16 306 espèces menacées d’extinction
La Grande Barrière de corail morte à 95% !
Les récifs coralliens décimés dans les années 2050 !
Traduction par OMER Yves
mongabay.com
30/12/2007
La Grande Barrière de corail australienne pourrait perdre 95% de ses coraux vers 2050 si la température océanique, selon l’estimation des climatologues, croît de 1,5°C. Cette annonce, étonnante et sujette à controverse, tirée d’un rapport sous l’égide du WWF et du gouvernement du Queensland, est seulement un des scénarios possibles concernant le futur proche des récifs coralliens. La dégradation et la possible disparition de ces écosystèmes pourraient avoir des retentissements socioéconomiques profonds aussi bien que des impacts écologiques, selon Hoegh-Guldberg, directeur du Centre d’Etudes Marines de l’université du Queensland.
Lors d’une conférence donnée au Département d’Ecologie de l’Institut Carnegie, université de Stanford, H-G précisa que la menace la plus grande à laquelle devait faire face la Grande Barrière et les autres récifs coralliens était l’augmentation des températures de l’eau de mer, causant ainsi un stress thermique aux coraux.
Great Barrier Reef in Australia |
Le corail est un minuscule animal, un polype, vivant en colonie. Associé à une algue marine, la zooxanthelle, famille des dinoflagellés, genre symbiodinium, qui vit en son sein. C’est une véritable symbiose. Le corail tire de l’algue sa nourriture et son énergie et en retour l’algue profite du dioxyde de carbone largué par le polype. Au cours de milliers d’années, les récifs coralliens ont été formés par l’accumulation des squelettes calcaires laissés par les polypes après leur mort. Cet amas sert de support aux nouveaux polypes vivants. La recherche indique qu’il faut environ1000 ans pour qu’un récif s’élève de 1m. Mais un individu peut croître d’1m en 100 ans. Cependant, l’action conjuguée des vagues et d’autres facteurs perturbateurs modérent la croissance générale du récif.
La Grande Barrière est le récif le plus grand du monde, s’étendant sur 2300km le long de la côte nord-est australienne. Composée d’environ 2900 récifs isolés les uns des autres et approximativement de 900 îles, la Grande Barrière abrite plus de 1500 espèces de poissons et 400 de coraux, ce qui la rend un des plus importants écosystèmes de la planète. Les scientifiques la considèrent comme le plus grand organisme vivant de la terre et le seul être vivant visible de l’espace.
Great Barrier Reef in Australia |
Bien que la Grande Barrière soit un des récifs les plus sains au monde, les récifs coralliens sont particulièrement de fragiles écosystèmes,en partie à cause de leur sensibilité à la température ambiante de l’eau. Quand la physiologie des coraux est stressée, ils peuvent perdre leur algue symbiotique, événement connu sous le nom de « bleaching » ou blanchiment. Les coraux peuvent se remettre d’un blanchiment de courte durée, mais, prolongé, le blanchiment peut provoquer des dommages irréversibles allant jusqu’à la mort.
Le premier enregistrement de blanchiment corallien remonte à 1979. Depuis 6 vagues de blanchiment, de plus en plus rapprochées et aux conséquences de plus en plus sévères se sont succédées. En 1998, l’année d’El Nino, la température de surface des eaux tropicales ont atteint des records historiques et les coraux autour du globe n’ont jamais autant souffert. 48% des coraux de l’Océan Indien occidental ont souffert du blanchiment, tandis que 16% du total mondial sont morts fin 1998. En 2002, 60 à 95% des récifs sur 284 000km2 de la Grande Barrière ont souffert du blanchiment, alors qu’à Palau, aux Seychelles, à Okinawa, ils en souffraient de 70 à95%. Il semble que les Caraïbes, selon de récentes études, se trouvent au milieu d’une situation inquiétante. Bien que la plupart des écosystèmes coralliens récupèrent jusqu’ à un certain degré, il se peut que des températures plus élevèes dans le futur puissent avoir un impact néfaste durable.
« Une augmentation de la fréquence des attaques de blanchiment corallien peut être considérée comme l’un des premiers effets tangibles du réchauffement global », disait le docteur Arnold Dekker du CSIRO lors d’une conférence à l’Agence Européenne de l’Espace. « Notre souci est que, passé le seuil de blanchiment, les récifs coralliens ne puissent être en mesure de se régénérer ».
H-G acquiesce: en « 2050, le blanchiment pourrait devenir annuel, si bien sûr il existe encore des coraux à blanchir. Si vous avez une attaque de blanchiment tous les 4 ou 5 ans et qu’il faille 15 ou 20 ans pour que les coraux se régénèrent, on comprendra que les coraux touchés ne récupéreront pas ».
Acidité des océans
S’il est vraisemblable que l’élévation de la température de l’eau ait le plus grand impact sur les récifs dans le futur, H-G note qu’il y a d’autres facteurs qui affecteront la santé des coraux, tels que les changements du niveau des mers, l’augmentation de la fréquence et de la force des tempêtes, la circulation océanique altérée, les variations des précipitations, l’érosion des littoraux et l’acidification des océans.
L’acidification des océans est le souci majeur des scientifiques, car c’est un processus crucial pour la formation du corail. Le corail et d’autres organismes utilisent les ions carbonates libres dans l’eau de mer pour construire leurs squelettes et exosquelettes. Avec la montée des taux de dioxyde de carbone, les océans en absorbent plus, entraînant une acidification croissante de leurs eaux, d’où affaiblissement de la concentration d’ions carbonates. Cette baisse de la concentration ne favorise pas la formation des coquilles et squelettes de ces organismes, les rendant vulnérables aux prédateurs et aux conditions environnementales. Dans le passé, des changements d’acidité des océans ont causé des extinctions massives de la vie marine. Selon une étude publiée dans le n° de septembre de Geology, les eaux fortement plus chaudes et acides des océans ont pu entraîner la pire extinction de masse jamais enregistrée: l’Extinction Permienne. Durant cette période, qui eut lieu il y a quelques 250 millions d’années, environ 95% de toutes les espèces marines disparurent. La même catastrophe pourrait atteindre la vie marine de notre époque. En septembre 2005, une équipe scientifique, dans la revue Nature, publia que, vers 2100, la concentration de carbonate disponible pour les organismes marins pourrait chuter de 60%. Dans les eaux de surface, d’où part l’acidification avant de se répandre dans les profondeurs, il se pourrait qu’il y ait trop peu de carbonate pour permettre aux organismes de constituer leur squelette dès 2050.
H-G pense qu’une concentration de CO2 atmosphérique de 500ppm est la limite extrême pour les récifs coralliens. « Au delà de 500ppm, les récifs coralliens pourraient ne plus exister. La plus grande partie de l’Océan Pacifique deviendra inhospitalière aux coraux au fur et à mesure que le taux de concentration de carbonate tendra vers O », dit H-G.
La concentration actuelle de CO2 dans l’atmosphère se tient autour de 380ppm, mais l’IPCC projette que, si rien n’est fait pour y remédier, la concentration de CO2 atteindra vers 2050, 450 à 550ppm.
Impact mondial
La dégradation et la perte des écosystèmes coralliens auront vraisemblablement une large répercution sur le monde économique. H-G fait remarquer que des millions de personnes vivent autour des récifs dont ils tirent leur subsistance quotidienne. Que les récifs de corail soient détruits par le changement climatique, alors on verra des vagues de sinistrés écologiques en quête d’assistance.
Great Barrier Reef in Australia |
De plus les récifs jouent un rôle important en protégeant les côtes de l’action des vagues, de l’érosion, des effets des tempêtes. Par exemple, Moorea, Polynésie française,n’a que des marées de 10cm grâce à la protection de sa barrière. Si le récif meurt et que le corail croule, les structures en bord de mer courront un risque.
Impact d’une Grande Barrière mourante en Australie
L’Ausralie pourrait être le meilleur exemple impliqué dans les conséquences potentielles dues à la mortalité de ses récifs. Bien que l’Australie soit parmi les nations les plus développées du monde, la perte de sa Barrière pourrait se traduire par un fort impact négatif dans son économie. Une étude récente démontre que la Grande Barrière est plus enrichissante en tant qu’écosystème intact qu’en tant que réserve de pêche industrielle.
Chaque année 1,8 million de touristes visitent le site, dépensant 4,3 milliards de dollars australiens. Les activités induites par l’environnement: plongée apnée ou bouteilles, navigation de plaisance, séjours sur site etc…génèrent un revenu supérieur à celui du secteur commercial ou de la pêche de plaisance. Le tourisme est une source importante d’emploi: en 1998-1999, plus de 47 600 personnes ont travaillé dans le secteur du tourisme contre environ 2000 dans le secteur de la pêche commerciale.
Le tourisme a incité le gouvernement australien à préserver le récif. L’été dernier, il a interdit toute activité d’extraction sur1/3 du parc marin de la Grande Barrière, la rendant ainsi la plus grande réserve marine protégée du monde. Cette protection est aussi bénéfique à la pêche industrielle, puisque la réserve redevient une nursery qui va repeupler le récif entier.
L’industrie naissante et bourgeonnante de la biotechnie trouve au sein de cet écosystème de nouvelles molécules tirées des toxines défensives du corail ou des organismes qui y vivent. Plusieurs drogues prometteuses ont été mises au point à partir du corail et des autres invertébrés.
Il y a peu de doute, qu’en tant qu’écosystème viable et relativement intact, la Grande Barrière ne continue de jouer un rôle important dans l’économie australienne. La grande question est: combien de temps, restera-t-elle viable et intacte?
Désaccords
Certains scientifiques pensent que la Grande Barrière et autes récifs perdureront plus longtemps que ne le suggère le scénario de H-G. Des critiques disent qu’il ne tient pas compte du niveau admis d’incertitude concernant à la fois l’impact des eaux chaudes sur les récifs coralliens et à la fois la réalité du changement climatique global. Les projections de l’IPCC ont été chaudement débatues.
Comme les coraux fossiles recensés sont peu nombreux et disséminés, et que la finesse de datation n’est que de 400 ans, il est difficile de détecter l’impact réel de ces brusques changements sur le corail. Le corail a certainement résisté à des périodes plus chaudes et plus acides au cours de l’histoire géologique de la terre. Cependant H-G fait remarquer que les coraux auront des difficultés d’adaptation face aux rapides augmentations de température des eaux et face à la chute de concentration de carbonate.
« Les adaptations biologiques ne peuvent pas s ‘accorder au rythme élevé des changements futurs estimés. Dans le passé, l’échelle du temps s’étendait sur des milliers d’années et non des décennies », dit H-G. Il ajoute que les récifs coralliens récupéreront en terme de temps géologique, mais pas en terme de temps de vie humaine. Il estime qu’à court terme l’impact sur les récifs dégradés ou mourants sera significatif.
« Pour un tour opérateur, 2 ans de blanchiment de corail peut faire la différence entre avoir du pain sur la planche et chercher une autre activité. L’industrie du tourisme sera durement touchée par la cadence accrue des vagues de blanchiment »
Sur le long terme, les coraux récupéreront. Selon le côté optimiste du scénario de H-G et pour des températures stabilisées vers 2100, la Grande Barrière se régénérera en un siècle. Selon le côté pessimiste, cela prendra au moins 500 ans pour que la population corallienne s’adapte à des eaux plus chaudes.
H-G pense qu’il est invraisemblable de voir migrer les coraux vers des régions plus fraîches, à des latitudes pus hautes à causes d’autres facteurs requis pour leur croissance.
Malgré un sombre avenir, H-G pense que les efforts de présevation et de recherche ne doivent être soutenus.
« Il ya encore beaucoup à apprendre pour comprendre ces écosystèmes afin de les préserver efficacement. La technologie, encore dans son enfance, nous offre la possibilité de modérer, certains effets néfastes du changement climatique global sur les récifs coralliens ».
Coral reefs decimated by 2050, Great Barrier Reef’s coral 95% dead