Nouvelles de l'environnement

Dernière occasion de voir: le fleuve amazonien Xingu

“La nouvelle série de Mongabay.com ‘Dernière occasion de voir’ va essayer de mettre l’accent sur les endroits sauvages sur le point de disparaître ou de changer de manière irrévocable”



 Pêche un tôt matin sur le fleuve Xingu. Photo publiée avec l’aimable autorisation d’Amazon Watch.
Pêche un tôt matin sur le fleuve Xingu. Photo publiée avec l’aimable autorisation d’Amazon Watch.


Non loin de l’endroit où le grand fleuve Amazone se déverse dans l’Atlantique, celui-ci se scinde pour devenir un vaste affluent, un gros lac vertical tout d’abord qui diminue finalement, vu de satellite, pour n’être plus qu’un indompté serpentin à travers la sombre verdure de l’Amazonie. Cet affluent poursuit presque toute sa course à travers l’Amazonie brésilienne et ce, sur 1979 km au total —ce qui représente presque la longueur du Colorado—jusqu’à ce qu’il ne l’achève dans la savane du Mato Grosso. Il s’agit du fleuve Xingu, considéré par plusieurs tribus autochtones comme leur foyer ainsi que celui d’espèces uniques.



“Le fleuve Xingu est un symbole de la diversité culturelle et de l’héritage biologique du Brésil. Le fleuve et ses forêts assurent les moyens d’existence non seulement de plus de 25 000 autochtones de 18 groupes ethniques mais aussi de populations riveraines et d’innombrables espèces de plantes et d’animaux,” a déclaré à mongabay.com, Christian Poirier, le coordinateur du programme brésilien d’Amazon Watch.



Une partie du fleuve Xingu vue par Google Earth
Une partie du fleuve Xingu vue par Google Earth

Le Xingu est célèbre pour la clarté de ses eaux. Surnommé “le fleuve aux claires eaux”, le Xingu est véritablement une chose rare dans la plaine amazonienne où de nombreux fleuves sont de la couleur du café en raison de la sédimentation. C’est un fleuve bien connu des pêcheurs étrangers qui s’y aventurent. Un écrivain voyageur a ainsi décrit le Xingu: “des plages dorées et de verdoyantes collines allant à la rencontre d’eaux turquoises.”


Toutefois, le fleuve Xingu va bientôt disparaître. Non, le fleuve ne sera pas remblayé ni ne disparaîtra entièrement; mais son véritable caractère (son écosystème et sa capacité à subvenir aux besoins des populations) sera à jamais changé par la construction d’un monstrueux barrage, le Belo Monte, lequel vient juste d’être approuvé par le gouvernement brésilien. Une fois construit, ce barrage sera le troisième plus grand barrage au monde.


“L’écosystème du bassin inférieur du fleuve Xingu sera détruit par le barrage de Belo Monte,” affirme Poirier. “Afin d’alimenter la centrale électrique du barrage, près de 80% du fleuve Xingu seront détournés de leur cours d’origine, ce qui va engendrer une sécheresse permanente sur les 100 kilomètres du fleuve longeant la région de la Volta Grande et affecter directement les territoires Paquiçamba et Arara des peuples autochtones Juruna et Arara.”



Poirier dit que le Belo Monte réclamera le déblaiement d’un nombre plus important de terres que lors de la construction du Canal de Panama. De plus, le barrage inondera environ 66 800 hectares—la forêt tropicale représentant plus de la moitié des terres inondées- et obligera à partir entre 16 000 et 40 000 personnes. Les espèces uniques et les importants lieux de pêche du fleuve Xingu seront aussi impactés.


Les experts craignent pour un certain nombre d’espèces vivant uniquement dans le fleuve Xingu ou dans ses plaines inondées (voir photos ci-dessous), parmi lesquelles un mince et long cychlidé nain (le Teleocichla centisquama), une espèce unique de piranha herbivore (l’Ossubtus xinguense), la grenouille de dard de poison du Xingu (l’Allobates crombiei) et deux poissons, des plécos, connus aussi sous le nom de “poissons pilotes” qui abondent dans les claires eaux du Xingu: le bien nommé pléco zèbre (l’Hypancistrus zebra) et le sunshine pléco (le Scobinancistrus aureatus).



“Supprimer les inondations saisonnières du Xingu conduirait à l’extinction d’au moins dix espèces de poissons vivant habituellement dans la région de la Volta Grande) et aurait un grave impact sur les innombrables autres espèces,” déclare Poirier. “D’autres espèces migratoires comme la raie fluviale blanche tachetée et de nombreuses espèces de tortues n’auront plus accès à leurs sites d’alimentation.”



Le chef Raoni de la tribu des Kayapois a passé 30 ans de sa vie  à se battre pour le fleuve Xingu. Photo publiée avec l’aimable autorisation d’Amazon Watch.
Le chef Raoni de la tribu des Kayapois a passé 30 ans de sa vie à se battre pour le fleuve Xingu. Photo publiée avec l’aimable autorisation d’Amazon Watch.

Les populations de poissons migratoires suscitent tout particulièrement l’inquiétude des tribus autochtones et des autres populations qui vivent le long du Xingu et dépendent d’eux pour leur survie. Une étude a constaté que 70% des protéines consommées par les riverains du Xingu proviennent des poissons du fleuve. Mais si on n’a pas tiré de leçons des anciens méga-barrages, c’est que les populations de poissons migratoires tels que le saumon ont été parmi les premières décimées.



Le barrage modifiera aussi la vie le long du fleuve de bien d’autres manières. Le projet de construction massive fera venir un flot de migrants – jusqu’à 100 000 – vers les villes fluviales qui ne possèdent ni les infrastructures ni les logements appropriés.


“Seul un faible pourcentage de ces migrants cependant trouvera du travail grâce au Belo Monte, ce qui signifie que le reste du réservoir de main d’oeuvre sera conduit à recourir à l’abattage de bois illégal et aux ranchs de bétail, les deux causes principales de déforestation en Amazonie,” déclare Poirier. “Comme nous en sommes témoins sur le fleuve brésilien Madeira, où le gouvernement est actuellement en train de construire deux méga-barrages, la déforestation a grimpé de 1000% dans la région et ce, pour une grande part, en raison de l’arrivée d’un très grand nombre de migrants et de la conséquente pression exercée par ces populations sur les forêts avoisinantes.”



 Pêche traditionnelle sur le fleuve Xingu. Photo publiée avec l’aimable autorisation d’Amazon Watch.
Pêche traditionnelle sur le fleuve Xingu. Photo publiée avec l’aimable autorisation d’Amazon Watch.

La déforestation résultant de cet afflux de personnes à la recherche d’opportunités va probablement mettre en péril les espèces terrestres du Xingu. Comme une grand partie de l’Amazonie, la forêt qui avoisine le fleuve Xingu est le foyer d’une abondante et emblématique faune au nombre de laquelle les jaguars, les tapirs, les pécaris et les macaos. Au total, plus d’une centaine de mammifères et plus de 500 oiseaux ont été répertoriés dans cette région. Deux espèces de singes en danger vivent aussi habituellement dans la région du Xingu, à savoir : le singe araignée aux joues blanches (l’Ateles marginatus) et le saki barbu d’Uta Hick ( le Chiropotes utahicki), tous deux déjà répertoriés comme étant en danger par la liste rouge de l’Union internationale pour la protection de la Nature.


Le Belo Monte peut bien être interprété comme le projet de barrage le plus controversé au monde. Les peuple autochtones se battent depuis 1975 contre les projets de barrage. Dans les années 90, ils semblaient avoir gagné mais ont finalement vu durant cette dernière décennie resurgir ce projet de barrage sous l’impulsion du gouvernement brésilien. L’opposition au barrage demeure vive tant de la part des peuples autochtones qu’au niveau international: une récente pétition contre le Belo Monte a été signée par plus d’un demi million de gens à travers le monde.


Les leaders autochtones ont promis de continuer à se battre pour le fleuve Xingu—ce grand affluent de l’Amazone—qui est aussi leur foyer, et cela même après l’approbation gouvernementale.







 Le fleuve  Xingu au coucher du soleil. Photo publiée avec l’aimable autorisation d’ Amazon Watch.
Le fleuve Xingu au coucher du soleil. Photo publiée avec l’aimable autorisation d’ Amazon Watch.






Des espèces du Xingu



Le pléco zèbre (l’Hypancistrus zebra). Photo publiée avec l’aimable autorisation d’International Rivers.
Le pléco zèbre (l’Hypancistrus zebra). Photo publiée avec l’aimable autorisation d’International Rivers.






 La raie fluviale blanche tachetée  (le Potamotrygon leopoldi). Photo publiée avec l’aimable autorisation d’International Rivers
La raie fluviale blanche tachetée (le Potamotrygon leopoldi). Photo publiée avec l’aimable autorisation d’International Rivers






 Le singe araignée aux joues blanches (l’Ateles marginatus). Photo publiée avec l’aimable autorisation d’International Rivers.
Le singe araignée aux joues blanches (l’Ateles marginatus). Photo publiée avec l’aimable autorisation d’International Rivers.







Une espèce unique de piranha herbivore (l’Ossubtus xinguense). Photo publiée avec l’aimable autorisation d’International Rivers.






 Le saki barbu d’Uta Hick (le Chiropotes utahicki). Photo publiée avec l’aimable autorisation d’International Rivers.
Le saki barbu d’Uta Hick (le Chiropotes utahicki). Photo publiée avec l’aimable autorisation d’International Rivers.





first female president have pushed the dam forward.

Quitter la version mobile