pone.0029158



Thomas E. Martin, John L. Maron. Climate impacts on bird and plant communities from altered animal–plant interactions. Nature Climate Change, 2012; DOI: 10.1038/nclimate1348.




Quitter la version mobile