Nouvelles de l'environnement

Une tentative d’exportation de bois précieux illégaux de Madagascar avortée grâce à une mobilisation locale.

Les autorités de Madagascar ont réussi à bloquer une tentative visant à faire embarquer des bois de rose illégaux au port de Vohémar au cours du week-end, d’après nos rapporteurs sur place. L’incident – bien qu’isolé – montre que des citoyens, le Département des Eaux et Forêts, les médias locaux et les compagnies maritimes ont un impact pour ralentir le commerce de bois de rose qui a dévasté les forêts pluviales des parcs de Madagascar, leur faune, l’écotourisme et les communautés rurales.



Les informations portant sur une exportation ont été dévoilées le 2 novembre lorsqu’un journal de la place, La Verité, annonçait que des préparatifs étaient en cours pour expédier jusqu’à 100 conteneurs de bois de rose – d’une valeur de 20 millions de dollars chacun – malgré une interdiction d’exportation de bois précieux portant sur l’ensemble du territoire. D’après ce qu’on a appris, l’expédition était organisée par Vernier Mathon connu comme “Vévé”, un négociant de bois de rose qui prétendait agir au titre d’une dispense accordée par Andry Rajoelina, le président du « gouvernement de transition » de Madagascar qui a pris le pouvoir lors d’un coup d’état perpétré en mars 2009. Mathon disait que les autorités douanières de Vohemar avait organisé une exportation à bord du Kiara, un bateau appartenant à la compagnie française CMA-CGM.




Rondins de bois de rose.





Les rondins de bois précieux sont assemblés avec des lianes et transportés par flottage sur des radeaux fluviaux faits de bois plus légers. 5-6 rondins de bois légers sont requis pour faire flotter un seul rondin de bois précieux, amplifiant ainsi d’autant le déboisement.

D’après nos sources, alors que les informations portant sur une exportation imminente se propageaient, les agents des Eaux et Forêts redoublèrent d’efforts et surveillèrent le port.



« Ce sont bien les agents des Eaux et Forêts qui ont empêché les trafiquants [de réussir], rapporte notre source. « Ils ont suivi chaque conteneur vide à la trace, en contrôlant les numéros de série et cela sur l’ensemble de la région de Vohemar en revérifiant les contenus. De cette façon, ils ont empêché les trafiquants de remplir les conteneurs (de bois de rose) loin des yeux des autorités.



Au même moment, la compagnie maritime CMA-CGM redoubla aussi de vigilance.



« La compagnie CMA-CGM a été extrêmement prudente avec cette cargaison en contrôlant chaque formulaire » rapporte notre source qui relève que les arrestations des deux représentants de Maersk en septembre à Toamasina (Tamatave) pour avoir autorisé l’expédition de conteneurs remplis de bois de rose sur l’un de ses navire a vraisemblablement eu un impact.



« Il est fort probable que la mésaventure des deux représentants de Maerks à Toamasina ait résolument sensibilisé les compagnies maritimes »



Nous avons également eu des indications sur une opposition populaire à l’expédition avec des discussions portant sur l’organisation locale de l’ »occupation du port » afin de dénoncer toute transgression. Au cours des derniers mois, le trafic de bois de rose est devenue une question politique brûlante à Madagascar, avec les membres du gouvernement de transition qui sont liés à des transactions illicites. Le mois dernier, une enquête secrète menée par l’Environmental Investigation Agency et Global Witness a publié une vidéo sur laquelle on voyait des revendeurs de bois de rose chinois prétendre qu’ils traitaient directement avec le président Andry Rajoelina pour tout ce qui porte sur le trafic de bois.




L’exploitation récente de bois de rose a été liée à une recrudescence du braconnage des lémuriens. La perte des lémuriens a des répercutions écologiques sur les forêts. D’après Patricia Wright, les lémuriens semblent être les acteurs les plus importants dans la dispersion des graines à Madagascar. Inquiète, Pat Wright ajoute que « le lémurien réputé avoir la meilleure saveur – selon une enquête menée auprès de plus de 2000 villageois des régions limitrophes » est aussi l’une des espèce les plus importants dans la dispersion des graines : le Vari noir-et-blanc.




Ces animaux sont des Lémurs couronnés, Eulemur coronatus et des Propithèques de Tattersall, Propithecus tattersalli. Copyright: © Fanamby/photos de Joel Narivony

Mais le trafic de bois de rose n’est pas un phénomène nouveau à Madagascar : une recherche publiée research published dans le numéro de juin du journal Madagascar Conservation & Development a montré que l’exploitation de bois précieux a suivi un cycle depuis les années 1990 au moins. Le bois est exploité de manière régulière et stocké jusqu’à ce qu’une catastrophe naturelle, comme un cyclone, ou des troubles politiques créent une situation favorable à une exportation. Le cercle des exportateurs de bois fait une fortune jusqu’à ce que les groupes de protection de la nature et les agences d’aide internationales réussissent à mettre un terme au trafic, au moins jusqu’à l’étape suivante du cycle.



« L’exploitation illégale de bois précieux se poursuit sur l’ensemble du cycle car le gouvernement ne contrôle vraiment que les exportations (c.-à-d. depuis le chargement à bord d’un bateau à quai dans un port jusqu’à son départ). Les opérateurs de la filière accumulent des stocks en attendant la phase favorable du cycle » écrivaient Randriamalala et Liu, auteurs de l’article de Madagascar Conservation & Development.



La plupart des gains provenant de l’exploitation illégale revient à un groupe restreint de gens riches alors que les pertes sont partagées entre les autres membres de la société malgache qui dépendent de plus en plus des touristes qui viennent admirer les trésors naturelles de l’île dont la faune endémique avec ses les lémuriens ou encore d’impressionnants paysages au rang desquels viennent les forêts pluviales ou les récifs coralliens. Le déboisement peut aussi réduire la disponibilité en eau claire et avoir un impact sur les ressources alimentaires.



« Le tourisme est une activité qui rapporte près d’un demi million de dollars chaque année à des dizaines de milliers de personnes (hôteliers, restaurateurs, guides, chauffeurs de taxi, piroguiers, artisans et d’autres). » écrivent Randriamalala et Liu. « En revanche, l’exploitation illégale des bois précieux rapporte 220 millions de dollars une seule fois à vingt-trois personnes. »







References



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