Nouvelles de l'environnement

Comment mettre fin à la crise du bois à Madagascar



Au lendemain du coup militaire de mars dernier, la forêt vierge de Madagascar a été pillée pour son bois précieux, notamment le bois de rose et l’ébène. Des dizaines de milliers d’hectares ont été affectés, y compris les parcs nationaux à la plus grande diversité biologique de l’île : Marojejy, Masoala et Makira. L’abattage illégal du bois a également provoqué une augmentation du commerce de gibier tropical. Les chasseurs massacrent aujourd’hui les lémuriens, rares et inoffensifs, pour la consommation des restaurants.



En outre, les gangs armés en maraudes à travers les parcs nationaux ont également affecté le tourisme, une source importante de revenus directs et indirects pour beaucoup de Malgaches. Les commerçants de bois de rose intimident, et dans certains cas voire même battent, ceux qui tentent d’empêcher le pillage. Les ONG de conservation opérant dans les régions affectées ont été quasiment neutralisées parce que le gouvernement « de haute autorité de transition » (HAT), formé par les leaders du coup d’état, a désormais pris un rôle actif dans l’abattage du bois, sans doute pour aider à financer les élections imminentes qui, ils l’espèrent, leur permettront de légitimer leur prise de pouvoir. A cette fin, Andry Rajoelina, le leader de la HAT, a récemment autorisé l’export de bois de rose, un commerce jusqu’à présent interdit. Cela a déclenché une frénésie d’abattage qui n’a pas été reportée dû au fait que le régime a la mainmise sur la presse. L’illégalité perçue du régime de Rajoelina a amené les donateurs étrangers à suspendre la plupart de l’aide pour le pays, mettant fin aux programmes de protection de l’environnement et de mise en application de la loi. La situation est désespérée.







Depuis le coup militaire, on a vu une hausse du braconnage commercial de lémuriens. De plus en plus, les lémuriens sont abattus pour la cuisine de plats originaux, plutôt que pour la survie.

La protestation internationale résultant de l’attention des médias internationaux et d’une campagne organisée par Ecological Internet, un groupe activiste, est parvenu à fermer les exports de bois de rose depuis le 3 décembre de l’année dernière en faisant pression sur les compagnies de trafic maritime, mais les stocks continuent d’augmenter, les bûcherons ayant été enhardis par l’autorisation de Rajoelina. Les commerçants sont confiants que s’ils attendent suffisamment longtemps, ils finiront par pouvoir expédier le bois de contrebande.



Des lors, il semble y avoir peu d’options pour répondre à cette crise du bois. Les entités qui interviennent d’habitude ne peuvent ou ne veulent pas le faire : les ONG locales et les communautés sont impuissantes face à la violence et à l’opposition du gouvernement, les ONG internationales (à l’exception du Jardin Botanique de Missouri) ont peur de mettre en jeu leurs projets en prenant position, les gouvernements et agences donateurs refusent de supporter Rajoelina puisqu’il n’est pas élu, et le HAT est complice. Existe-t-il une solution ?



Je ne sais pas s’il y en a une, mais voici une idée : un moratorium absolu sur l’abattage du bois, ainsi qu’une amnistie des poursuites contre les commerçants et un programme de reforestation financé par la vente du bois illégal. Le moratorium prendrait immédiatement effet, les violations étant punies par de longues sentences de prison. Tout le bois de rose en attente d’export à Vohemar, Tamatave et d’autres villes spécifiées serait marqué d’un code qui ne pourrait être imité par contrefaçon (requis pour l’autorisation d’export) et enregistré sur un système de traçage numérique. Le bois pourraient être mis aux enchères sur un système de marché transparent : le prix et le code du bois serait enregistré et disponible au public.




Rosewood logs.





Les précieux rondins de bois de rose sont attachés ensemble par des lianes et on leur fait descendre le fleuve sur des radeaux fabriqués de bois plus léger. 5 à 6 rondins plus légers sont nécessaires pour faire flotter chaque rondin de bois de rose, ce qui exacerbe l’impact de l’extraction du bois de rose.

Le revenu des ventes serait divisé selon un système prédéfini. Le commerçant, ayant pris part à une activité illégale mais bénéficiant de l’amnistie pour les crimes liés à l’abattage, recevrait la plus petite part, disons 1 à 3% du prix de vente d’environ 1300$ pour un rondin de taille moyenne. Une plus grande proportion (disons 7 à 9%) serait mise de côté pour l’administration du programme, alors que le reste serait placé dans un fond en fidéicommis divisé entre le mise en application des lois écologiques et la reforestation d’espèces indigènes. Ces deux activités offriraient des opportunités d’emploi pour les communautés locales. Les paiements devraient être structurés de manière à pouvoir durer un minimum de 20 ans afin d’assurer la viabilité. La plantation d’arbres en-dehors des zones protégées pourraient être une source de revenu supplémentaire générée par une gestion durable des forêts (après 20 ans) ou des paiements pour le carbone de forêt, à partir du moment où un tel système émerge dans un cadre mondial sur le climat. La transparence serait essentielle et il faudrait établir des pénalités sévères contre les infractions. Le bois de rose livré après la date de l’amnistie devrait être confisqué (les recettes allant aux communautés) et les trafiquants arrêtés.



La beauté d’un programme comme celui-ci est le fait qu’il pourrait à la fois aider à restaurer les forêts de Madagascar – la base de l’écotourisme – et compenser les gens des communautés locales qui ont le plus souffert de l’abatage illégal. En outre, le processus pourrait être conçu de manière à être apolitique, dans la mesure où il serait autofinancé et indépendant de tout régime au pouvoir. Mais les hommes politiques pourraient tout de même tirer profit de leur apparente largesse, leur permettant de réclamer une petite zone de progrès dans ce qui a été sous d’autres aspects une année désastreuse pour le peuple malgache.




Des analystes en Europe et aux Etats-Unis se servent d’images satellite à haute résolution pour identifier et suivre les cargos de bois abattu illégalement dans les parcs forestiers de Madagascar. Ces images pourraient servir à poursuivre les commerçants impliqués dans le trafic et faire pression sur les compagnies qui utilise du bois de rose originaire de Madagascar. Ces images satellite GeoEye d’Antalaha datées du 2 décembre identifient plusieurs dépôts de bois. Les quatre gros-plans avec un rayon de 100m montrent des stocks de bois de rose. Peter Raven, Pete Lowry et d’autres au Jardin Botanique de Missouri travaillent avec Clinton Jenkins de l’université du Maryland pour préparer et analyser les images du satellite GeoEye-1. Le Jardin Botanique de Missouri est l’une des plus grandes OGN occidentales travaillant pour répondre à la crise du bois à Madagascar.

Oui, les défis que représente la mise en place d’un programme intégré de moratorium-conservation-amnistie-reforestation (MCAR) peuvent paraitre intimidants. Ceci nécessiterait une gouvernance actuellement inexistante dans le nord-est de Madagascar, de passer des accords avec le régime actuel et une exécution prudente afin de ne pas exacerber la situation en créant des incitations perverses à l’abattage. MCAR nécessiterait également un système crédible de contrôle et de vérification pour identifier les rondins qui peuvent être certifiés. Cet effort pourrait peut-être être supporté au début par les images à haute résolution du satellite GeoEye, dont l’acquisition et l’analyse pourraient être financées par de grandes OGN internationales ayant récolté de l’argent pour Madagascar sans pouvoir s’en servir de manière efficace pour empêcher la crise du bois. La corruption resterait un grand souci mais pourrait être tempérée par des contrôles qui assureraient la transparence.



D’une manière générale, les avantage de se servir du bois abattu illégalement afin de financer une restauration de la forêt qui soit basée dans la communauté du nord-est de Madagascar ont le potentiel de contrebalancer l’alternative qui est de permettre au bois d’être exporté pour un profit immense au bénéfice des syndicats, des politiciens et des élites du monde des affaires. Alors que Madagascar avait depuis longtemps la réputation d’être un cimetière des grandes idées, le progrès de la dernière décennie offrait de l’espoir. Pendant cette période, Madagascar s’est transformée d’un véritable paria de la conservation en modèle. On a raison de croire que l’Histoire peut se répéter.




Les responsables du coup d’état vendent les forêts de Madagascar et ses citoyens

(01/31/2010) Madagascar est renommée pour sa richesse biologique. Située au large des côtes orientales du sud de l’Afrique et avec une superficie un peu plus étendue que celle de la Californie, l’île abrite une collection éclectique de plantes et d’animaux dont 80 pour cent ne sont rencontrés nulle part ailleurs dans le monde. Mais les richesses naturelles de Madagascar ont été assiégées depuis près d’un an au lendemain d’une crise politique qui a vu l’éviction de son président chassé en exil sous la menace armée, l’effondrement des services publics, y compris dans la gestion des parcs et des réserves naturelles et l’évaporation des financements des donateurs qui constituaient la moitié du budget annuel du gouvernement. En l’absence de gouvernance, des bandes organisées ont pillé les trésors biologiques de l’île, en prélevant des bois précieux et des espèces menacées de lémuriens des forêts humides normalement protégées dans des parcs, et ont aussi effrayé les touristes qui représentent pourtant des alliés économiques de la protection de la nature. À présent que les responsables du coup d’état jouent un rôle de plus en plus actif dans le pillage pour financer des élections à venir qui, espèrent-ils, légitimeront leur prise de pouvoir, il faut se demander si le système de protection de la nature de Madagascar qui avait suscité tant d’intérêt peut être restauré et maintenu.

Les satellites pour suivre l’exploitation illégale et le trafic de bois précieux à Madagascar

(01/29/2010) Des experts en télédétection en Europe et aux États-Unis font appel à des images satellite à haute résolution pour identifier et suivre des cargaisons de bois exploités illégalement dans des parcs et réserves de forêts pluviales de Madagascar. Les images peuvent servir à confondre les négociants impliqués dans le trafic ainsi qu’à mettre la pression sur les compagnies qui utilisent les bois précieux originaires de Madagascar.

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